Laval Soopramanien : « Not the right person at the right place à plusieurs niveaux à l’OIDC »

De sa récente visite à Agaléga, Laval Soopramanien, dirigeant de l’association Les Amis d’Agalega, retient surtout une colère aiguë des habitants à l’égard de l’Outer Islands Development Corporation (OIDC), l’organisme qui administre l’archipel. Il donne son point de vue sur la lettre de déportation envoyée à Arnaud Poulay et dont il a pris connaissance sur place, au même moment que les habitants, et met en lumière les problèmes de la vie quotidienne dans l’archipel, qu’il attribue à la « mauvaise gestion » des deux îles. « Les autorités n’ont pas nommé “the right person at the right place” plusieurs niveaux. Il y a certaines personnes qui doivent s’en aller », dira-t-il en parlant de l’OIDC.

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Vous êtes rentré lundi d’une récente visite à Agaléga. Quel sentiment anime les habitants dans l’archipel ?
D’abord, je voudrais préciser que j’étais en mission dans l’archipel pour le compte des Amis d’Agalega et non en tant que représentant de l’OIDC. J’ai été témoin d’une profonde colère des habitants, qui bouillonne depuis plusieurs mois concernant la manière dont l’archipel est géré. Et cette lettre de l’OIDC à Arnaud Poulay n’a fait que renforcer ce mécontentement. La communauté agaléenne, dans son ensemble, est bien en colère envers l’administration publique à cause de cette lettre. Les Agaléens dans l’archipel et ceux résidant à Maurice disent “enough !”. J’ai fait part de ces sentiments à la ministre Daureeawoo et aux cadres de son ministère lors de la réunion de mardi dernier, soit au lendemain de mon retour à Maurice.

Êtes-vous satisfait de cette réunion avec la vice-première ministre et ministre des Îles éparses dans le sillage de ces dernières agitations ?
Dans l’ensemble, c’était une réunion positive. Alain Langlois et moi-même avons eu le temps d’exposer tous les problèmes qui durent depuis des décennies et qui irritent les habitants. Nous avons exprimé notre mécontentement au sujet de la gestion de l’archipel par l’OIDC et la ministre nous a demandé des précisions et des explications sur plusieurs points que nous avons soulevés. Elle a témoigné un grand intérêt sur le dossier Agalega et j’espère que les choses changeront dans la bonne direction pour le bien-être de la population agaléenne.

Après cette réunion, réclamez-vous aussi la dissolution de l’OIDC ?
L’association Les Amis d’Agalega a clairement dit aux autorités qu’elle n’est pas satisfaite avec l’administration des deux îles et qu’elles n’ont pas nommé « the right person at the right place » à plusieurs niveaux. Certaines personnes doivent s’en aller. En entendant les opinions des uns et des autres sur le fonctionnement de l’OIDC, il revient au gouvernement de décider de la marche à suivre s’agissant de l’avenir de cet organisme. Nous apprécions la décision prise mardi par la ministre de mettre en place un comité pour faire un suivi de tous les problèmes dont nous avons discuté lors de cette réunion et de l’exécution à venir de certains projets. Au sein de ce comité, nous aurons un apperçu de la gestion de l’OIDC.

Mis a part les gros projets de développement, qui se font toujours attendre et dont la réalisation prendra du temps, y aurait-il certaines requêtes spécifiques que vous avez faites au cours de cette réunion et auxquelles les autorités pourraient répondre rapidement ?
Certainement. L’amélioration du service de santé est devenue impérative. En attendant la rénovation du service promis depuis des lustres, le ministère de la Santé pourrait installer de nouveaux équipements et renforcer le personnel médical à l’hôpital du nord et à celui du sud. Et on pourrait alors y donner des traitements ne nécessitant pas obligatoirement le déplacement du malade vers Maurice. Actuellement, un seul médecin dessert ces deux hôpitaux et, en cas de mauvais temps, ou si la mer est démontée, le trajet en barque entre les deux îles est difficile et s’avère dangereux. Nous avons suggéré d’avoir un médecin dans chaque hôpital dans l’intérêt des malades et du personnel.

Concernant le logement, nous avons demandé de revoir une clause du contrat du bail pour les maisons de sorte que les enfants des bénéficiaires des baux puissent continuer à vivre dans ces maisons à la mort de ces personnes. La ministre Daureeawoo n’est pas contente de la situation qui prévaut dans le domaine du logement. Selon elle, il est inadmissible que les Agaléens, en 2018, soient privés du droit de l’accès a la terre. Concernant le domaine de l’éducation, il y a aussi de grosses faiblesses, particulièrement au niveau du préscolaire. Les puéricultrices dans les écoles du gouvernement à Maurice sont sous la responsabilité de l’Early Childhood Care and Education Authority alors que dans l’archipel, le personnel est sous le contrôle de l’OIDC. Or, le personnel enseignant du préscolaire à Agalega n’a pas la formation appropriée et régulière que reçoivent les puéricultrices à Maurice. La ministre a souhaité qu’un représentant du ministère de l’Education soit présent à la prochaine réunion de ce comité.

