Licensed to kill – points supplémentaires

AVINASH RAMESSUR

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Cet article est la suite de ceux publiés les 1er octobre et 2 octobre derniers (https://www.lemauricien.com/article/licensed-to-kill-i/ et https://www.lemauricien.com/article/licensed-to-kill-ii/) . Avant de poursuivre, permettez-moi de dire que je suis apolitique et que j’écris ce texte par devoir citoyen devant l’incapacité des gouvernants quels qu’ils soient à nous protéger sur la route.

1. L’infrastructure, les amendes et le principe de symétrie

Trois ans et demi de gouvernement et trois ans et demi de blabla. Les routes et les infrastructures routières sont toujours aussi pourries. Les trottoirs (quand il y en a) sont toujours aussi mal faits et les piétons rasent toujours les murs. Les enfants, eux, sont toujours en grave danger sur les routes. Les travaux routiers se font, aujourd’hui encore, au petit bonheur ; la chance en dépit du bon sens. Personne ne se soucie des crevasses créées par ces travaux, mettant en grave danger les usagers par temps sombre. Les panneaux de signalisation sont toujours en deçà des normes ; les marques peintes sur la chaussée sont toujours aussi mauvaises et les routes, aussi cabossées. On se contente tout simplement de les rafistoler avec amateurisme. Et on paye toujours très cher des deniers publics des incompétents et des médiocres plus préoccupés à se faire une place au soleil qu’à remplir leur devoir.

En lieu et place, on a droit à une large augmentation des amendes que je qualifierai de scélérate. Celle-ci est présentée comme la panacée pour résoudre le problème des accidents sauf que depuis, rien n’a diminué et les morts sont toujours aussi nombreux. Bien qu’il soit justifiable que le seuil de certaines amendes soit relevé par rapport à la gravité de l’infraction, une bonne partie des augmentations est à côté de la plaque car elles permettent à l’État de se remplir les poches en faisant de la facilité sans résoudre la nature profonde du problème.

Ces augmentations engendreront aussi d’autres problèmes, notamment sociaux, et feront payer des innocents de par leurs disproportions. Mettez-vous à la place des enfants dont le père, qui gagne Rs 50 000, doit payer une amende de Rs 10 000. Devront-ils souffrir de faim pour que le paternel paye son amende ou alors devront-ils subir l’humiliation de voir leur père en prison pour non-paiement d’amende ? Sans remettre en cause le principe de sanction (proportionné) des incartades, voilà comment des bureaucrates bien installés dans une tour d’ivoire se contentent de faire vivre la bureaucratie qui les nourrit tout en créant de la pauvreté chez autrui.

Des esprits simplistes diront que c’est bien fait pour le contrevenant et qu’il n’avait qu’à faire plus attention. Mais voilà, une société, qui est revancharde et qui sanctionne avec disproportion tout en refusant de regarder en face ses réelles faiblesses et ses incompétences systémiques, est une société inégale et faible et cela rattrapera tôt ou tard les mêmes qui en font aujourd’hui sa promotion.

Je propose donc le principe de symétrie suivante à ceux qui gouvernent: engagez votre responsabilité au civil pour tous les accidents causant blessures et dont les infrastructures défaillantes en sont la cause.

J’ouvre aussi une parenthèse rapide pour dire que tant les sanctions pécuniaires peuvent être disproportionnées, tant les condamnations en cour pour avoir causé mort d’homme par négligence ou en raison d’un non-respect des règles peuvent être légères. On a d’ailleurs eu un cas récemment.

2. Les décisions populistes calamiteuses

Indépendamment des gouvernants qui se succèdent, il est primordial d’assurer la continuité de l’État. C’est à cela qu’on distingue les grands hommes politiques des affairistes médiocres. Que dire alors de la décision populiste, irresponsable et calamiteuse, annoncée en pleine campagne électorale et implémentée depuis, d’abandonner le système de permis à points ?

Ce fut un blanc-seing accordé à tous les assassins de la route et ceux qui ont fait cela portent une lourde responsabilité dans le nombre de morts croissant sur les routes. Il convient de les pointer du doigt et de leur dire la vérité aussi cruelle qu’elle soit :

Le populisme tue des gens.

