LETTRE A PAUL BERENGER: Pour le salut du pays

Cher Paul,
J’ai longtemps vénéré ce grand homme que tu étais. Force est de reconnaître que tu as marqué l’histoire de ce pays. Je me souviens encore des quelques fois que je t’ai rencontré. A l’époque il suffisait de passer un coup de fil à la rue la Poudrière pour que tu nous reçoives.
Je me remémore encore l’effet que cela me faisait d’être dans la même pièce que toi…Je n’étais qu’un gamin mais tu inspirais respect…tu étais mon héros…le héros de mon père…de ma mère…de mon frère…de milliers de Mauriciens.
Ils s’appelaient Moon, Sada, Moogess, Serge…tu te souviens d’eux ? C’étaient tes soldats…Ils ont tout sacrifié pour toi…temps, famille, travail…ils ont tout donné pour ce parti qui était toute leur vie…certains y ont d’ailleurs laissé leur vie…je suis sûr que tu te souviens encore d’Azor et de Fareed, n’est-ce pas ?
Je n’avais que cinq ans en 1982 mais je me souviens encore traçant une main au milieu d’un coeur sur un morceau de tissus blanc avec mes petits camarades de l’Allée Mangue au Ward IV à Port-Louis. Les enfants que nous étions s’époumonaient « 60-zéro pisso » pensant qu’il s’agissait du score d’un match de foot, brandissant fièrement les petits drapeaux que nous avions nous même confectionnés, nos petites mains sur nos petits coeurs.
En grandissant, au fur et à mesure que s’est développée chez moi une conscience politique, je me réclamais fièrement militant. Tu sais, chez moi, le militantisme se transmet de père en fils. Dans nos veines coule du sang mauve. Et puisque tu étais mon héros je n’avais aucun mal à revendiquer mon «Bérengisme ».
Et je t’ai suivi aveuglément Paul. Je n’hésitais pas à placer mes croix là où tu me disais de le faire. Parce que c’était toi. Parce que le salut de ce pays ne pouvait que passer par toi. Parce que je te faisais confiance.
Et puis survint…1997…les élections municipales se tenaient cette année là tu te souviens ? Deux ans de cela, tu avais remporté ton deuxième 60-0. Moi en 1997, c’était la première fois que j’allais voter. Tu nous as demandé d’accorder nos votes aux travaillistes. Je l’ai fait. Quelques mois après…patatras…ton bon ami Navin te bottait hors de son gouvernement. Enragé, je me suis fait une promesse. Plus jamais tu ne me ferais mettre une croix à côté d’une clé.
J’ai continué à te suivre Paul, Pourtant, la maturité aidant, je réalisais que tu t’écartais graduellement des idéaux militants. A tel point que le combat contre le communalisme, chantre de la lutte militante, j’ai choisi de le poursuivre aux côtés de mes amis de Rezistans ek Alternativ.
Mais voilà ! En 2014, en dépit de tout bon sens, tu as osé me redemander de voter «la clé » !
Mon cher Paul, il faut que tu saches que le 10 décembre 2014, j’ai fait honneur à mon serment.
Le 10 décembre 2014, j’ai voté et à travers mon vote je t’ai sanctionné toi Paul. Pas Navin. Je t’ai sanctionné TOI…parce que tu es allé trop loin. Tu as bien changé Paul. Depuis quelques années je ne te reconnais plus. Tu fais preuve de tellement d’arrogance. Tu nous prends pour argent comptant…pour ton « dépôt fixe » !
Je sais bien que tu as depuis goûté à ce maroquin de « Right Honourable ». Premier Ministre, je le reconnais, ça doit être tellement grisant. Que tu ai eu envie d’accéder à nouveau à ces suprêmes fonctions, je peux le concevoir. Mais à quel prix Paul ? Au prix de renier 45 ans de combat ? Au prix de nous prendre tous pour des imbéciles ? Au prix de nous faire avaler couleuvre sur couleuvre ? Au prix de trahir les idéaux pour lequels Moon, Sada, Moogess, Serge, des milliers de militants anonymes ont combattu avec acharnement à tes côtés ? Pour lesquels Azor et Fareed ont donné leur vie ? Le militantisme en 2014 se résume-t-il à assouvir tes ambitions pouvoiristes (et celles de tes dinosaures de lieutenants) ?
Mon cher Paul, oui j’ai longtemps vénéré ce grand homme que tu étais. Oui tu resteras dans l’histoire de ce pays un personnage politique d’exception. Oui mon sang est toujours mauve. Mais aujourd’hui je suis orphelin. Je n’ai plus de parti car tu l’as anéanti. Pour autant j’espérais que tu allais faire preuve, dans la défaite, de magnanimité. Que tu allais prendre la mesure de ce qui est arrivé et que tu allais prendre du recul pour reconstruire le parti en lui insufflant du sang neuf. Mais je m’étais (encore) trompé à ton sujet…
Je t’en supplie Paul, retire toi. Il en est encore temps. Pour le salut du parti. Pour le salut des militants. Pour le salut du pays.
Amitiés.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -