LETTER TO STAKEHOLDERS : Le chapelet de coups de griffes de Manou Bheenick

Une dizaine de jours après le tête-à-tête au ministère des Finances en vue de calmer la tension avec la Banque de Maurice au sujet de la conduite de la politique monétaire, le gouverneur Manou Bheenick remue le couteau dans la plaie. Par le biais de la traditionnelle Letter to the Stakekholders, accessible sur le site web de la Banque de Maurice depuis la mi-journée vendredi, il revient de manière forte sur les controverses du Key Repo Rate ou encore de la gestion des excédents de liquidités dans le circuit monétaire sans attaquer nommément le ministère des Finances comme il a été le cas lors de la guerre des communiqués. Ce document de 34 pages, ayant pour thème Unlocking our potential in these uncertain times, se présente sous la forme d’un chapelet de coups de griffes des plus cinglants, même si le style et le verbe de Manou Bheenick font la différence.
Toutefois, le gouverneur de la Banque de la Banque de Maurice se refuse d’admettre qu’il ravive la polémique avec les Finances, en laissant comprendre que « there is a discernible tendency in the press and among other economic commentators to blow some issues out of proportion, to fan dissenssion and to spread misunderstanding ».
D’entrée de jeu, Manou Bheenick exprime ses regrets que des projets comme le Deposit Insurance Scheme, un Special Bank Resolution Regime, un Ombudsperson pour le secteur bancaire, le National Payment Switch ou encore l’introduction du Sukuk avec l’Islamic Banking, n’ont pas encore vu le jour. L’explication de Manou Bheenick est sans appel.
« Not because we at the Bank have been sleeping at the wheel, mainly because of lingering difficulties in securing the enabling legislation », peut-on lire à la page 5 du document, Manou Bheenick ajoutant que « I am mystified by such foot-dragging on initiatives to increase the safety of our banking and financial system ». Le ton ainsi donné sera soutenu de manière systématique au fil des analyses des différents problèmes.
Monetary Policy Committee : Le gouverneur de la Banque de Maurice dénonce la composition de cette instance avec pour résultant l’existence d’une « entrenched divergence of opinion among MPC members, pitting Bank executives against external members ». Il n’a pas encore digéré ses différents échecs pour un renversement de tendance avec une révision à la hausse du Key Repo Rate (KRR) tout en s’en prenant également aux lobbies vociférateurs qui avaient osé réclamer en 2012 une dépréciation de la roupie.
Manou Bheenick veut des changements fondamentaux dans la composition du MPC, avec une mise en parenthèse des externes, car « the voting pattern in the MPC inevitably weighs on the overall credibility of the monetary policy-decision making process ». Il affirme qu’il est temps de doter la Banque centrale d’une « operational independence in the formulation and implementation of monetary policy ». Il cite non seulement l’exemple des pays en voie de développement mais également celui des économies développées dans ce qu’il présente comme une « adult approach to understanding monetary and fiscal policy ».
Taux d’intérêts : En dépit de la contestation par le ministère des Finances, la Banque de Maurice récidive avec la thèse à l’effet que « negative real interest rates — typically 25 to 115 basis points below the Key Repo Rate — have contributed to a significant decline in the savings rate, given a boost to consumption leading to a sharp deterioration in the current account deficit ».
Manou Bheenick maintient que la solution se trouve dans un ajustement à la hausse du Repo Rate car des taux d’intérêts bas ont accru l’endettement du Corporate Sector et que « the misallocation of credit has increased vulnerabilities in the banking sector and the economy at large. Given such risks, we strongly believe that the MPC should start normaliizing interest rates ».
Stratégie économique : Prônant un overhauling de la stratégie économique, avec accent sur les investissements et les exportations aux dépens de la consommation pour résoudre les problèmes du déficit de comptes courants, pour soutenir une croissance robuste et pour intégrer le groupe de High-Income Economy, il soutient qu’un niveau approprié du Key Repo Rate peut aider dans cet exercice de rééquilibrage. Il soulignera que « it should be accompanied by appropriate fiscal policies and supported by bold structural policies to raise productivity across public and private sector entreprises ».
Excédents de liquidité : Pour la Banque de Maurice, ce problème a été exacerbé par la gestion des Special Funds. Sans passer par quatre chemins, Manou Beenick rend responsables le National Resilience Fund, le Build Mauritius Fund et le Road Decongestion Fund des difficultés rencontrées par la Banque de Maurice pour assurer la stabilité monétaire et financière.
Manou Bheenick s’insurge cotre le fait que l’autorité de la Banque centrale est sapée sur la place par des initiatives du ministère des Finances. « To add insult to injury, the Bank’s actions and authority were further undermined by the Treasury effectively acting as a lender of the last resort via the deployment of these funds to cash-strapped commercial banks, which would have otherwise taken the normal route of seeking accommodation from the bank and enabled the Repo Rate corridor to gain traction », lâche-t-il.
Pour corriger cette effronterie du ministère des Finances, la Banque de Maurice brandit la menace de « Higher Cash Reserve Ratio from Special Funds deposits in excess of transaction balances. » Le coût des opérations de stérilisation est estimé à quelque Rs 700 millions pour l’année en cours.
Debt Management : L’absence d’une Full-Fledged Debt Management Unit à la Banque de Maurice est amèrement regrettée. La raison est que cette unité à la Banque centrale représenterait une duplicité. Manou Bheenick se félicite des conclusions d’une récente revue des Debt Management Arrangements par le Fonds monétaire international (FMI) qui « has identified some duplication in the work done by the Bank and within the Ministry of Finance and Economic Development has noted several deficiencies ». Il s’attend à voir des remèdes adoptés et des obstacles enlevés sur la voie d’un marché secondaire « for Government paper ».
Islamic Banking : Véritable impatience exprimée par le gouverneur de la Banque centrale, qui énumère les initiatives déjà prises pour le développement de ces activités à Maurice. « Unfortunately, the public debt issuance calendar has never provided for the issuance of Sukuks, as proposed by the Bank in its capacity as debt adviser to Government, and this severely compromises the prospect of our jurisdiction playing a bigger role in the growing world of international Islamic finance », avoue-t-il.
En conclusion, le gouverneur de la Banque de Maurice souligne que son troisième mandat sera axé sur la nécessité de renforcer la résilience du secteur bancaire, même si « I must concede that we still have to cover some ground to de-risk our financial system and add depth to the financial market ».

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