LA QUESTION DU RACISME EN FRANCE ET À MAURICE (II) Pourquoi le gouvernement français fait-il une grave erreur ?

JACK BIZLALL

On ne peut raisonnablement enlever le mot « race » sans le remplacer par le mot « racisme ».

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C’est la grande critique de Valérie Amiraux et d’Alana Lentin dans Le Monde sous le titre « Retirer le mot « race » de la Constitution ne règle rien ». Cet article fut écrit en 2012 quand François Hollande avait promis de retirer le mot « race » de la Constitution. Ils écrivent : « Supprimer le mot race ne supprimerait pas le racisme ». J’ajouterai : surtout PAS en France.

Dans le texte de 2008, le MPM écrit : « Nous avons inséré la notion de couleur dans notre argumentation sachant que le concept de race et celui de couleur sont liés. Faisant abstraction de ce qui a pu exister dans notre Histoire à propos des différences fondées sur le concept de race pour ne point réveiller certaines absurdités. Il subsiste pas moins de quatre sources de racisme.

Celle émanant du colonialisme dont la justification repose sur la supériorité de la race blanche et du catholicisme.

Celle du système de castes émanant de l’invasion aryenne et dont les peuples aborigènes, c’est-à-dire les autochtones de l’Inde, ont été victimes pendant des millénaires.

Celle des préjugés ayant traversé notre Histoire entre les ethnies dominées et exploitées.

Celle enfin que nous adoptons consciemment ou inconsciemment du racisme et des théories racistes pratiqués dans d’autres pays. Il y a eu par exemple un antisémitisme à Maurice émanant du racisme nazi comme celui de Vichy, comme il y a eu une certaine adhésion au système ségrégationniste américain et à celui de l’Apartheid qui a existé en Afrique du Sud.

Le racisme est donc une émanation du colonialisme, de l’hégémonie religieuse, de l’exploitation économique, des différences imposées sur le plan social, des préjugés ethniques, des théories raciales, etc. Si nous sommes encore à souffrir de ces tares historiques, ne faudrait-il pas substituer le terme racisme au terme race ?

Pourquoi ? Pour que ce qui n’est pas juridiquement et scientifiquement soutenable en cour par rapport au concept de race – qui est inscrit dans notre Constitution – soit juridiquement soutenable par rapport au concept de racisme dont la pratique perdure dans notre société et lui fait un tort immense.

Quand le Mauricien parle de méritocratie dans les nominations, d’égalité des chances pour grimper l’échelle sociale, d’éducation semblable pour tous, de traitement égal dans ses rapports avec l’État et les institutions du privé, etc. que veut-il au fond sinon que la pratique du racisme cesse dans notre société. »

Il faut comprendre l’essence du racisme

Il existe des adhérents au racialisme (ou la théorie scientifique des races expliquant des phénomènes sociaux) à Maurice comme en France. Mais la science ne doit pas baisser les bras dans ses recherches. Il faut un savoir scientifique en profondeur et des recherches permanentes dont les sujets seront entre autres : L’hypothèse multirégionale ou l’évolution polycentrique selon laquelle l’espèce Homo sapiens aurait émergé de façon parallèle et indépendante ; que les racistes utilisent pour affirmer (à tort ?) le polymorphisme génétique et les thèses polygénistes. L’autre hypothèse est celle qui est la plus acceptée. En l’occurrence, l’origine monocentrique et africaine de l’homme moderne. Il existe des textes intéressants sur la question depuis 1990.

Il faut ajouter à la question des races, la question des castes en termes de groupes héréditaires, endogames (mariages à l’intérieur du groupe social, géographique, professionnel ou religieux) et hiérarchisés. Le système de castes existe partout dans le monde. En Inde, nous avons ce que l’on nomme les Varnas. Le mot varna signifie : « couleur » et « rang ». Voilà l’essentiel à comprendre. Que le système des castes émane du racialisme mais a des répercussions sociales qui produisent le racisme.

A mon point de vue, le racisme (sans réductionnisme mais avec une bonne dose d’abstraction) se résume à un comportement individuel, social, politique, institutionnel, ethnique… Bref culturel, qui génère du mépris et des injures racistes, la diffamation raciale, la discrimination raciale, des violences raciales, l’exclusion politique… qui devraient être interdites constitutionnellement et ainsi passible de poursuite pénale et civile, pour des réparations. Les plus hauts degrés du racisme demeurent la xénophobie, les ségrégations et les génocides.

Comme on le constate en niant l’existence des races, il n’est pas raisonnable de nier l’existence du racisme. On peut facilement comprendre le racisme dans une société (ou une organisation politique) pratiquant le sectarisme. En Europe, le Juif, l’Arabe, l’Africain… sont acceptés que quand ils adhèrent à la religion, à la langue et aux coutumes de l’Européen. Comme certains partis politiques qui n’acceptent comme membres que ceux qui adhèrent à leur idéologie et à leur leadership. Dans le fond, le sectarisme constitue l’apologie du racisme.

L’autre forme de racisme

Je vais avancer une proposition qui n’engage que moi.

J’ai compris quoi dans mon auto-initiation politique contre le racisme? 1) Que la notion de race n’est applicable pour l’humain que dans le cadre de son identification par rapport aux autres espèces vivantes, avec lesquelles il faut développer des rapports nouveaux (j’y reviendrai). 2) Que nous sommes tous des Homo sapiens-sapiens. En soi, donc, l’humanité est constituée d’une seule race, avec de multiples cultures, mais avec un fonds commun de civilisation. 3) Qu’il existe des différences entre les cultures qui n’ont RIEN à voir avec le terme « race ». J’ai pris position contre l’inter-culturalisme, le multiculturalisme et l’universalisme culturel pour me concentrer sur la civilisation humaine juxtaposant les cultures et dégageant une transversalité de ce qui est acceptable pour tous, et 4) que le racisme existe bel et bien, dans notre société comme ailleurs et qu’il faut une action politique pour le combattre.

Je milite pour que les termes « race » et « couleur » soient enlevés de notre Constitution pour être remplacés par le terme « racisme ». Je fais une distinction entre ce que les citoyens : 1) ne doivent pas accepter en termes de discriminations de toutes sortes ; 2) ne doivent pas laisser passer en exigeant réparation et 3) doivent mener comme actions politiques et institutionnelles contre les exclusions et les agressions. Question : est-ce suffisant ? Je dis que non. Je me suis intéressé à examiner les systèmes politiques. Je me bats depuis des années contre le capitalisme que je considère éminemment raciste dans la Constitution et le comportement des classes hégémoniques et dominantes. Avec son lot d’exploitation, d’oppression, de domination, de ségrégationnisme, et de privilèges.

Mais j’affirme aussi – en me référant aux crimes d’un collectivisme niant les différences entre individus et collectifs d’individus, imposant l’ « uniformisme », au nom de l’économisme, massacrant toute individualité chez les humains… Quand je regarde ce qui se passe en Corée du Nord…comme pendant des périodes spécifiques dans l’ex-URSS, en Chine, au Cambodge… – que le racisme est aussi la démarche d’une bureaucratie sectaire qui s’est octroyée le droit de traiter des masses de gens comme on n’oserait même pas traiter les animaux. Être raciste, c’est aussi déshumaniser l’Homme en le traitant comme une chose. Le racisme a plusieurs visages. Je peux identifier à Maurice des centaines de racistes, ceux de droite comme ceux de gauche.

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