Les petites choses

Il y a ceux qui, comme si cela venait directement de leurs poches, s’enorgueillissent des milliards qu’ils injectent dans des projets qui attendent pourtant de prouver leur utilité et qui se gargarisent de modernité comme si ce mot était magique et que sa seule évocation était capable de régler tous les problèmes sociaux et humains du pays. Puis, il y a ceux qui croient que ce sont les toutes petites choses réalisées au niveau local qui apportent un vrai changement dans le quotidien des gens et qui améliorent leur qualité de vie. Il fut un temps où c’était l’eau et l’électricité qui constituaient les priorités absolues, puis les écoles et les centres de santé à proximité. Ce Small is Beautiful si éloquent.

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Une question d’étapes à franchir pour atteindre ce bien-être général que même des économistes acquis aux réalités du marché appellent de leurs voeux et qui vont jusqu’à préconiser que le PIB soit aussi accompagné d’un BIB, le Bonheur intérieur brut. Une façon de donner du contenu et du sens aux objectifs parfois obsessionnels d’un taux de croissance toujours plus élevé à atteindre.

Un pays se doit de se poser des questions sur ses priorités. Est-ce bien raisonnable d’avoir un complexe sportif à Rs 4 milliards lorsqu’on a encore des lieux de vie qui ont pour noms Cité Longère, Africa Town et d’autres poches de pauvreté qui deviennent des viviers pour toutes les dérives sociales, vols, violence, drogue et criminalité ? Toutes les caméras sophistiquées du monde ne régleront jamais le problème de la délinquance si elle n’est pas attaquée à la source.

Est-ce urgent de distribuer des tablettes aux collégiens qui ont déjà des smart phones dernier cri pendant que nombre d’entre eux sont pris dans l’engrenage de la drogue synthétique ? On pourrait prendre comme ça de nombreux exemples qui démontrent que, dans le souci des gouvernants à pratiquer une politique de faire plaisir de manière ciblée, on en arrive à oublier l’essentiel.

Dans tous les pays du monde, ce sont les mairies, au mandat électif, qui décident de la gestion de leur agglomération. Ici, on dépense de l’argent dans l’organisation des municipales et des villageoises, mais, une fois les conseillers élus, ils deviennent de simples exécutants de la politique de la National Development Unit.

C’est ainsi que tout se décide dans des bureaux de fonctionnaires à Port-Louis ou à Ebène et que les administrés découvrent que leurs conseillers réalisent des projets inutiles pendant que leurs routes sont impraticables à la première averse et que faire changer un point de lumière devient un véritable parcours du combattant.

Or, ce sont souvent les premiers concernés qui ont des solutions pratiques à des problèmes qui paraissent complexes. C’est un auditeur qui a récemment émis l’idée d’aménager une bretelle sous la rampe du tramway à la place Margéot pour rallier la rue Malartic sans avoir à aller jusqu’à Beau-Bassin pour rentrer chez soi. S’il y avait une démocratie participative à Maurice, beaucoup de problèmes auraient été rapidement réglés et à moindre coût. Or, la culture de la concertation, connais pas.

Ne parlons pas de l’insalubrité généralisée. Le gouvernement a fait voter des amendements autorisant les administrations régionales à émettre des ordres de démolition. Combien d’immeubles abandonnés, dangereux ou de constructions sur les canalisations ou empiétant sur l’espace public ont été démolis?

A Curepipe, il y a bientôt dix ans que le maire Ananda Rajoo avait fait voter un ordre de démolition du repoussoir visuel en sus d’être un repaire de malfaiteurs qu’est l’hôtel Europa. L’horreur est toujours là comme le sont aussi ces maisons abandonnées à deux pas du poste de police où il y a eu récemment une agression mortelle d’après beuverie entre SDF, et un peu plus loin, une autre résidence délabrée où un sportif avait succombé à une surdose de drogue.

Il y a eu des Assises de l’environnement récemment. C’est bien. Il semble que l’on ait réalisé que cela ne concerne pas que les EIA et qu’il y va de notre avenir à tous. Que de gros utilisateurs de pesticides se soient, à l’occasion, transformés en grands défenseurs de la planète était, certes, un peu ridicule, mais ces assises ont le mérite de répondre à l’exigence de dialogue que nous invoquions plus haut. Il faut maintenant voir comment tout cela va se traduire en faits concrets et visibles.

Le pays est sale. Il n’y a pas que les Mauriciens à faire ce triste constat. Les touristes, qui visitent le pays depuis des années, font aussi état de leur étonnement, si ce n’est leur dégoût devant la dégradation du produit mauricien. Dès qu’ils sortent de leurs hôtels nickels, c’est la crasse partout.

Si notre ambition n’est certes pas d’émuler la Suède qui doit importer des déchets pour faire rouler ses unités de recyclage et produire de l’énergie, ni faire comme Rodrigues qui interdit le plastique dès mercredi prochain, 1er janvier, on peut commencer quelque part. Et s’attaquer au problème fondamental qui est celui de la mentalité qui consiste à nettoyer chez soi ou devant sa porte tout en salissant les voies publiques, les terrains inoccupés, les cours d’eau et même la mer.

Cela prendra probablement plus d’une génération pour opérer ce changement de mentalité. Pour un début, les autorités pourraient, à très brève échéance, instaurer le tri sélectif dans les écoles primaires. Si, à 5 ans, on apprend à jeter son papier et sa bouteille en plastique dans une poubelle spécifique, il en restera probablement quelque chose de cette bonne habitude prise une fois arrivé à l’âge adulte.

C’est tout ce que l’on souhaite pour 2020, plus de considération pour les plus pauvres et les plus nécessiteux, parer au plus urgent et moins de projets ronflants.Trinquons au vin/vin, non, pardon, au 2020

 

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