LITTÉRATURE : Ashvin Dwarka remporte le Prix Jean Fanchette 2013

Le jury du Prix Jean Fanchette 2013 a, à l’unanimité, porté son choix sur le roman d’Ashvin Dwarka, intitulé Le neuvième passage (Sic Moriuntur Ismailiae) à l’issue des délibérations qui se sont tenues dimanche. L’annonce en a été faite hier soir à la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill, les membres du jury ayant également reconnu les qualités de quatre autres oeuvres de fiction de Judex Viramalay, Ariana Cziffra, Sabir Kadel et Bertrand d’Espaignet. D’un manière générale, le jury a souligné l’exceptionnelle qualité des textes qui ont été soumis cette fois-ci, trente-deux au total dont vingt-quatre manuscrits inédits.
« Ce long roman (590 pages !) se lit d’une traite, porté par une écriture impeccable, une composition sans faille qui exercent sur le lecteur une action quasi hypnotique. » C’est en ces termes élogieux que Jean-Marie Gustave Le Clézio, président du jury du prix Jean Fanchette, qualifie le texte d’Ashvin Dwarka dans le rapport qu’il a lu peu après 19 heures, hier, à la salle du conseil de la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill. Le neuvième passage (Sic Moriuntur Ismailiae) se classe toujours selon le jury parmi les romans policiers de haute facture : « Le roman de M. Dwarka, que l’on pourrait qualifier de thriller philosophique, au long d’une enquête policière cherchant à résoudre l’énigme d’une série de meurtres sadiques, nous entraîne, parfois jusqu’au malaise, dans une interrogation sur la culture universelle et la menace que fait peser sur nous l’intransigeance du racisme et de la xénophobie. »
Le jury, qui n’a pas attribué de prix à deux reprises dans le passé, s’est cette fois-ci tout au contraire félicité de l’exceptionnelle qualité des textes soumis, qui « témoignent de la vivacité et de la versatilité de l’écriture à Maurice et à Rodrigues, et du goût pour la littérature dans ce qu’elle a de plus authentique et de plus prometteur. » Aussi les jurés ont-ils tenu à reconnaître les indéniables qualités de quatre autres textes, à savoir : Mise au poing de Judex Viramalay, un recueil de poèmes empreint de nostalgie et de révolte ; Pas toi d’Ariana Cziffra, un roman psychanalytique où dans un jeu de miroir chaque être se définit par rapport à l’autre ; Rommel reloaded de Sabir Kadel, un roman au style impétueux écrit tel un journal de guerre ; et La République des bâtards de Bertrand d’Espaignet, roman historique écrit dans un grand soucis d’exactitude servi par un talent de conteur. Ce dernier texte est d’ores et déjà disponible en librairie, contrairement aux autres.
« Une plume qui caresse… »
Ashvin Dwarka, surpris et ému, a pris la parole pour dédier ce prix à ses parents, son épouse et ses deux enfants, mais pas seulement : « Je souhaite le dédier également à mon pays sur lequel beaucoup de choses négatives sont dites, mais qui m’a quand même donné la chance, moi qui ne suis rien en littérature, de recevoir ce prix des mains d’un Nobel de littérature ! » Dès qu’il a commencé la lecture du Neuvième passage, le coordinateur et juré Issa Asgarally a pensé au plus célèbre roman d’Umberto Eco, Le nom de la Rose. Pourtant, l’auteur nous confiait ce matin n’avoir découvert cet auteur qu’après avoir écrit ce premier roman.
Spécialiste de littérature francophone de l’université de Caroline du Nord, Martha van der Drift était le juré invité de cette dixième édition. Elle nous a confié avoir été particulièrement marquée au cours de ses lectures pour ce prix, par la présence de la multiplicité des cultures, ainsi que par la diversité des styles avec parfois des penchants plus poétiques et spirituels, ou d’autres fois un humour à la Ionesco… Elle souligne l’écriture raffinée du lauréat : « C’est un livre à lire ! dit-elle avec une détermination qu’adoucit son léger accent américain, la plume d’Ashvin Dwarka a la douceur du velours, c’est une plume qui caresse mais sur des sujets très contrastés qui montrent quant à eux la laideur des humains qui torturent leurs semblables. Ce texte est tissé des philosophies universelles de toutes les cultures. » Les lecteurs devront cependant patienter, ce texte ayant été soumis sous forme de manuscrit. La moitié du prix (de Rs 100 000 au total) sera consacrée aux frais d’édition.
Sur les pas de Bruce Dorian
Nommé notaire en 2009 et installé à Port-Louis, Ashvin Dwarka a exercé dans le métier depuis 2001 notamment pendant cinq ans dans un cabinet anglais à Paris. Il a d’ailleurs écrit Le neuvième passage à cette période, vers 2004/2005. Sa fascination pour la Moyen âge européen dont il combat les idées reçues ainsi que la référence à un personnage historique par un criminel très connu se sont noués pour élaborer l’intrigue qui se déroule de nos jours dans la capitale française. Le personnage principal, Bruce Dorian, est un jeune lieutenant écossais parachuté à Paris en tant que détaché auprès de la brigade criminelle. Sa première enquête concernera un meurtre perpétré de manière tout à fait abominable, dans la banlieue chic de Neuilly-sur-Seine. Cherchant à comprendre les raisons de ce meurtre et surtout des méthodes employées, le jeune enquêteur sera amené à découvrir certains faits historiques, propres à déclencher une réflexion philosophique…
Déjà le titre à caractère symbolique laisse entendre un contenu initiatique mais l’auteur nous prévient que sa signification n’est pas celle que l’on attend… S’il fait référence à ses auteurs préférés au début de chaque chapitre, Ashvin Dwarka nous précise qu’il a été influencé dans sa prime jeunesse par le créateur de Conan le Barbare Robert Erwin Howard, passant ensuite à des maîtres du genre tels que Stephen King ou encore José Philip Farmer. En attendant que ce nouvel écrivain trouve un éditeur, nous pourrions relire L’île Équinoxe, le recueil de poésie de Jean Fanchette réédité en 2009 chez Philippe Rey, comme l’a fait à voix haute Martha van der Drift, précédée par Jean-Marie Le Clézio qui a rappelé un extrait de la préface qu’il en avait signée.

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