Les premiers contours du budget 2018-19

À peine le second semestre de l’exercice financier 2017-18 entamé que l’agenda à l’Hôtel du gouvernement est axé sur les préparatifs du prochain budget. Et pour cause, le budget speech que présentera en juin le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, revêt toute son importance dans la conjoncture. Même si le gouvernement de Lalyans Lepep se targue de pouvoir aller jusqu’au début de 2020 au terme du présent mandat, le fait inéluctable demeure que le budget 2018-19 pèsera de tout son poids. Tout ce qui pourra être emballé dans tout exercice budgétaire subséquent portera l’étiquette de bribe électoral. Ainsi, dès la reprise après les inconvénients accompagnant le temps des plus incléments de ce début d’année, la Budget Cell aux Finances se retrouve avec du pain sur la planche. À partir de mercredi, le calendrier de travail se conjuguera au rythme des séances de travail avec une mission du Fonds monétaire international, dirigée par Amadou Sy, dans le cadre du Surveillance Mandate de l’Article IV Cycle. Déjà avant cette échéance, un dossier économique avec des ramifications sociales et politiques conséquentes hante les autorités. En fin de semaine, des représentants du gouvernement et du secteur privé se sont penchés au chevet de l’industrie cannière. Les dernières indications sont que le prix de la tonne de sucre, qui sera payé par le Syndicat des Sucres de Devesh Dukhira aux planteurs de cannes, serait inférieur à Rs 13 000, avec des risques de voir ce prix s’approcher dangereusement de la barre fatidique des Rs 12 000. Les discussions visent à échafauder une stratégie en vue d’éviter que ce secteur ne périclite dans le sillage de l’abolition des quotas d’exportions de sucre par l’Union européenne, en vigueur depuis le 1er octobre dernier. En parallèle à ces consultations, trois missions successives de la Banque mondiale sont programmées au titre de la Nine-Year Continuous Basic Education Reform. En cette même période, l’ocean economy agendasera au rendez-vous avec le déplacement de la mission Cervihgni de la Banque mondiale en vue de déterminer les composantes du programme visant à promouvoir l’Africa’s Green and Climate Resilient Development (AGEED).

Les derniers chiffres sur le plan économique, notamment l’évolution de la performance budgétaire avec un déficit en baisse, soit de Rs 600 millions contre des prévisions de Rs 6,3 milliards pour la période de juillet à décembre de l’année dernière, sont accueillis favorablement. L’une des conséquences de ce redressement initial des dépenses et des revenus de l’État se traduit sur le tableau de la dette publique. À la fin de décembre de l’année dernière, la tendance au plafonnement de la dette publique à Rs 290 milliards s’est maintenue. « Ce sont des premiers signes positifs et allant dans le sens que l’économie se met à prendre ses distances du vicious circle des déficits pour se rapprocher duvirtuous circle de la croissance soutenue. Avec la réduction du déficit budgétaire, le gouvernement disposera des ressources additionnelles pour encadrer la croissance renouvelée », fait-on comprendre dans les milieux officiels, qui ajoutent qu’à la fin de décembre, le niveau des réserves (Gross Official International Reserves) avait crevé la barre des Rs 200 milliards pour la première fois, soit une progression de 12,1% en une année.

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Le redressement partiel du déficit budgétaire avec un solde négatif de Rs 600 millions pour les premiers six mois serait intervenu au cours des deux derniers mois de 2017. Les dernières données publiées par la Banque de Maurice en ce début d’année indiquent que pour la période de juillet à octobre de l’année dernière, les dépenses encourues au titre du Budgetary Central Government étaient de Rs 31,3 milliards, dont Rs 8,8 milliards pour les gages et salaires des fonctionnaires et Rs 8,5 milliards consacrées à l’enveloppe des social benefits. Les revenus pour ces quatre premiers mois de l’année financière en cours ont été de Rs 29,5 milliards, dont des recettes fiscales de Rs 26,4 milliards.

