Licenciées de Texto – Le drame humain des employés

Sans le moindre sou après 20 ans de service

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Feroza Unath: « Aujourd’hui, j’ai 64 ans et je croyais que j’allais enfin toucher mon argent pour mes années de service »

Un véritable drame humain se joue à Cité-La-Cure et ses environs depuis hier matin. La vie a littéralement basculé du jour au lendemain. Après avoir consacré des efforts pendant plus de 20 ans à l’usine Texto Ltée, elles se retrouvent sur le pavé. Tant d’années de sacrifices qui tombent à l’eau pour ces femmes qui se sont dévouées nuit et jour pour leurs familles. Aujourd’hui, elles sont dans le flou total, ne sachant à quoi ressemblera l’avenir. Avec des dettes sur la tête et des enfants à envoyer à l’école, elles lancent un cri de détresse pour que le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, trouve une solution à leur problème.

Ce 15 décembre est un jour sombre dans la vie de Nafissa qui, depuis 21 ans, se plie en quatre pour concilier son rôle de mère de famille et les heures de travail difficiles à l’usine. « Hier, j’ai eu un choc de voir que la grille de l’usine était fermée. Nous n’avions pas été avertis. Cela m’a fait mal. Je me suis dit : autant d’années de courage et j’en sors les mains vides ! »

Nafissa raconte que ces dernières semaines, les heures de travail se sont multipliées. Sans doute la direction tenait-elle à compléter ses commandes avant de mettre la clé sous le paillasson. Mais les employés n’ont rien vu venir. « Nous avons fait des heures supplémentaires jusqu’à 22h, 23h, même pendant le week-end. Nous avons participé pour faire partir les commandes. Moi, je suis checker. Mais j’ai accepté d’aller travailler dans d’autres sections pour faire bouger les choses. Je ne m’attendais pas à ce que cela se termine ainsi, sans avertissement. »

Mère de deux enfants, l’un à l’université et l’autre en Form III, elle confie devoir trouver le budget nécessaire pour leurs études et matériel nécessaire l’année prochaine. « On attendait d’avoir le boni de fin d’année pour cela, mais voilà, nous n’avons même pas de salaire. Nous ne savons comment faire. Il y a des collègues qui sont venus à Port-Louis hier et qui n’ont pas d’argent pour rentrer chez eux, ni pour acheter quelque chose à manger. Il a fallu compter sur les camarades pour cela. »

Comme Nafissa, Marianne ne s’attendait pas à une telle tournure des événements à une semaine de Noël. « Il y a des femmes ici qui élèvent seules leurs enfants. Elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes. J’ai travaillé pendant 22 ans comme machiniste, jour et nuit. Nous n’avons pas eu de week-end pour nous. Nous avons passé notre temps au travail. Ces derniers jours, certaines ont dû rester sur place pour terminer les commandes. Nous avons travaillé comme des esclaves et, aujourd’hui, nous nous retrouvons à la rue. »
Avec un salaire de Rs 299 par jour, Marianne dit avoir beaucoup de difficultés à joindre les deux bouts. Pour s’en sortir, elle enchaînait les heures supplémentaires. « Latet fatige », avoue-t-elle, en pensant à sa fille qui doit faire sa Form IV l’année prochaine. « Je ne sais comment faire pour trouver le nécessaire pour l’envoyer à l’école en janvier », dit-elle.

Piètres conditions de travail

Nasreen est, elle, déléguée syndicale. Affectée à la section « packing », elle affirme avoir également travaillé très dur ces derniers jours. « Le production manager, M. Richard, m’a appelé jeudi, me demandant d’annoncer aux employés de ma section que le salaire allait être versé lundi au lieu de vendredi. Quand j’ai posé des questions sur le paiement du boni, il m’a dit qu’il n’en savait rien. Mais à aucun moment il n’a parlé de fermeture. »
Comme ses collègues, Nasreen est inquiète pour l’avenir de sa fille, qui doit prendre part aux examens de HSC l’année prochaine. Elle relate également les conditions difficiles dans lesquelles elle a travaillé pendant les 11 années de service passées chez Texto. « On vous met la pression. Ils disent “touye touye” pour vous inciter à aller plus vite. On donne des coups de poing sur la table, on parle mal aux femmes et aux ouvriers bangladais, les menaçant même de les renvoyer chez eux. »

Nasreen avance également que cette dernière semaine, des femmes sont restées à l’usine pendant deux jours. « Elles ont travaillé “overnight” pour compléter les commandes. Leurs familles ont dû apporter leurs vêtements et leur nourriture à l’usine. Certaines ont dû se laver dans les toilettes. Elles ont accepté tout cela juste pour pouvoir avoir leur argent, mais aujourd’hui elles se retrouvent sans rien. »

Le cas de Feroza Unath est d’autant plus compliqué qu’elle devait prendre sa retraite l’année prochaine. Elle ne sait si ses 25 années de service tomberont à l’eau. « Quand j’ai eu 60 ans, on avait mis un terme à mon service. Mais je voulais continuer à travailler et avec l’aide du syndicat, j’ai pu réintégrer mon poste. Aujourd’hui, j’ai 64 ans et je croyais que j’allais enfin toucher mon argent pour mes années de service, mais voilà que l’usine a fermé ses portes. »

Ces femmes lancent un appel au ministre du Travail, Soodesh Callichurn, pour qu’il trouve une solution au plus vite à leur problème. « Certaines n’ont pas à manger. Ils attendaient la paie pour faire leurs courses. Nous espérons que le ministre entend notre appel et qu’il trouvera une solution. » Pendant toute la journée d’hier, ces femmes se sont mobilisées avec leur représentant syndical, Atma Shanto, devant la Victoria House. Elles étaient déterminées à y rester tant qu’une solution ne serait pas trouvée. Marianne, Nasreen, Nafisa et Feroza attendent une solution du ministère

Ouvrier Bangladais

Un même traitement que pour les Indiens d’Avant réclamé

Ayant pris connaissance de la situation des ouvriers bangladais de Texto, qui sont sans salaire et sans nourriture, le syndicaliste Feyzal Ally Beegun invite le ministre Callichurn à réagir promptement. « Je souhaite qu’il traite ce dossier de la même manière qu’il l’a fait pour les ouvriers indiens d’Avant. Il faut avant tout que ces travailleurs aient leurs salaires. Que ceux qui souhaitent rentrer chez eux puissent avoir leur billet d’avion et ceux qui veulent être redéployés dans d’autres usines aient l’opportunité de le faire. »
Rappelons qu’en août dernier, l’usine Avant, à Quatre-Bornes, avait aussi fermé ses portes sans en avertir ses employés. Le propriétaire, un ressortissant indien, avait quitté le pays en catimini. Dans le cas de Texto, l’employeur est un Mauricien.

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