La République des bouffons

Il faut reconnaître un mérite à nos politiciens, qui est de nous faire rire à quasiment chaque instant. On pourrait se demander s’ils sont des caricatures puisées dans le bestiaire du ridicule et de l’absurde mais il se trouve qu’ils sont réels et bien réels. Ils ne sont pas des personnages de fiction mais des créatures en chair et os. Ils sont tangibles. Cela peut paraître invraisemblable mais ils existent. Parfois j’ai des envies furieuses de me pincer afin de dissiper cette illusion. Mais je n’y peux rien car ils sont, au risque de me répéter, réels. Si vous n’êtes pas tout à fait convaincu, je vous invite à regarder la MBiCi. Je vous garantis que vous les verrez et c’est un spectacle qui vaut le détour.
 Avant d’aller plus loin il est sans doute utile de trouver un mot pour les définir. On pourrait en débattre à longueur de journée mais le temps étant ce qu’il est, c.à.d. précieux, arrêtons-nous au mot suivant : bouffon. À vrai dire, bouffon est un euphémisme, il manque de tranchant, il n’arrive pas à traduire ce qu’ils sont, il n’est pas à la hauteur de leurs vertigineux talents. C’est un mot insuffisant. Ou pour ceux qui s’y connaissent en littérature ce mot ne parvient pas à dire l’indicible. On pourrait trouver un autre mot, plus approprié mais on ne souhaite pas sombrer dans la vulgarité, il nous faut faire preuve de politesse et il paraît qu’il y a des enfants qui lisent cette page.
 Mais qu’est-ce qui nous permet de dire qu’ils sont des bouffons ? Je pourrais examiner des cas précis, nommer les politiciens mais il n’est pas dans mes intentions de séjourner durant une nuit ou plusieurs dans le lit peu douillet d’une prison. Je suis, certes, un citoyen en colère mais mon amour inconsidéré pour mon lit ne m’autorise pas certaines folies. Restons donc en ce haut lieu de sûreté et peut-être de lâcheté, les généralités. Quelles sont-elles ?
 1. Ego surdimensionné. Le politicien bouffon se prend au sérieux, très au sérieux. Il est obnubilé par sa personne, il croit être le nombril du monde connu, méconnu et inconnu. Il est convaincu que son être est essentiel au fonctionnement du monde, je crois l’avoir dit, mais aussi de l’univers. Après lui, c’est le déluge et l’Apocalypse. Il est fondamentalement un ‘grand mari’, qui a le plus profond mépris pour ceux qui sont ses ‘inférieurs’. Le mot ‘humilité’ ne se trouve d’ailleurs pas dans son dictionnaire. Mais étant donné son niveau d’inculture on pourrait se demander s’il a un dictionnaire.
 2. Soif du pouvoir. Le politicien bouffon a un amour incommensurable pour le pouvoir. Il est prêt à se vautrer dans la boue, à trahir ses amis, à se livrer à des actes les plus innommables afin de pouvoir s’en gaver. Le pouvoir est l’objet de toutes ses vénérations, il a foi en lui, il ne l’oublie jamais et il lui est d’une fidélité absolue. Il est, par ailleurs, un fanatique de tous ces accessoires, titres grandiloquents, fréquentation des puissants du jour ou encore ressassement des mots suivants : Moi, je.
 3. Aveuglement. Le politicien bouffon n’est évidemment pas aveugle. Son aveuglement est celui de l’âme. On ne va pas, ici-bas, se mettre à interroger son âme, on risque, ce faisant, de perdre la nôtre mais il est évident que le politicien bouffon gît dans l’obscurité. Fasciné par soi-même, intoxiqué par le pouvoir, entouré par des carapates qui ne cessent de faire ses éloges, il voit sans voir. Il nous fait penser au personnage du con dans le film, Le Dîner de cons, il est con mais il est le seul à ne pas savoir qu’il est con, ce qui n’empêche pas sa connerie de causer de nombreux dégâts.
4. Ridicule. Il est dit que le ridicule ne tue pas. On peut considérer que c’est une grâce qui est accordée aux politiciens bouffons. Autrement les conséquences seraient catastrophiques. Pensez à ceux qui se couvrent de ridicule à l’étranger ou encore à ceux qui ont une lampe de chevet mais pas un livre de chevet. Que leur arriverait-il ? On n’ose y penser. Mais il faut reconnaître, comme on l’a dit plus bas, que ce ridicule sert à quelque chose, qui est de nous faire rire. On devrait certainement les encourager à aller plus loin dans cette voie, leur bouffonnerie est le parfait antidote au mal-être contemporain.
Je pourrais continuer sur cette lancée et vous proposer d’autres généralités. Mais je crois avoir dit l’essentiel. J’estime être parvenu à cerner les éléments clé de leur psyché de bouffon. Cela ne les empêchera malheureusement pas de parfaire leur maîtrise de cet art. Il est dit qu’on peut guérir de nombreuses maladies mais de la bouffonnerie… On n’y pourra donc rien. Ils sont irrécupérables.
 Terminons sur une interrogation.
Est-ce que les véritables bouffons dans l’histoire ne sont pas ceux qui élisent ces politiciens ? Vaste question qui fera l’objet d’un nouvel article bientôt.

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