L’autre tableau de statistiques qui semble vouloir apporter du baume au œur de Lalyans Lepep, qui complétera en décembre la quatrième année de son mandat, concerne l’évolution de la dette publique. Les données officielles publiées au cours de la semaine écoulée sur le site Web du ministère des Finances révèlent que la public sector debt était de Rs 291,4 milliards au 31 décembre contre Rs 292,5 milliards pour le précédent trimestre. Ces données révèlent que depuis juin dernier, la progression de la dette publique accuse un ralentissement comparativement aux précédents trimestres. Néanmoins, l’on notera que la dette a progressé d’un peu moins de Rs 11 milliards en une année, passant de Rs 280,1 milliards en décembre 2016 à Rs 291,4 miliards, soit autour de Rs 230 000 par tête d’habitant.

Ces Rs 291,4 milliards se décomposent principalement comme suit :

— Government Securities (Borrowing Requirements) : Rs 212,9 milliards, représentant Rs 16 milliards de plus qu’en décembre 2016 ;

— Government Securities (Excess Liquidity) : Rs 3,7 milliards, en régression par rapport aux Rs 15,9 milliards de mars dfe l’année dernière ;

— Dette étrangère : Rs 45,1 milliards contre Rs 51,6 milliards il y a un an ;

— Public Enterprises Debt : Rs 29,6 milliards, en progression de Rs 8 milliards en une année.

La thèse défendue officiellement par rapport à la dette publique est que « the public sector gross debt continued to decline from 64,9 % of GDP at end-June 2017 to 64,6 % at end September and further to 63,2 % an end-December 2017. » Dans le Staff Report for Article IV Consultations de novembre 2017, le constat du FMI est que « while Mauritius’ total public sector debt appears to be sustainable, the debt sustainability outlook is increasingly susceptible to a range of macro-fiscal shocks. The debt sustainability analysis DSA) points to an increase in public sector debt vulnerabilities Annex II) . Rising public debt, including contingent liabilities of the central government, has left Mauritiusgross financing needs more exposed to adverse real growth, real interest rate, and fiscal shocks. The distribution of risks indicates that the debt/GDP ratio will likely remain elevated over the forecast horizon. Debt profile vulnerabilities have increased but are manageable. »

Inquiétudes

Sur le front du commerce extérieur, pour les premiers 11 mois de l’année, le déficit de la balance commerciale est de l’ordre de Rs 83,1 milliards, avec le solde négatif pour les mois d’octobre et de novembre de l’année dernière au-dessus des Rs 10 milliards, alors que pour les trois premiers trimestres, le déficit mensuel variait entre Rs 5,6 milliards et Rs 7,9 milliards. Avec les caractéristiques quelque peu particulières des importations pour la fin de l’année, il est à craindre que le déficit de la balance commerciale pour 2017 devrait taquiner la barre des Rs 95 milliards, si ce n’est plus, pour 2018.

Dans l’immédiat, la performance de l’industrie cannière donne des soucis aux autorités. Il devient de plus en évident que le prix de la tonne de sucre produite et exportée descendra encore sous le seuil du tolérable pour les membres de la communauté des planteurs, qu’ils soient petits ou usiniers. Même si officiellement aucune des sources n’a voulu confirmer officiellement ce détail, le prix payé aux planteurs devrait se rapprocher davantage des Rs 12 000, soit presque 25% de moins que pour la récolte sucrière de 2016.

De ce fait, le comité conjoint gouvernement-secteur privé, sous la coprésidence du secrétaire permanent au ministère de l’Agro-Industrie et du Chief Executive Officer de Business Mauritius, s’est réuni de nouveau vendredi en vue passer en revue la situation et les perspectives sur le marché international. Les différents stakeholdersau sein de l’industrie cannière ont fait part de leurs craintes tout en élaborant des stratégies pour assurer la survie de ce secteur économique, même si le règne de King Sugar est révolu depuis longtemps. « Ces discussions devront permettre d’arriver à un consensus entre le gouvernement et l’industrie sucrière au sujet des mesures d’accompagnement des planteurs, susceptibles d’être retenues dans le cadre de la présentation du prochain budget », laissent entendre des sources autorisées après la longue réunion de vendredi.

