L’art des deux langages

Est-ce pour se donner bonne conscience ou par réelle conviction que le monde s’évertue, année après année, à organiser des sommets, que ce soit en matière de lutte contre le réchauffement climatique ou pour toute autre affaire d’ordre environnemental ?

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La question reste posée car, il faut bien l’admettre, l’issue de ces réunions entre hauts responsables d’États est trop souvent la même, à savoir des discours certes faisant la part belle à l’urgence climatique, mais généralement suivis de peu d’actions. Nous pourrions d’ailleurs revenir, mais ce serait inutile, sur les suites de la COP21 de Paris, qualifiée trop prématurément de « conférence du siècle », tant son succès ne faisait alors aucun doute, mais qui, au final, restera de triste mémoire comme l’une des pires occasions ratées de ces dernières années. Une de plus, serait-on tenté de dire.

Il apparaît en effet de plus en plus clair que les mesures peinent à suivre les discours qui les auront précédés. D’ailleurs, ces propos sont-ils réellement si engageants ? Comment apporter quelconque crédit aux chefs d’Etats qui, une fois à la tribune des Nations unies par exemple, exposent des plans de réduction de gaz à effets de serre pour les 10 ou 20 prochaines années ? Que sous-tendent ces engagements dans les faits, sachant que de toute manière, la majeure partie de ceux tenant pareils discours ne seront plus aux commandes de leur pays lorsqu’arriveront les échéances annoncées ?

Pour nous en convaincre, nous pourrions nous intéresser à notre toute petite île, aux esprits non moins minuscules. Prenons ainsi l’exemple de notre ministre de l’Énergie et des Services publics, Ivan Collendavelloo, qui intervenait récemment à la réunion de haut niveau de l’International Renewable Energy Agency à Abou Dhabi sur l’accélération de la transformation énergétique dans les petits États insulaires en développement. Son discours aura été d’une grande limpidité quant aux intentions du gouvernement actuel (le même que le précédent, faut-il le rappeler, même si certains ont entre-temps changé de chaise à la reprise de la musique). Notre VPM, donc, aura évoqué les dangers du changement climatique, et plus particulièrement dans les petits pays insulaires, ce qui constitue une lapalissade de haut vol. Là où Collendavelloo va plus loin cependant, c’est en affirmant que la vision de son gouvernement est « clairement définie » dans le cadre des Nationally Determined Contributions. « Nous avons élaboré une feuille de route pour les énergies renouvelables jusqu’en 2030, fixant des objectifs de 35% d’énergie renouvelable d’ici 2025 et de 40% d’ici 2030 », a-t-il ainsi soutenu.

Face à cette affirmation, l’on pourrait revenir sur notre argumentaire selon lequel il apparaît stérile de venir avec des intentions aussi éloignées dans le temps, la date la plus proche (2025) signifiant en effet que d’autres élections auront été organisées entre-temps. Mais nous pourrions tout aussi bien revenir avec les chiffres avancés tout aussi récemment par Statistics Mauritius pour l’année 2018, et qui, sur de nombreux aspects, démentent nos engagements environnementaux. Ainsi, à l’item “production énergétique”, il est noté dans le rapport que les énergies renouvelables accusent une baisse de 4,7% entre 2017 et 2018, passant de 215 à 204 milliers de tonnes d’équivalent pétrole. Et si le document relève une hausse dans la production d’énergie solaire et éolienne, ses auteurs notent hélas dans le même temps que le pays continue de dépendre grandement de l’énergie fossile, dont 28,2% du charbon et 17,6% du fioul.

Statistics Mauritius revient par ailleurs sur d’autres items non moins embarrassants. À commencer par le centre d’enfouissement de Mare-Chicose, qui aura « accueilli » près de 550 000 tonnes de déchets cette même année, soit une hausse de 12,7% par rapport à 2017, principalement issus des ménages et de l’industrie, et ce pour la simple et bonne raison que nous ne trions pas nos déchets, ni même ne les recyclons. Par manque de volonté politique, bien entendu. Idem d’ailleurs concernant l’importation de pesticides, là aussi en augmentation. Que nos décideurs prennent le reste du monde pour des imbéciles, soit, mais les Mauriciens, eux, ne sont pas dupes… À l’avenir, le mieux, peut-être, serait encore qu’ils se taisent !

 

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