Les courses hippiques dans le rouge : “Bann seval pou mor, bann lekiri pou mor”

Plus de 200 années d’histoire se retrouvent menacées en raison de la crise sanitaire. Les courses hippiques n’ayant pu débuter fin mars, c’est toute l’industrie qui vacille dangereusement. Par manque de revenus, ces principaux acteurs ne voient pas l’avenir d’un bon œil. Alors que l’état de santé des chevaux semble se détériorer. 

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“Bann seval pou mor, bann lekiri pou mor” dit Kamal Taposeea, président du Mauritius Turf Club (MTC), organisateur des courses hippiques dans l’île. L’appel résonne parmi les écuries, où entraîneurs et jockeys s’inquiètent de l’avenir de ce secteur et de la survie des chevaux. Leurs activités au Champ de Mars auraient dû reprendre le 28 mars. Le confinement en a décidé autrement.

Le Club de la Rue Eugène Laurent avait terminé l’année 2019 avec un déficit de Rs 5,8 millions. Pour 2020, les revenus du MTC – provenant notamment de la location de loges et d’échoppes au Champ de Mars, ainsi que des allocations payées par les bookmakers et surtout un pourcentage des recettes de ces derniers – sont insuffisants. “Nou pe viv lor nou Cash Flow”, confie Kamal Taposeea. Selon lui, le début de la saison hippique est primordial pour sauver le monde des courses et ses quelque 5 000 employés. “Nous ne pouvons pas laisser mourir les courses hippiques, une industrie qui compte 200 ans d’histoire et qui a contribué 1.7 % au GDP en 2018.”

En mode survie.

“Nous ne tiendrons pas plus d’un mois”, alerte l’entraîneur Raj Ramdin. “Actuellement, beaucoup de propriétaires ne peuvent pas payer la nourriture des chevaux. Nous avons également des coûts qui doivent être honorés, comme les salaires et l’électricité”. Il est rejoint dans ses propos par l’entraineur Jean-Michel Henry : “L’industrie est en danger, on est en mode survie. On aurait dû avoir une allocation par cheval comme cela se fait dans d’autres pays”. Pour l’entraineur Subiraj Gujadhur, “it’s food for thought. L’occasion de réfléchir sur le système. Si, par exemple, nous avions eu quelques journées en février, ça aurait pu être bénéfique pour l’industrie.”

Les écuries compte énormément sur les Stakes Money pour survivre. Sans l’aide financière du gouvernement, certaines auraient déjà mis la clé sous le paillasson, comprend-on. “Ce sera difficile de remonter la pente sans l’aide du gouvernement. Nous faisons face à une situation préoccupante”, observe l’entraîneur Amar Sewdyal. A Raj Ramdin de renchérir : “Il faudra nous donner un subside pour couvrir les coûts. Ce ne sera pas facile pour les petites écuries de survivre”.

“Huis clos”

Les jockeys, particulièrement ceux en freelance, sont eux aussi affectés. Appelés à faire travailler les chevaux jusqu’à quatre fois par semaine pendant le confinement, ils soutiennent que leur entrée d’argent subséquente ne sert qu’à payer des frais. “Nou pa pe mor san manze me pe bizin ser sintir”, relate Vikram Sola. “L’assurance me coûte entre Rs 4 500 et Rs 5 000 par mois et l’essence Rs 12 000 puisque je viens du sud. En somme, on monte uniquement pour couvrir ces dépenses”.

Le jockey Dinesh Sooful fait lui ressortir que le manque de salaire de l’intersaison et le retard dans la reprise des courses les placent dans une situation difficile. “Comme chaque année pendant l’intersaison, nous ne percevons pas de salaire à proprement dit. D’ordinaire, on arrive à se débrouiller puisque les courses reprennent en mars. Nous sommes presque en mai et le fait de ne pas monter en courses nous fait subir un gros manque à gagner. Pour une course, nous touchons Rs 2 200 et pour entraîner un cheval Rs 130. Le calcul est vite fait. Je souhaite que les courses débutent le plus rapidement possible.”

À l’heure où nous mettions sous presse, le MTC avait déjà logé une demande auprès gouvernement pour que la saison débute dans les semaines à venir à huis clos. Toutefois, Kamal Taposeea tient à faire ressortir qu’il faudra attendre au moins un mois avant de pouvoir tenir la première journée, et ce, dans l’éventualité d’une réponse positive du gouvernement. Pour cause, les chevaux doivent bénéficier d’une préparation adéquate avec des galops plus poussés. Entre-temps, le doute plane toujours. Ce qui est sûr, c’est qu’un pan de l’histoire du Champ de Mars s’écrit.

La santé des chevaux menacée

Les chevaux sont également en grand danger puisqu’en proie aux risques de coliques et de fourbure (laminitis), une maladie des sabots. Il faut comprendre que le métabolisme des chevaux est habitué à digérer un taux élevé de nourriture de compétition. Cette alimentation spéciale couplée à des vitamines peuvent impacter la santé des chevaux s’ils ne dépensent pas le surplus d’énergie engrangé. D’où l’apparition de coliques, dont une quinzaine de cas ont été signalés lors du confinement. Un nombre jugé plus élevé qu’à l’accoutumée.

L’écurie Patrick Merven a entre-temps perdu The Last Supper, une nouvelle unité qui devait débuter la compétition cette saison. Même si le propriétaire confie qu’il est difficile de dire si le cheval est décédé de coliques, le retard dans la reprise des course semble avoir contribué à sa mort.

De plus, vu que les chevaux ne peuvent s’entraîner comme à l’accoutumée, ils développent des fourbures, une congestion inflammatoire aiguë du pied qui peut entraîner la mort. Les risques de blessures sont également accrus en raison du régime d’entrainement restreint. “Si les chevaux ne sortent pas de leur box, ils font face à de gros risques. Ils peuvent s’agiter dans leur box et se blesser”, soutient le jockey Vikram Sola. Pour des raisons de sécurité, Jean-Michel Henry, lui, a préféré limiter le nombre de chevaux aux entraînements. “J’ai quatre ou cinq chevaux seulement qui travaillent, les plus récalcitrants. Ils ont besoin de se défouler.”

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