Même si à ce jour la Budget Circular Letter signée du secrétaire financier, Dev Manraj, définissant les grandes lignes du prochain budget n’a pas encore été émise à l’intention des Senior Chief Executives des ministères et autres chefs de département, le ton devra être donné cette semaine. La délégation du FMI dirigée par Amadou Sy (Mission Chief) et comprenant Luisa Charry, Senior Economist (Fiscal and Real Sectors), Salifou Issoufou, économiste, spécialisé dans la balance des paiements, la gestion de la dette étrangère et la politique monétaire, et Torsten Wezel, Senior Economist des secteurs financier et de l’offshore, entamera une série de consultations et ce, jusqu’au 14. L’objectif de cette mission sera de permettre au FMI « to review recent economic developments and also to identify emerging issues that could be part of the next Article IV Consultations. It would also provide some element for the preparation of the next budget » ou, plus précisément, d’arrêter les « parameters for the next budget cycle. »

Politique monétaire

Des séances de travail ont été fixées avec de hauts cadres du ministère des Finances, de la Banque de Maurice, de la Financial Services Commission de même qu’avec ceux de Business Mauritius, de la Mauritius Export Association, des banques et des capitaines de l’industrie. De par les spécialités des interlocuteurs, il va de soi que parmi les dossiers prioritaires de discussions, l’on devrait retrouver la Monetary Policy Stance et le Monetary Policy Framework, le Macroprudential Policy Setting et la préparation du Blueprint pour le secteur financier.

Dans cette perspective, la mission Sy s’apprête à assurer le suivi des principales recommandations du dernier Staff Report sur les Article IV Consultations rendu public le 7 novembre 2017. L’une des prescriptions préconise; « a tighter monetary policy is required to address the growing underlying inflationary pressures. » À ce titre, le FMI souligne que « the expected increase in international oil and controlled prices, and the anticipated introduction of a minimum wage policy by the Ministry of Labour in 2018 are likely to have second round effects and increase inflation expectations. At the same time, the negative output gap is closing and demand for credit is rising. In anticipation of these developments, a tighter policy is warranted, which would help bring headline inflation down to historical norms (about 3 percent since 2009) ﴿. »

Le FMI a également commenté l’héritage de Ramesh Basant Roi en tant que gouverneur de la Banque de Maurice en matière de politique monétaire. « The Bank of Mauritius intends to adopt a more forward-looking monetary policy framework. The current framework lacks a clearly defined nominal anchor. This, along with a perceived multiplicity of objectives which are not necessarily consistent (including on exchange rate considerations) ﴿ risks overburdening monetary policy, which can result in policy inconsistencies, and ultimately undermine the credibility of monetary policy and the capacity of the BOM to anchor inflation expectations », lit-on au paragraphe 24 du Mauritius-Staff Report for the 2017 Article IV Consultation de 64 pages.

Le reengineering du Global Business Sector face aux attaques relevant des anti-tax avoidance initatives sur le plan international figure parmi les priorités pour le FMI et Maurice. Le blueprint pour le secteur financier, qui est en attente en mars prochain des inputs des consultants de McKinsey, devrait apporter un nouvel éclairage à cet important secteur économique. Maurice ne peut prendre de risques en repoussant les échéances, car le FMI s’appesantit sur le fait que «the European Commission EC)  posits that Mauritius’ Deemed Foreign Tax Credit (DFTC) regime, is potentially harmful. This provision allows GBC1 and banks to claim a partial tax credit on their foreign-sourced income without furnishing evidence of the actual payment abroad. The EC has notified Mauritius that it would assess the regime as harmful unless the beneficiaries are systematically taxed like other companies. The authorities have indicated their intention to replace the DFTC regime with an exemptions system that would apply to GBC1 and other domestic firms alike, thereby ending the controversial ring-fencing of the current benefit. » Il y a les pressions de l’OCDE contre le GBC 2 Sector.

En guise d’assurance face à cette levée de boucliers contre le Global Business Sector, les autorités ont promis « a more detailed proposal for reforming the tax framework will be included in the Financial Services Sector Blueprint, expected to be finalized by the end of the fiscal year. »

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