Le temps retrouvé : l’enquête judiciaire sur l’incendie du Mauricien

Puisés dans nos archives, ces extraits se proposent de faire revivre aux uns et découvrir aux autres, chaque dimanche, les faits marquants qui ont fait la UNE de notre hebdomadaire il y a quarante ans, tels qu’ils furent rapportés alors dans nos colonnes.

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Au tribunal de la 1ère Division de Port-Louis : Dimanche 9 juillet 1978

La dernière semaine de l’enquête judiciaire sur l’incendie du journal Le Mauricien a été marquée par un regain d’intérêt avec les témoignages de deux officiers de la SSS contre lesquels Sheik Hossen avait fait de graves allégations : MM. Venkatachellum et Sénèque. Gardien du journal, à l’époque de l’incendie, Yves Bedos, revient, de son côté, à la barre, pour affirmer, cette fois, qu’il avait de son propre chef raconté « l’histoire du Snow White » et que ce ne sont pas MM. Sydney Selvon et Lindsay Guillot qui lui avaient demandé de le faire. Le dossier de la Cour contient en tout 1 385 pages de notes. Il y a eu 43 audiences et 56 témoins, ce qui en fait une affaire unique dans les annales judiciaires. Voici notre dernier résumé hebdomadaire des comptes rendus des audiences.

Lundi 3 juillet

Un témoin-vedette ranime l’intérêt pour l’enquête judiciaire sur l’incendie du journal Le Mauricien : l’inspecteur Paul Venkatachellum, du SSS, sur les instructions duquel, avait allégué Sheik Hossen, le feu avait été mis au bureau du quotidien. Interrogé par Me Gaëtan Duval, le témoin déclare qu’il a rencontré Sheik Hossen pour la première fois le 4 novembre 1977. Ce dernier avait, par voie de lettre, offert ses services au Premier ministre pour « combattre le MMM » et Paul Venkatachellum avait pour mission d’en savoir plus sur l’auteur de la lettre.

Celui-ci aurait demandé à Paul Venkatachellum de le tirer d’affaire parce qu’il était impliqué dans une enquête sur le détournement d’un téléviseur. Paul Venkatachellum affirme également que Sheik Hossen lui aurait confié qu’il voudrait devenir journaliste ou Cadet Inspector dans la police.

Lors d’une des rencontres qu’il eut avec Sheik Hossen, celui-ci, dit-il, lui aurait demandé de l’aide poour se faire rendre son passeport par les autorités mauriciennes.

Yves Bedos est également entendu lors de l’audience. Contrairement à ce qu’il avait déclaré précédemment, il vient maintenant affirmer que c’est de son propre chef qu’il avait raconté qu’il avait été au Snow White en compagnie de Sheik Hossen et que ce n’est pas MM. Sydney Selvon et Lindsay Guillot qui lui avaient demandé  de le faire.

Mardi 4 juillet

L’inspecteur Venkatachellum est rappelé à la barre par Me Jean-Claude Bibi, avocat de Sheik Hossen, qui l’interroge sur ses rencontres avec ce dernier. Il déclare qu’il n’a rien fait pour aider Sheik Hossen à entrer au SSS et qu’il n’a jamais parlé du Mauricien avec lui. Le témoin invoque parfois son droit, garanti par les lois, de ne pas répondre à certaines questions, notamment sur ses sources de renseignements.

Une de ses rencontres avec Sheik Hossen, dit-il, s’est déroulée dans une clinique où celui-ci avait été admis. Il affirme que c’est Sheik Hossen qui lui avait appelé. Me Jean-Claude Bibi lui demande si les sujets de conversation lors de ces rencontres « avaient quelque chose d’intéressant pour votre travail ». Le témoin répond : « Parfois. »

Mes Jean Claude Bibi ( à droite ) et Jean Paul Sheik Hossen

Interrogé par Me Robert Ahnee, du ministère public, le sergent de police Neermal, également associé à l’incendie du journal dans les « révélations » de Sheik Hossen, déclare qu’il n’avait rien à voir avec cet incendie et que le jour où cela s’est produit, il assistait à un mariage avec sa famille à Dubreuil. Il n’a jamais visité la presse du Mauricien et il n’a jamais vu Sheik Hossen, dit-il.

Mercredi 5 juillet

C’est la 43ème et dernière audience de l’enquête judiciaire qui a été la plus longue, sans doute, dans les annales, rassemblant le plus grand nombre de témoins (56 au total). Au cours de cette audience, Me Marc David, avocat du journal Le Mauricien, relève que le carnet du chef inspecteur Bosquet porte une date fictive : le 29 février 1978, date qui ne figure pas au calendrier.

Mes Sénèque et Fulena

M. Emrith, chauffeur de M. Fulena, qui avait été identifié par Sheik Hossen sur une photo comme un des deux membres du SSS qu’il accusait d’avoir mis le feu au journal, affirme qu’il ne connaît pas Sheik Hossen et qu’il n’a rien à voir avec l’incendie.

Le sergent Nina, contre-interrogé par Mes Marc David et Robert Ahnee. M Fulena, directeur du SSS, déclare que Sheik Hossen n’a jamais fait partie de la police secrète et que celle-ci n’a rien à voir avec l’incendie du journal.

M. Sénèque, un cadre du SSS, est interrogé par la Cour au sujet d’une rencontre entre lui-même, Sheik Hossen et M. Rajarai, commissaire de police par intérim à l’époque, dans le bureau de ce dernier. Le témoin déclare lui aussi que Sheik Hossen n’a jamais fait partie du SSS. À certaines questions, il invoque « le principe du privilège » garanti par la loi, pour ne pas répondre, notamment lorsque Me Bibi lui pose sa dernière question, la suivante : « N’avez-vous pas considéré que Sheik Hossen pouvait être utile au SSS ? »

Mes Duval et Ahnee s’empressent de demander à Me Bibi quand il compte remettre au tribunal le certificat promis par son client attestant qu’il ne serait pas coupable de certains délits commis en Belgique, mais l’avocat de Sheik Hossen, déclare qu’il ne sait pas quand il recevra ce document. Ce qui fait dire à Me Robert Ahnee que son confrère « attendra indéfiniment ».

Me Robert Ahnee a tenu, à la fin, à remercier tous ceux qui ont participé à l’enquête judiciaire et a serré la main à Me Jean-Claude Bibi auquel il lance l’invitation suivante, en plaisantant : « Venez à mon bureau, je vais vous montrer d’autres documents sur Sheik Hossen. »

Il est 14h50. L’enquête sur l’incendie du journal Le Mauricien est terminée.

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