Le vertige de l’ivresse à travers les âges

“Drunkenness works miracles
Unlocks secrets, hopes fulfils,
Gives the coward bravery,
Pours away anxiety.
Flowing wine makes verses flow,
And liberates the poor and low.” (Horace)

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VEENA PULTON

Que vous soyez un buveur occasionnel ou invétéré, un épicurien ou un bon vivant friand de spiritueux, vous ferez sans nul doute l’éloge des bienfaits de votre boisson de prédilection. Pour convaincre, vous direz que la bière est rafraîchissante, le champagne est envoûtant, le whisky ensorcelle, le vin velouté caresse le palais et rend euphorique, le gin est grisant, la vodka réveille les papilles et le rhum enflamme les sens.
Mais vous êtes-vous déjà demandé quand et comment l’homme a commencé à avoir un penchant pour l’alcool et à prendre goût à cette sensation d’exaltation de l’ébriété ?
Si vous êtes curieux de le savoir, “A Short History of Drunkenness” de Mark Forsyth, vous éclairera et vous enivrera peut-être, puisque l’auteur y décrit brillamment la fascinante saga du vertige de l’ivresse à travers les âges.
Dès le début du livre, nous nous immergeons dans l’univers de l’Âge de pierre où nous découvrons comment la fermentation naturelle des fruits tombés au sol émoustille le plaisir gustatif de l’homme préhistorique. Selon des anthropologues, ainsi est né “l’effet apéritif ! ”
Au fil des pages, nous allons de découverte en découverte. De ce fait, nous apprenons que le spiritueux prend un aspect mystique à l’ère de l’Antiquité. En effet, dans l’Égypte ancienne, la fête de l’ivresse est célébrée annuellement pour apaiser la colère de la déesse Hathor, fille du Roi solaire Rê. De même, selon la mythologie, Dionysos qui est le dieu du vin et de l’ivresse dans la Grèce antique, est aussi vénéré comme Bacchus par les Romains.
Selon l’époque et la civilisation, le vin représente tout un symbole. Si chez les Vikings ce breuvage euphorisant est une marque d’autorité et de pouvoir, par contre, certaines dynasties de l’Ancien Empire de Chine le conçoivent comme un signe de déchéance.
Il va sans dire que dans certaines cultures, la religion et le culte du vin sont étroitement liés. Pour étayer cette affirmation, Mark Forsyth évoque la sacralisation du vin dans le monde judaïque et l’univers biblique, en faisant allusion à l’Ancien et au Nouveau Testament.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est bel et bien un poète arabo-persan Abu Nawas, qui laisse ses empreintes dans l’histoire de l’ivresse car presque toutes ses chansons et ses poèmes “khamriyyat” sont inspirés du Dieu du vin Bacchus.
Comme vous le savez déjà, tout banquet d’État est clôturé par une cérémonie solennelle où les convives lèvent leur verre en l’honneur du distingué invité. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que cette tradition est une pratique dérivée des banquets de l’Antiquité. En effet, le symposium dans la Grèce antique est décrit comme étant convivial et cordial et le convivium romain, plutôt sobre mais ostentatoire.
A l’époque obscure dite l’Âge des ténèbres, comme le peuple sombre dans l’indigence et le dénuement, il est terrassé par la faim et la soif. Ce qui étonne, c’est que sa voie de survie s’avère être la bière à base d’orge, nutritive et euphorisante, d’autant plus que l’eau est une denrée rare et même parfois impropre à la consommation.
De nos jours, on ne peut imaginer l’Angleterre sans pub. Mais d’après les recherches menées par l’auteur, à l’époque du Moyen Âge, seulement trois lieux distincts de beuverie sont répertoriés. Le “inn,” qui est l’équivalent d’un hôtel fréquenté par la haute bourgeoisie, la taverne ou le cabaret qui est un lieu de restauration pour toutes les classes de la société médiévale et enfin, le “alehouse”, décrit comme le “Third Place” pour les démunis, car selon le mythe, c’est le seul endroit où on n’obéit ni à son patron ni à son épouse !
Comme William Shakespeare fréquentait le Tabard Inn, des historiens stipulent que la littérature anglaise est née dans un inn et non dans un pub, contredisant ainsi la croyance populaire. L’éclosion du pub anglais n’ayant eu lieu que bien plus tard, avec la prolifération des brasseries.
Par ailleurs, on ne peut parler de l’histoire de l’ivresse sans évoquer le “Gin Craze” en Angleterre. Tout commence à la fin du XVIIème siècle lorsque ce fameux spiritueux est importé de la Hollande. Dès lors, le gin à bon marché devient une échappatoire à la misère qui sévit dans le pays à cette époque-là. Mais en 1734, c’est la couverture médiatique d’un événement tragique qui marque la fin de l’engouement pour le gin. En effet, Judith Dufour ébranle le pays en étranglant son bébé pour vendre ses vêtements et s’acheter du gin. La picole anglo-saxonne prend alors une autre tournure avec la proclamation de la Gin Act en 1736.
Changeons maintenant de pays et de décor avec le Far West en Amérique. Dans votre imaginaire forgé par les westerns hollywoodiens et les dessins animés où Lucky Luke “tire plus vite que son ombre”, le saloon est une salle dont la porte battante s’ouvre sur des tables de poker, un piano mal accordé, un grand bar derrière lequel est suspendu un miroir, des serveuses en tenue de l’époque, servant des cow-boys munis d’un colt à la ceinture, et bien sûr, le tout dans une ambiance country où le whisky et la bière coulent à flots. Mais croyez-vous que ce saloon légendaire a vraiment existé ou est-ce une version romancée de la Conquête de l’Ouest ? La réponse, vous la trouverez dans le livre de Mark Forsyth, “A Short History of Drunkenness.”
Ici, à l’île Maurice, le rhum a aussi sa propre histoire. La production de ce spiritueux local faisant désormais partie du folklore mauricien, débute avec l’avènement de la canne à sucre. Depuis, il n’a cessé d’évoluer et il existe aujourd’hui toute une gamme de ce produit pour tous les goûts.
« Rom-la na pa bon mem
Na pa bon mem…
Pa dir ou pa bwar me si ou
pe bwar kone kouma bwar
Rom-la na pa bon mem
To bwar mem… »
(Sylvio Lynx – chanteur)

Bonne lecture !

 

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