Il n’y a pas non plus de coordination entre les différences instances directement concernées par la gestion d’Agalega. Nous pouvons aussi remédier immédiatement aux lacunes dans la communication entre trois parties concernées, soit l’administration publique, les habitants de l’archipel et l’ensemble de la communauté agaléenne, incluant ceux résidant à Maurice. Nous avons insisté auprès des représentants des autorités directement concernées par Agalega de la nécessité de mettre en place une bonne structure de communication afin qu’à l’avenir, les Agaléens reçoivent les informations nécessaires au moment approprié.

Quelles sont vos dernières observations de la vie dans l’archipel ? Y a-t-il une situation spécifique qui vous a marqué et qui, selon vous, devrait mériter une attention urgente des autorités ?
Durant mon dernier passage, j’ai constaté beaucoup de problèmes au niveau des familles et certaines choses m’ont en effet choqué. La violence domestique augmente et, à mon avis, il faudrait une action immédiate au niveau social, qu’elle vienne des institutions gouvernementales ou d’Ong. Il s’agit d’un problème sérieux. Comme à chacune de mes visites, j’ai fait la tournée de deux îles et des parents m’ont confié qu’ils souhaitent parler de leurs problèmes personnels aux personnes qui pourraient les aider à trouver des solutions. Il y a une soif chez de nombreux adultes d’obtenir des conseils afin de pouvoir gérer les relations conflictuelles au sein de leur couple et de leur famille. Il faut encadrer ces couples et ces parents et les autorités devraient réfléchir à la mise en place d’une équipe permanente de travailleurs sociaux avec les compétences nécessaires pour ce type de travail.

Je lance aussi un appel au ministre de la Sécurité sociale. Mo anvi dire li : « Pran kont nou bann senior dan Agalega. » Il n’est pas correct qu’une grand-mère de près de 90 ans doive se rendre à l’hôpital pour recevoir des soins et pour un “check-up” médical alors que les personnes de son âge, à Maurice, ont la visite de médecins à domicile. Cette grand-mère marche péniblement et a des difficultés pour monter dans un transport public pour se rendre jusqu’à l’hôpital. Cela m’a fait de la peine lorsqu’elle m’a raconté que le médecin lui dit à chaque fois pour son rendez-vous médical : « Mo pa pou vinn kot ou, ou bizin vini ou mem ! ». Y aurait-il dans la République de Maurice deux catégories de bénéficiaires de soins médicaux à domicile ?

Est-ce que les officiers du ministère de l’Égalité des genres et de l’OIDC, qui étaient en mission à Agaléga en même temps que vous, et qui sont concernés aussi dans leurs attributions par le volet social, ont remarqué les problèmes familiaux que vous mentionnez ?
Je ne veux pas juger le travail de ces officiers mais il y a certaines choses que je n’ai pas appréciées en ce qu’il s’agit de l’attitude de l’une d’entre eux. Cela m’a révolté. J’en ai d’ailleurs parlé à la ministre Daureeawoo.

En fait, combien de porte-parole y a-t-il pour la communauté agaléenne ?
Mis à part l’Agalega Islands Council (instance nommée par le gouvernement), l’association Les Amis d’Agalega, qui est une organisation privée, existe depuis 2003 et est reconnue officiellement par le Registrar of Associations. Depuis cette date, nous militons pour le bien-être des Agaléens dans la République de Maurice et les autorités reconnaissent le travail que nous faisons dans cette direction et nous invitent assez régulièrement à participer aux réunions officielles concernant l’archipel. Cela a été le cas mardi dernier dans le bureau de la ministre des Îles éparses. Nous ne pouvons que nous réjouir s’il y a d’autres organisations qui voudraient aider les Agaléens à progresser. Mais pour l’heure, la communauté agaléenne et les autorités ne reconnaissent que Les Amis d’Agalega dans ce combat pour un meilleur avenir.

Est-ce que votre organisation soutient la démarche d’Arnaud Poulay, qui veut porter sa lettre de déportation devant la Cour de La Haye ?
Nous avons déjà exprimé haut et fort notre indignation en public au sujet de cette lettre de l’OIDC envoyée à Arnaud Poulay et nous avons condamné la démarche de cet organisme lors de la réunion de mardi dernier. Plus jamais ça ! Les autorités ont reçu le message.

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