Le « Cleansing » en marche

Une fois n’est pas coutume, c’est l’aspect sportif de l’hippisme qui domine l’actualité cette semaine. La quatrième victoire, en quatre sorties, du protégé de Vincent Allet, Cool At Heart, dans la Coupe du Bicentenaire, samedi dernier, a été si impressionnante que le cheval se pose comme un adversaire valable à Nebula de l’écurie Rameshwar Gujadhur dans la deuxième épreuve classique de la saison, la Barbé Cup, même si la règle du poids égal ne plaide pas en sa faveur.

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Profitant, certes cette fois, d’un handicap favorable, Cool At Heart, monté en grande confiance par un Derreck David déterminé, a époumoné dans les 600 derniers mètres d’une épreuve, pourtant rondement menée, des chevaux qui ont montré de la qualité la saison passée, à savoir, Ten Gun Salute et Table Bay. Autant dire que c’est un Barbé Cup de haute facture qui nous attend au mois de juin.

Ce sans faute de Cool at Heart n’est pas l’arbre qui cache la forêt car l’écurie Allet qui a aussi réussi un quadruple rarissime vu le niveau de la compétition, samedi dernier, connaît un début de saison exceptionnel au point où il occupe la première place au classement des écuries avec 13 victoires en 42 sorties pour des gains de plus de Rs 3,1 millions et surtout un strike rate de 31%. Vincent Allet n’a pas été à pareille fête, depuis qu’il a été le plus jeune entraîneur champion en 2007.
Cette éclaircie ne doit pas nous faire oublier que le monde hippique mauricien est plus que jamais miné par des ingérences de la Gambling Regulatory Authority (GRA) dans la gestion quotidienne des courses.
La dernière trouvaille de l’organisme de la rue Newton, c’est de demander au Mauritius Turf Club qui est déjà soumis à une licence d’organisateur, de cette fois, faire une application en bonne et due forme, pour un Personal Management Licence. En bref, le MTC doit maintenant se soumettre à faire l’objet d’une demande de licence pour ses directeurs, ses managers et ses employés avant le 2 septembre 2019. Pire, la GRA exige de l’institution bicentenaire de lui fournir aussi l’organigramme détaillé du club, avec la liste des personnes occupant toutes ces positions avant la fin juin.
Cette exigence est appuyée par une ‘government Notice’ datée du 27 août 2018, qui informe d’une « regulation made by the minister under sections 93B (2) and 164(1)(a) of the GRA Act» à l’effet que désormais un Personal Management Licence « shall be made to the GRA Board, in such forms as it may approve, and should be accompanied by a certificate of character». Le board de le GRA a donc le droit sous certaines conditions de délivrer ou de ne pas délivrer et de révoquer cette nouvelle licence à tout moment.
Evidemment, on chapeaute ce genre de pouvoir à la GRA sur l’autel bienfaisant de ‘promote integrity and transparency’ in the gambling industry in Mauritius’. Ce genre de pouvoir est passé en toute discrétion dans le dos du Parlement et cette régulation est passée sans discussion, préalablement aucune, avec l’organisateur des courses, le principal visé dans cette affaire
Désormais, il appartiendra au duo controversé Dev Bheekary et OM Dabiddin de décider sur le sort et l’avenir professionnel des cadres, des professionnels de courses, licenciés, et employés du Mauritius Turf Club.
Il s’agit, à notre avis, d’une façon déguisée, ni plus ni moins, d’une atteinte aux libertés fondamentales d’une organisation privée, de ses employés et partenaires professionnels. Quels sont les autres secteurs soumis à une telle outrance à Maurice ? En tout cas, cela présage un nettoyage semblable à du « ethnic cleansing » des courses mauriciennes pour ceux que le gouvernement, la GRA et leur marionnettiste considéraient comme indésirables. Les moyens pour le faire ont force de loi aujourd’hui et il faudra la contrer le plus rapidement possible, probablement devant une cour de justice.
Que les acteurs de certains postes clés sur les décisions concernant les courses, elles-mêmes, soient soumises à une visibilité sur leurs activités financières professionnelles et personnelles, — avec des garanties absolues de la protection du volet confidentiel de ces données, afin que cela ne se retrouve dans le domaine publique, dans des magazines malsains pour des raisons revanchardes ou autres — est envisageable. Tout cela doit faire l’objet d’un débat sain où serait absente toute considération partisane.
Il faudrait au préalable que ceux appelés à juger de cela soient eux-mêmes soumis à ce fameux Personal Management Licence. À commencer par le ministre qui a fait ces régulations, l’ensemble du conseil d’administration de la GRA, les employés de la GRA affectés aux enquêtes et la police des Jeux, voir la police tout court, sans oublier son commissaire de police. Il faut dans cette liste ne pas oublier celui qui organise des mariages princiers dans des palaces, les potentats du jeu et du pari, en particulier ceux qui trainent au bâtiment du Trésor et qui ne sont officiellement pas liés à rien, mais dont le chauffeur, l’avoué et d’autres proches assument la couverture, avec une efficacité et complaisance bien arrosée.
Il est impensable que d’honnêtes gens qui ont animé le circuit hippique depuis belle lurette fassent l’objet aujourd’hui, d’un contrôle par des gens qui eux-mêmes n’inspirent ni respect, ni confiance. C’est comme ci on demandait aux loups de surveiller la bergerie.
Nous ne savons si le MTC accèdera à la demande de la GRA, mais après la loi dite Hoffman qui a déjà démontré ses outrances avec l’interdiction du mari étranger de demeurer aux côtés de son épouse mauricienne, de la Malgache devenue Mauricienne d’être sommée de quitter l’île, à cause du décès de son mari, avant d’être repêché par le PM , il faut dire stop à ces lois et surtout ces régulations pondues dans l’obscurantisme, qui, sous le couvert de bonnes intentions, comme les caméras de surveillance de Safe City plongent notre pays dans une atmosphère liberticide que les Mauriciens n’aiment définitivement pas.
Terminons enfin sur une note aux entraîneurs qui ont rencontré le management du MTC et d’autres acteurs d’organismes parallèles, la semaine dernière. Même si cela n’est pas habituel, au Champ de Mars, une présence plus marquée de stipes dans les écuries, la médicamentation des chevaux pendant la semaine etc…est une bonne chose qui confirme la transparence à laquelle l’hippisme mauricien doit être soumis pour regagner la confiance du public, mais aussi des annonceurs, du moment que la liberté d’action ne soit pas entamée et que cela se passe en bonne intelligence et le respect mutuel.
C’est cette absence dans le passé qui a fait défaut et permet aujourd’hui à des organismes d’État glouton qui veulent aller au–delà de leur rôle de régulateur et faciliter la voie pour assouvir le doux rêve londonien de leur marionnettiste, celui de devenir propriétaire des lieux…

Bernard Delaître

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