Le droit divin

Les mois de mars et d’avril sont des mois d’incertitude en ce qui concerne les pluies diluviennes dans Port-Louis. C’est sans doute pour cette raison que la saison hippique ne démarrait qu’au mois de mai auparavant, où apparemment l’exposition aux intempéries était moins risquée. Jusqu’à 8 h du matin, dimanche dernier, les turfistes étaient dans l’expectative, mais un retour à un temps plus clément a permis au meeting de se dérouler normalement, dans une journée où les arrivées étaient très disputées. A notre sens, les trois premières journées ont été correctement courues et les stipes ont fait un excellent travail en ne laissant passer aucune incartade. Les communiqués détaillés en sont la preuve. Pourvu que tout cela dure …

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Néanmoins nous allons faire un reproche de fond au Chief stipe et à son équipe et notre propos dans le cas présent est de lancer une réflexion sur la conduite de cette instance et non de venir pointer du doigt X et Y ou d’en faire le procès. Le but est de faire du stipe room le lieu le plus respecté des courses hippiques, comme il l’est à travers le monde et comme l’est, une Cour suprême, par exemple. D’ailleurs, Me Yahia Nazroo qui nous revient de Singapour pourra en témoigner.

 

Dans un article signé Michael Lee, l’homme de loi du MTC ne va pas par le dos de la cuillère sur la conduite du stipe room singapourien par la sommité mondiale qu’est Terry Bailey, celui qui a dirigé le Control Of Racing à Melbourne et mis hors circuit trois entraîneurs renommés pour dopage, dont celui du champion Black Caviar, et surtout le jockey controversé Danny Nikolic : « Obviously, the most insightful part of the visit for Mr Nazroo was the race inquiries… Mr Nazroo took down plenty of notes – and traded a few with the members of the STC Stipe panel – and has walked away from the experience absolutely “enlightened”.“The experience was fabulous. Mr Terry Bailey’s approach to inquiries and the amount of homework that is done before an inquiry is quite notable,” said Mr Nazroo. “The authoritative manner in which inquiries are held and the respect shown both ways i.e towards those called in for the inquiries and towards the stewards is striking. That mutual respect for each other was really impressive”. “The aim of my visit was to learn from a different jurisdiction how inquiries are carried out and how the stewards approach such inquiries. It’s mission accomplished, and more.“I would now be able to advise the Mauritius Turf Club and the board of racing stewards on how they can improve. »

 

Le fait majeur en terme de contrôle hippique lors de cette journée dominicale, a été l’objection du jockey Plaçais contre le cheval gagnant de la troisième course selon les dispositions des Rules Of Racing. Une enquête a été ouverte et nous pensons que l’issue, finalement donnée par les commissaires de courses, a été conforme au résultat attendu au vue de la nature et les conséquences d’incident.

 

Mais il y a eu au cours de cette enquête une entorse aux règlements, à tout le moins à l’esprit des règlements, à une certaine éthique, voire aux bonnes mœurs hippiques. Notre confrère du mauricien en a fait état dans son compte rendu de lundi dernier et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a raison.

 

Le stable supervisor de l’écurie Sewdyal n’aurait jamais dû être autorisé à prendre la parole dans une enquête. Son rôle est parfaitement défini dans les Rules Of Racing et se limite à l’écurie et à l’entraînement. On se demande d’ailleurs ce qu’il faisait dans le stipe room puisque son entraîneur était là et que c’était à lui éventuellement de défendre son écurie. Il peut certes agir à la place de l’entraîneur et de l’assistant entraineur dans des cas exceptionnels mais, pour cela, il y a des cas spécifiques comme l’« absence of the trainer and in case of emergency ». Or, ce n’était pas le cas dimanche dernier. Pourquoi a-t-il donc été autorisé ? A Singapour, ou ailleurs il n’aurait même pas eu l’occasion de faire cette demande d’agir sur le lieu et à la place de l’entraîneur, surtout si ce dernier était présent.

 

Certes le stipe room pourra toujours invoquer le règlement 27 (p), 48 (a), 49B(3.a) pour justifier son droit absolu discrétionnaire de « hear any person…and generally do anything which they consider necessary for the purpose of their investigation ». Invoquer cet article des Rules Of Racing, équivaudrait à faire appel à un droit divin qui permet tout et son contraire. Le droit divin est celui dont se conférait la royauté française, avant la révolution de 1789 et qui valut à Louis XVI, le dernier des rois de France, de se faire guillotiner plus tard.

 

Les objections sont régies par le Rule 169 (1) et il est bien clairement stipulé que cet aspect d’un incident de courses permet uniquement au jockey et à l’entraîneur d’intervenir. En tout état de cause, nous pensons que c’était une erreur de faire intervenir le stable supervisor alors que l’entraîneur était présent. En tant que tel celui-ci aurait dû assumer ses responsabilités qui consiste à défendre son jockey, son cheval et ses propriétaires. A-t-on déjà vu dans une cour de justice un avoué agir en fait à la place de l’avocat ? Aucun juge n’aurait accepté cela. Et de toute façon une enquête d’interférence en ligne droite, ne devrait concerner que les jockeys, coupables ou victimes.

 

A ce stade de l’article, nous n’avons pas cité le nom de ce stable supervisor car c’est bien le poste et sa fonction qui sont concernés par notre interrogation initiale et non la personne lui-même pour lequel, nous tenons à le souligner, nous n’avons aucun grief personnel.

 

Mais dans le cas présent la personne qui tient le rôle de stable supervisor pose aussi problème. Le stable supervisor de l’écurie Sewdyal n’est autre que Samraj Mahadia, qui il y a moins d’un an trônait dans le stipe room, comme adjoint de l’actuel stipe. Ce mélange des genres est loin de faire l’unanimité et a même soulevé les questions de conflits d’intérêt et d’unfairness, puisque l’écurie Sewdyal a bénéficié d’un avocat de première main qui connaît parfaitement les rouages, de ce qu’il faut dire et faire pour convaincre son auditoire.

Ce qui à priori peut paraître une banalité constitue au final tous les ingrédients qui font que le stipe room voit de nombreuses de ses décisions être rejetées en appel, pour vice de procédure. Il y a bien là un vice de procédure et si l’écurie Gujadhur décidait de faire appel, il pourrait voir le résultat être renversé en sa faveur.

Notons par ailleurs qu’avec la nouvelle instance d’appel que veut mettre en place la GRA qui vise éventuellement à contester les décisions des stipes, il serait judicieux que ses membres ne soient plus autorisés, comme le sont d’ailleurs les administrateurs du MTC, à assister aux enquêtes pour éviter tout conflit d’intérêt futur. En tout cas la question mérite d’être étudiée pour redonner au stipe room plus de respectabilité et une aura indiscutable.

Les semaines passent et les bookmakers off-course n’ont toujours pas été autorisés à exercer, ce qui constitue une perte de revenus pour le MTC, le gouvernement et la GRA, qui comme le diable, se mordent la queue dans cette affaire, où ils ont été désavoués par leur propre équipe légale. Cette dernière est toutefois revenue à des meilleurs sentiments et va, en effet, reprendre du service pour les prochaines affaires de la GRA, à condition bien sûr, que les décisions de la GRA ne les embarrassent pas et ne soient pas déraisonnables et sans donner d’explication valable.

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