Lauréats 2018 : Sharma Hurbhookun, la pépite de Roche-Bois

Il n’a pas eu la vie facile, et pourtant, aujourd’hui, tout lui sourit. Après avoir passé des nuits blanches à réviser dans sa petite maison à Roche-Bois, Sharma Hurbhookun a fini par réaliser son rêve : devenir le lauréat de Piton SSS dans la filière classique. En toute humilité, le jeune homme se confie à Week-End.

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Le jour de la proclamation des lauréats, il est entouré de ses collègues des Éditions de l’océan indien à Port-Louis, où il travaille depuis qu’il a fini l’école. « On écoutait tous attentivement la radio. Je n’y croyais pas et j’ai tout de suite fondu en larmes. Ce sont mes enseignantes qui sont ensuite venues me chercher », nous raconte Sharma Hurbhookun. Nous souhaitions le rencontrer dans sa demeure à Roche-Bois, mais c’est dans nos bureaux qu’il a décidé de se confier. D’une rare simplicité, Sharma Hurbhookun, plus connu comme Leckraj, est un grand timide au grand cœur. S’il a tout du petit intello de la classe, ce jeune homme a un certain charisme qui laisse tout de suite pantois.

« Je n’ai pas eu la vie facile. J’ai grandi dans une atmosphère familiale très difficile, où il m’était parfois impossible de réviser, de me concentrer. Je me réveillais tous les matins à 3 hpour réviser, car c’était le seul moment où tout était calme chez moi », nous dit-il. « Mais j’ai réussi pour mes enseignants. C’était le seul moyen pour moi de les remercier. Je ne pouvais pas les décevoir », poursuit-il. Concernant son quartier, il nous confie « qu’en 18 ans, il n’a jamais eu de problèmes dans ce quartier pourtant mal vu des autres. »

Sharma Hurbhookun a toujours eu pour rêve d’être lauréat. « C’était d’ailleurs mon seul rêve : être admis dans un collège où il n’y aurait eu pas de lauréats et ensuite travailler dur pour être le premier lauréat de l’établissement », confie-t-il. Une ambition qui le poussera à étudier avec «l’aide incommensurable de mes enseignants qui ont toujours cru en moi. Ils ont tout fait pour que je réussisse. Ils ont d’ailleurs pleuré en apprenant la nouvelle. Plusieurs d’entre eux m’ont donné des leçons particulières gratuitement », nous dit-il. « J’ai beaucoup souffert et je ne pouvais partager cela avec eux, mais aujourd’hui je leur offre toute ma joie. Oui, aujourd’hui je suis enfin heureux », nous dit-il le sourire aux lèvres.

« Si je pouvais revivre ces sept années, je le referais sans hésiter »

Il poursuit calmement. «Je remercie Madame Chady, Miss Martin, Miss Ragnuth, Miss Rambaccus, la famille Joggea et aussi mon recteur, et bien d’autres personnes qui m’ont aidé. Qui m’ont écouté lorsque ça n’allait pas. Aussi les librairies et les bibliothèques qui m’ont ouvert leurs portes. Je recopiais toutes les notes dans un cahier que je ramenais à la maison et que je relisais sans cesse. » Sharma Hurbhookun ne sait pas encore quelles études entreprendre, mais en tout cas, il va partir loin. « Ma mère, Geeta Baly, General Worker de son état, me l’a elle même dit. Elle veut que je réussisse pour elle et pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’arriver aussi loin. »

Il veut par ailleurs encourager d’autres comme lui à sortir de leur coquille et à se surpasser… et ce, malgré les difficultés de la vie. « Lorsque j’étais au collège, j’avais tout le temps peur, mais au fil du temps, je me suis fait de vrais amis, une vraie famille. Ils ont veillé sur moi pendant toutes ces années et si je pouvais revivre ces 7 années, je le referais sans hésiter. Vous savez, Shakespeare a souvent abordé la thématique du déguisement dans ses œuvres. Une thématique intemporelle et qui concerne tous, car chacun d’entre nous porte un masque pour cacher nos blessures, nos pensées réelles, nos peurs, mais à Piton SSS, il n’y avait pas tout cela. Peut-être que ces enfants parlent fort ou font des bêtises, mais jamais ne m’ont-ils fait du mal. Ce sont des personnes vraies », nous confie le jeune lauréat.

Son conseil aux jeunes comme lui : « Continuous hard work. » « Ne jamais baisser les bras et essayer d’ignorer les choses qui vous font mal. C’est difficile mais avec beaucoup de courage et de soutien, vous y parviendrez. J’ai eu la chance d’avoir des gens formidables au collège qui m’ont fait oublier ma peine. Je pense que chaque enfant devrait profiter d’un tel encadrement, car grâce à cela, tout devient possible », dit-il. En attendant de prendre l’avion pour rendre ses proches encore plus fiers, le petit “zanfan Piton” continue de travailler à la librairie entouré de ses amis et de ses livres.

Ce qu’ils pensent de l’éducation

Faatimah Bhugaloo, Sharma Hurbokhun et Terry Jowree ont réussi leurs examens avec brio. Nous les avons questionnés sur le système éducatif mauricien. Fatimah Bhugaloo souligne l’importance de rehausser le niveau de l’éducation à Maurice. Pour elle, les 5 credits obligatoires pour aller en Lower sont très importants. « Un enfant doit avoir une base pour accéder au niveau supérieur. En outre, avoir 5 credits c’est le strict minimum pour un emploi plus tard. Il faut tout faire pour permettre à l’enfant d’avoir une place sur le marché du travail », affirme-t-elle.
Sharma Hurbookhun demande aux jeunes d’étudier et de ne pas se laisser influencer. « Les 5 credits vous seront bénéfiques, car vous devez avoir une bonne base pour avancer. Aussi, je pense que les pédagogues devraient penser à changer la façon de faire les manuels scolaires, car nous n’avons plus de gendered curriculum désormais. Puisque je travaille dans une librairie, je vois qu’on fait souvent la distinction entre manuels pour filles et garçons. Ce temps est révolu, Maurice doit évoluer », dit le jeune habitant de Roche-Bois.
Pour Terry Jowree, il faudrait revaloriser les métiers manuels et former les jeunes en ce sens. « Je suis favorable aux 4 credits, car je pense que 5 credits c’est beaucoup trop, d’autant que très peu de jeunes parviennent à passer le cap du SC. Si un élève n’arrive pas à obtenir 4 credits, il est certain qu’il lui sera difficile d’avancer et même d’obtenir son HSC, donc, moi, je pense que l’on devrait encourager nos jeunes à se perfectionner dans d’autres domaines. Il ne faut s’obstiner à penser que la seule intelligence qui existe n’est qu’académique, il existe aussi d’autres types d’intelligence. Je suis pour la revalorisation des métiers manuels et je pense qu’il est important d’offrir une formation aux jeunes en ce sens. »

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