Le syndrome… Bouteflika

Un Premier ministre qui prolonge son séjour à l’étranger sans offrir la moindre explication sur ses faits et gestes dans la capitale britannique pendant des jours, un ministre Mentor qui est comme en transit à Maurice et qui disparaît sans dire où il va et quel est le but de ses déplacements, et un leader de l’opposition qui est absent du pays pendant près d’un mois sans expliquer qu’elle en était la raison. C’est le syndrome Bouteflika qui nous guette. Pour prendre un exemple du type de comportement, secret et méprisant pour leurs mandants, que le peuple abhorre et qui le montre en ce moment même en Algérie. Mais on peut aussi citer le cas du président du Gabon, Ali Bongo, qui était parti se faire soigner depuis octobre 2018 des conséquences d’un accident vasculaire cérébral qu’il a eu alors qu’il était en Arabie Saoudite, qui a ensuite fait sa convalescence au Maroc et qui était attendu dans son pays hier. Cinq longs mois se sont écoulés. Et malgré tout, le mystère entourant cette absence prolongée, tout avait fini par se savoir. Par l’opposition et la presse.
Il y avait aussi les longs séjours de Robert Mugabe en Malaisie et à Singapour. Ces longues absences font partout débat dans le monde, sauf chez nous, où la culture du secret est bien ancrée. Si le Mentor qui aura 89 ans le 29 courant a des problèmes de santé, ce ne serait une surprise pour personne, mais de grâce, si c’est aux frais des contribuables, la moindre des choses est d’émettre un petit communiqué pour dire qu’il sera absent du pays et qu’il se rend pour des soins à Mumbai, Londres ou Kuala Lumpur. Il faut peut-être attendre que quelqu’un fasse une photo et la publie quelque part pour que les Mauriciens soient informés. Personne ne demande à aucun homme public de faire état de son bulletin de santé dans le moindre détail ni de tomber dans le strip-tease permanent à la Kardashian, mais le monde a évolué et la maladie, qu’on se le dise, fait partie des faits de la vie qui sont inéluctables. John McCain, un ancien candidat à la maison blanche et sénateur, souffrait d’une tumeur au cerveau. Il l’avait publiquement annoncé. Il venait d’être opéré lorsqu’il est venu courageusement voter contre la suppression de l’Obamacare.
Lorsqu’on est un personnage public, on a le devoir de s’expliquer sur ce qu’on fait ici même, mais aussi ailleurs. Il n’y a qu’à voir ce qu’il en coûte au ministre de l’Intérieur français, Christophe Castaner, en termes de railleries et déshabillage publics d’avoir été se défouler un samedi soir de manifestation de gilets jaunes dans une boîte de nuit et avalé quelques shots de vodka. Si le Premier ministre veut prendre quelques jours de repos et passer quelque temps avec ses filles, c’est son droit, mais quel mal y a-t-il à le dire ? Qui lui en voudrait ? Mais ce n’est pas acceptable qu’un chef de gouvernement ait comme un temps mort dans son emploi du temps et qu’il y ait une sorte de vacance du pouvoir quand bien même il y a une suppléance. Et lorsqu’on sait que certaines décisions ne peuvent être prises en son absence, c’est encore plus nécessaire d’être transparent sur ses allées et venues. Tout ce qui a été dit ici vaut aussi pour Xavier Duval, qui a pris l’habitude de s’éclipser dans la plus grande discrétion. S’il est malade, c’est normal, tout le monde tombe malade un jour ou l’autre, qu’il le dise s’il est au chevet de sa mère, c’est tout à son honneur de s’en soucier et d’être à ses côtés.
La vraie question est de savoir si on est toujours prêt à accepter que certains de nos dirigeants continuent avec leur vieille petite politique de tout cacher et faire reculer le pays en termes de gouvernance. S’ils préfèrent la méthode Bouteflika à celle de Jacinda Ardern, celle qui n’était pas obligée de venir dire qu’elle était enceinte à peine élue Première ministre de la Nouvelle-Zélande et qui l’a fait parce qu’elle a estimé que c’était de son devoir d’informer ses concitoyens de sa situation. Un vrai enjeu de l’exercice du pouvoir, soit il est transparent, soit il est couvert d’une grosse brume qui sert souvent aussi à dissimuler des choses moins avouables.
Les vacances du pouvoir, fussent-elles temporaires, sont, comme on l’a toujours vu, propices aux coups d’État. L’histoire de notre continent en a été témoin dans les années 1970-80. Vishnu Lutchmeenaraidoo s’en est visiblement inspiré, lui, qui a choisi de faire le plus mal au plus mauvais moment, claquer la porte et du ministère et de la circonscription au moment même où les Jugnauth père et fils étaient hors de nos cieux. Mais c’est un fait divers, selon les cadres du MSM et la MBC, qui a relégué la démission de celui qui était présenté, avec SAJ, comme les prochains faiseurs du deuxième miracle économique, au rang des brèves de fin de journal. Les porte-parole politiques peuvent raconter ce qu’il veulent, mais Bijaye Ramdenee qui, ces jours-ci, s’est octroyé le rôle de directeur bis, alors qu’il n’est que le président du conseil d’administration à temps partiel, ne peut en aucun cas venir justifier le traitement de la démission. Il n’y connaît rien ni au journalisme ni à l’audiovisuel. C’est peut-être pour ça qu’il a été nommé, allez savoir.
Celui qui s’était fait ostensiblement voir à une activité du MSM au N°8 au motif qu’il habite la circonscription du Premier ministre se fait quotidiennement entendre sur le day to day running du service public, comme s’il était le directeur à temps plein. Il était en première ligne dans l’affaire du caveau, il a aussi choisi de se mettre en avant lors de la manifestation du PTr devant les locaux de la MBC le samedi 16 mars, pendant que le directeur par intérim, Anooj Ramsurrun, s’était envolé pour Rodrigues. Bijaye Ramdenee n’arrête pas de parler, même si c’est pour débiter des énormités. À moins qu’il n’ait reçu des directives pour se mettre en avant. Avec ce gouvernement, la confusion des rôles devient décidément une méthode de gestion.

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Josie Lebrasse

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