La lâcheté politique tue des gens.

L’incompétence tue des gens.

La médiocrité tue des gens.

Et vous en êtes les premiers responsables.

Le système de permis à points était loin d’être parfait (fait par d’autres médiocres en d’autres temps) mais la responsabilité des nouveaux gouvernants aurait été d’améliorer le système qui est par ailleurs utilisé avec succès dans la grande majorité des pays développés et non pas de le mettre à la poubelle en accordant des passe-droits aux chauffards.

Voilà comment on engendre l’irresponsabilité et l’inconscience chez les chauffeurs et il est dommage que les mêmes qui ont pris cette décision calamiteuse viennent faire les « gopias » sur les ondes en déclarant ne pas comprendre pourquoi l’insécurité routière est croissante.

Notons finalement que le système de permis à points aurait été un système bien plus efficace, gradué et proportionné pour sanctionner les infractions que le système des amendes disproportionnées.

3. Le capharnaüm des lois

Un bref tour sur le site web de la Cour suprême de Maurice pour rechercher des lois ayant trait au Road Traffic donne lieu à mille documents trouvés, dont certains datant de 1954 et d’autres incompréhensibles avec des références croisées dans tous les sens.

Comment s’y retrouver et comment comprendre quelles sont les règles réellement en vigueur dans ce capharnaüm ? Mettez-vous maintenant à la place du pauvre policier avec son HSC, comment voulez-vous qu’il mémorise tout cela pour faire correctement son travail ? Quand donc les responsables et les gouvernants se décideront-ils à sortir de leur léthargie pour rationaliser, regrouper et moderniser tout ce  »bordel »?

4. L’exemple, l’exemple, toujours l’exemple

On nous a souvent rabâché ces derniers mois qu’être courtois au volant est nécessaire. La courtoisie (ne pas confondre avec les comportements à risque) est effectivement un comportement nécessaire pour faire diminuer la tension permanente sur les routes et j’y souscris entièrement.

Comment cependant expliquer le défilé de nos princes avec motos pétaradantes sur les routes en faisant abstraction des règles les plus élémentaires de la courtoisie ? Quel exemple donnent-ils aux jeunes qui, on le sait, ont une tendance naturelle à émuler les manières des puissants ?

On vous dira que c’est pour des raisons de sécurité. Mais on ne vit pas dans un état terroriste ou en guerre et personne ne se balade avec un lance-torpilles à ce que je sache. De plus, on paye déjà assez cher des berlines blindées pour protéger nos princes.

5. L’ânerie du circuit automobile

Comment organiser de manière institutionnalisée la tuerie de ses propres concitoyens ? Mais c’est une véritable bêtise (je pèse le mot) de croire qu’un circuit de vitesse résoudra le problème des morts sur les routes. Avec quelles voitures les chauffards rouleront sur le circuit ? Qui les formera ? Qui paiera pour les assurances nécessaires ? Qui fournira le contrôle technique et mécanique nécessaire ? En quoi cela les transformera en de meilleurs chauffeurs ?

Il est un adage célèbre : « Quand on n’a rien à dire, on la ferme. » Si les responsables sont à court d’idées pour résoudre le problème qui nous concerne, ils feraient bien de s’en inspirer. Mieux encore, ils feraient bien de « lev pake ale » au lieu de venir grossir le problème.

6. Trait d’humour

Je m’en voudrais de terminer cet article sur une note sombre. Je me permets donc de soumettre la proposition suivante aux gouvernants du jour : il faut absolument créer de nouvelles décorations de la République pour honorer ceux qui travaillent « très dur » pour accomplir leur devoir, notamment sur le sujet de cet article.

Je propose donc de créer l’ordre des « gratteurs de son d… » et au vu de ce qui est décrit dans ce texte, le ministre responsable de la Sécurité routière et ses acolytes devront être faits directement grands officiers, que dis-je, grands commandeurs de ce nouvel ordre !

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