Laurent Lemaitre (président de Club Export Réunion) : « Les gilets jaunes ont eu un fort impact sur l’économie réunionnaise »

Le Mauricien a rencontré Laurent Lemaitre, président du Club Export Réunion, lors de son passage à Maurice récemment. Il a abordé plusieurs thèmes, dont la coopération Maurice-Réunion et ce qui bloque, ainsi que les retombées des Rencontres internationales du développement durable, tenues en novembre dernier, et qui ont vu la participation de Maurice et de plusieurs pays de la région. Il évoque également la crise des gilets jaunes à l’île sœur.

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Concrètement, quelles ont été retombées des dernières Rencontres internationales du développement durable, tenues en novembre dernier ?

Malgré un contexte d’organisation difficile, le niveau des échanges a été élevé et les participants ont exprimé une forte satisfaction. Il y a eu 400 participants au cours de trois jours, 11 territoires, cinq conférences plénières et plus de 100 “RdV BtoB”. Une convention de collaboration a été signée avec la Nouvelle-Calédonie et des partenariats prometteurs ont été initiés avec des organisations internationales, telles l’Agence wallonne des exportations (AWEX). Ces Rencontres internationales du développement durable ont permis le renforcement de notre réseau de partenaires en Afrique de l’Est avec Lorcan, notre partenaire au Kenya, ainsi qu’Anza Stratégie, pour notre partenaire en Tanzanie. Nous avons eu des retombées positives en termes de prise de conscience pour les délégations étrangères (11 territoires), dont l’Afrique australe, de la diversité culturelle et de l’expertise proposées par nos îles à la porte de l’Afrique.

Depuis ces dernières années, Maurice et La Réunion ont émis le souhait de conjuguer leurs efforts pour mieux pénétrer le marché africain. Où en est ce projet commun ?

Il faut rappeler que le Club Export Réunion est à l’initiative depuis 7 ans des efforts de coopération Réunion/Maurice, via les Rencontres du développement durable. Ces dernières (avec les dernières, en 2017) ont débouché sur les Rencontres internationales du développement durable en novembre dernier, où de nombreux acteurs africains ont pu constater la dynamique régionale. Ces rencontres régulières, devenues “multilatérales”, témoignent de l’effort poursuivi pour aller ensemble vers l’Afrique.

Le Club Export Réunion anime la plateforme privé-privé (PPP) Réunion/Maurice avec ses partenaires (Business Mauritius, l’AMM et l’ADIR), dont un des objectifs est une coopération régionale vers le marché africain. Il existe aujourd’hui plusieurs exemples de coopération bilatérale, avec un élan vers le marché africain, comme le projet des Sucrière des Mascareignes (SML), propriété d’Alteo Ltd (Groupe IBL – 60%) et Tereos OI (40%).

Il y a depuis plusieurs années une volonté multilatérale forte de collaborations entre les pouvoirs publics et privés dans les îles sœurs (Business Mauritius, la MCCI, la COI, …). Des échanges Maurice/Réunion avec les Mozambicains sur les projets communs ont d’ailleurs eu lieu lors de leur venue à Maurice le 2 février dernier. Enfin, des déplacements d’entreprises mauriciennes et réunionnaises sont en cours vers le Kenya, avec des échanges de coopération prévus en 2019 et 2020.

Les îles sœurs peuvent développer un partenariat gagnant-gagnant sur le long terme vers l’Afrique, mais on a l’impression qu’elles sont en concurrence au lieu de conjuguer leurs efforts…

Il faut garder un regard positif sur l’échange bilatéral et multilatéral, malgré les incontournables difficultés rencontrées. Il faut casser une certaine image (qui semble malheureusement perdurer) de “mauvaise volonté” entre les deux îles : les “success stories” existent, sont en croissance et valorisent cette coopération.

Les échanges avec la COI, de Business Mauritius, de la CCI France-Maurice, de la MCCI et de l’EDB, entre autres, se renforcent et illustrent d’ailleurs la bonne volonté commune. Les îles de l’océan Indien ont chacune leurs offres et leurs forces, souvent complémentaires : une relance de la prise de conscience des acteurs publics et privés est aujourd’hui cependant nécessaire, mais normale.

Par ailleurs, la collectivité régionale entretient des liens d’amitiés puissants entre La Réunion et Maurice. L’antenne économique de la Région Réunion (installée depuis 2015) participe fortement à la mise en œuvre et au suivi des projets concrets entre les acteurs économiques mauriciens et réunionnais. Les relations sont très positives et contribuent fortement à désenclaver cette image de concurrence en faveur d’une coopération régionale gagnante.

Les manifestations des gilets jaunes ces derniers mois ont-elles fait du tort à l’économie réunionnaise ? Les entreprises en ont-elles souffert ?

Oui. Les manifestations et actions des gilets jaunes ont malheureusement eu un fort impact sur l’économie réunionnaise. Les entreprises en ont souffert et l’État français a dû mettre en place des mesures d’aide à celles-ci pour atténuer cet impact. Un dialogue est en cours, tant à l’échelle nationale que régionale, et nous espérons tous qu’il permettra de résoudre les problèmes soulevés par ces gilets jaunes.

Le Club Export souhaite que Maurice et La Réunion se positionnent comme des “Biotech Islands” en concentrant et attirant des compétences dans ce domaine, ce qui semble propice au développement de synergies entre nos deux îles, notamment pour développer des marchés niches. Que peut-on faire concrètement ?

Maurice et La Réunion ont les plus fortes expériences dans ces domaines des “Biotech”. Les besoins et les contraintes sont communs aux deux îles et doivent permettre une montée en compétences des différents acteurs. À titre d’exemple, dans le Digital, la concurrence n’est pas régionale, mais mondiale. Une synergie est indispensable pour notre entreprise. Dans l’agriculture, les deux îles sont complémentaires entre la recherche (plus développée à La Réunion) et l’innovation (très forte dans les deux îles). Dans la construction durable, les avancées se sont faites en décalage dans les deux îles, mais le dynamisme y est le même : les échanges dans l’expertise de la construction sont nombreux et fructueux. Les programmes de recherche, l’utilisation des plateaux techniques et scientifiques d’excellence – comme le Cyclotron, le Cirad (Centre de recherche agronomique), le Critt (Centre de recherche et d’innovation technologique) – ou encore les modèles de développement d’innovation, tels le Qualitropic ou encore la Technopole, sont autant de partenariats équilibrés à multiplier entre nos deux îles. En conclusion, les échanges, partenariats et associations entre nos deux territoires doivent se développer dans les prochaines années, et ce sans crainte. Nous restons deux îles face à un continent de possibilités.

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