Les Unsung Heroes de l’accident de Sorèze

Vendredi 3 mai 2013, vers les 9h15, l’alerte est donnée. Un autobus Blueline de la Corporation Nationale de Transport (CNT), immatriculé 4263 AG 07, a fait un grave accident de la route dans le virage de Sorèze sur La Nationale. Le bilan s’annonce lourd: dix des passagers, dont le chauffeur, Ganesh Deepchand, sont tués sur le coup vu la violence inouïe quand le bus s’est renversé sur l’asphalte, et une quarantaine de blessés sont admis à l’hôpital Jeetoo et à la clinique Apollo Bramwell avec de graves blessures. Toutefois, trois Unsung Heroes méritent d’être reconnus même si 34 semaines après, les véritables causes de cet accident font toujours l’objet d’un bras de fer entre les experts de la police et les ingénieurs du ministère de l’Infrastructure Publique et que le Directeur des Poursuites Publiques (DPP), Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, est appelé à assumer un rôle d’arbitre.
Tous les survivants de cet accident de la route, qui a suscité un véritable traumatisme au sein de la communauté du public voyageur, ont été unanimes à mettre en exergue le comportement héroïque exceptionnel du chauffeur Ganesh Deepchand, au plus fort du drame. Ils s’accordent à dire que le chauffeur avait fait le maximum pour éviter le pire et limiter les dégâts matériels et les pertes de vie humaine.
A peine 24 heures après l’accident, souffrant d’atroces douleurs sur son lit dans le département de High Medical Care de l’hôpital Jeetoo, le receveur de la CNT, Vishamitr Bundhoo, âgé de 52 ans, qui compte 32 ans de carrière dans le transport en commun, devait rendre l’hommage le plus vibrant à la mémoire de son collègue tué au volant du bus.
«Me sofer-là ine fer tou so posib pou sépar bann passaze. Mo mari sagrin saki ine arriv li», a déclaré en primeur à Week-Endle receveur de la CNT. Quand le bus Blueline avait fait des tonneaux sur l’asphalte, le chauffeur était resté bloqué dans sa cabine.
Le témoignage de Vishamitr Bundhoo est encore plus bouleversant quand il aborde le moment crucial précédent l’accident meurtrier. «Ene kut, sofer nek signale mwa ki machine pa pe gagn frein. Li dir mwa pa less personne reste divan. Mett tout dimoune par derrière», ajoute-t-il. Le temps d’avertir les passagers du danger compte tenu de la proximité du virage de Sorèze, l’autobus était déjà engagé dans la zone rouge de danger.
«Ena alarm dan bis ! Ler alarm-là largué, bis-là kumans fer zig zag. Pa konné kot pe allé ! Dan sa lerlà, mo fer la priyer. Mo dir Bondié sappe mo lavi.  Ene sel kut bus-là nek déviré. Si sofer ti kontinyé desann Pailles, buku fraka ti pou éna. Ena sa simin kine ranzé là, li ine rantr ladan. Letan li fer kontour-là ek pression li pe vini là, pa ine kapav évit sa canal-là. Kans bis-là ine déviré, sa colonne-là ine sappe moi. Sofer ine kraze dan kabin. Mo ti truv disang pe kulé. Li pa ine kapav sorti dépi kabin-là»,se souvient encore le conducteur de la CNT.
Presque en même temps que le receveur du bus conseillait aux passagers de se mettre à l’arrière du véhicule, Sanjay Ramdayan, Cargo Operations Officerà l’aéroport, se sent investir d’une mission quasi-impossible. Adeellah Emambokus, enceinte de huit mois, arrive à peine à se déplacer de son siège dans le bus. Il a eu le réflexe de la protéger au mieux de ses possibilités.
«Je suis resté debout. J’avais un bras derrière le dossier de son siège de sorte que son cou et son épaule soient immobilisés lors de l’impact qui était inévitable. J’ai agrippé un autre siège pour me maintenir en équilibre. Je suis resté debout. Je voulais empêcher que son ventre et sa tête ne heurtent contre les sièges»,se rappelle-t-il.
Miracle
Quand le bus s’est immobilisé sens dessus-dessous, Sanjay Ramdayan s’est enquis de l’état de santé de la jeune femme. Remarquant la présence des premiers badauds sur les lieux, il devait hurler : «Tir nu, tir nu ladan!»
Presque au même moment, le beau-père d’Adeellah Emambokus, qui avait été appelé au téléphone par la jeune femme en difficultés, ne comprenait rien de ce qui se passait dans le bus. «Mo nek ine tende ene ta tapaz lor téléfon. Pa ti trop konpran ki fine arrivé. Aprè, mo ine tende ene bann lavoix ki ti pe dir : Tir li ! Tir li ! Ene madam enceinte sà !»,déclare Ackbarally Emambokus, âgé de 59 ans, se trouvant à son domicile à Modern, Vacoas, à ce moment précis.
Dans la soirée du vendredi 3 mai, Adeellah Emambokus accouchera prématurément à la clinique Darné du petit Madiyam, pesant 3,07 kilos. Un véritable miracle pour la famille Emambokus.
Enfer
Néanmoins, les malheurs du receveur de la CNT ne devaient pas s’arrêter là. Il a eu à subir un long traitement médical en raison des graves blessures essuyées lors de l’accident, a été privé à un certain moment de ses salaires et s’est retrouvé avec la menace de poursuite au pénal pour avoir transporté un nombre supérieur de passagers que celui autorisé. Depuis ce vendredi 3 mai, le receveur de bus vit un véritable enfer dans le sens le plus large du terme.
La version des faits de Vishamitr Bundhoo sur les circonstances de l’accident du Blueline du 3 mai sera déterminante d’autant plus que son carnet de bord sur le bus immatriculé 4263 AG 07, consignant la Case Historydes défaillances enregistrées avant cet accident fatal, est considéré comme des plus accablants pour la CNT.
A ce jour, l’enquête policière sur les causes de l’accident mortel du virage de Sorèze suscite des controverses. LesFindingsdes spécialistes de la police, faisant état de Safety Failures,sont contestés par les ingénieurs du ministère. D’ailleurs, dès les premières heures après l’accident, le ton était monté d’un cran entre les deux camps au point où la formule magique de l’expertise étrangère a été sortie par le Premier ministre, Navin Ramgoolam.
Deux consultants indiens d’Ashok Leyland ont fait le déplacement à Maurice. Ils ont procédé à un examen du Blueline 4263 AG 07 de la CNT et ils ont soumis leurs observations au Prime Minister’s Office. En fin d’année, le DPP aurait initié une série de consultations avec des experts dans le domaine en vue d’»ironing out the flagrant discrepancies»relevées dans l’espoir qu’avant le 3 mai 2014, des progrès pourraient être réalisés dans les procédures à suivre pour établir les circonstances de cet accident et situer les responsabilités des parties concernées…
 

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