Logements sociaux : Pas toujours la réponse à la précarité

Ce serait peu réaliste que de croire que seul le processus du relogement social des familles vivant dans la précarité économique va les extirper de la pauvreté. À Maurice, des milliers de familles à faible revenu font face à l’épineuse question du logement. Cette problématique n’affecte pas uniquement les foyers pauvres. Elle touche également la classe moyenne. Toutefois, la crise du logement est un facteur qui contribue grandement à amplifier la marginalisation sociale des plus vulnérables. La solution nationale — c’est-à-dire la construction et la livraison de maisons sociales en béton — en réponse à la précarité des foyers les plus concernés, y compris les squatters, ne suffit pas à elle seule. Les toits les plus fragiles sont plus propices aux maux sociaux les plus divers.

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À l’instar des grossesses précoces, un sujet préoccupant et qui prend de l’ampleur. Sur le terrain, la situation est alarmante, et il est clair que celle-ci découle de l’absence d’informations sur la santé reproductive et d’éducation sexuelle, à la portée de la population concernée. Un an après l’installation de 96 familles dans les longères temporaires de Baie-du-Tombeau, la population y a quelque peu augmenté. Il y a eu des naissances et les mères sont souvent que de très jeunes filles. Dans plus ou moins un an, ces familles devront quitter les habitations temporaires en tôles pour des maisons — de National Housing Development Company Ltd — plus confortables où elles seront en sécurité pendant les intempéries.

Théoriquement, leur problème de logement sera résolu. Mais l’on sait pertinemment que sans un incontournable accompagnement social qui doit se faire en parallèle au relogement des bénéficiaires, le cadre de vie des familles ne connaîtra pas d’amélioration. Et au final, comme nous l’avions maintes fois écrit, la précarité ne fera que changer de décor, passant de la tôle au béton. Lorsqu’il s’agit de relogement social, notre regard restera braqué — pour encore certainement longtemps — sur les longères temporaires de Baie-du-Tombeau. Pour cause, le cas est riche en enseignements.

Une affaire  de génération

Les derniers arrivés aux longères temporaires, notamment les bébés nés récemment, sont la quatrième génération à vivre entre les murs de la précarité. Leurs jeunes mères ont vu le jour et grandi dans les anciennes longères de la localité. Leurs grands-mères, à peine la cinquantaine, et leurs arrières-grands-mères qui s’y étaient installées après le passage du cyclone Hollanda en 1994, n’ont jamais connu le confort et la sécurité d’une maison solide.

Le relogement temporaire des familles dans les nouvelles unités, dotées de sanitaires individuels, était au départ soutenu par un comité d’intégration composé de volontaires. L’organisation non-gouvernementale Caritas avait aussi mis son expertise à contribution. Les familles avaient bénéficié d’un encadrement pour les préparer à mieux vivre en communauté, dans le respect du voisinage, car les maisons sont annexées les unes aux autres. Elles ont reçu des conseils pour gérer leur budget en prévision du loyer et des factures qu’elles auront à payer une fois relogées à Résidence Nouvelle Ville.

Cependant, ce comité d’accompagnement a connu un relâchement. Une habitante des longères temporaires se désole. « Peu à peu, les bénévoles ont espacé leurs interventions, par manque de motivation et de soutien. Résultat : les mauvaises habitudes ont vite repris. » Les bruits, la consommation d’alcool à l’entrée des habitations, l’insalubrité par endroit, les jeux «En 2018, on nous avait demandé de commencer à économiser afin de faire un premier versement pour l’obtention de notre maison à Résidence Nouvelle Ville. Mais certains ont déjà annoncé qu’ils n’ont pas de moyens et qu’ils ne quitteront pas les longères », raconte cette habitante. Et de se demander de ce qu’il adviendra « des familles dont les chefs sont au chômage. »

Actions conjuguées  v/s approche “piecemeal”

Pour obtenir les clés d’une des maisons de Nouvelle Ville, un versement, calculé en fonction du revenu du bénéficiaire et du prix de vente du logement, sera nécessaire. Quant aux familles qui ont pu économiser quelques milliers de roupies et qui emménageront dans les maisons sociales de la NHDC, elles prendront un nouveau départ, certes. Mais comment coexister dans de meilleures conditions de vie ? Comment vivre à plusieurs dans une maison de 50 mètres carrés ? Comment respecter un contrat social quand sa vie n’a jamais été régulée par des paramètres ? Un toit en béton n’est pas pour autant un rempart contre les risques de la promiscuité, les grossesses précoces, la toxicomanie, la violence, le chômage

Si toutes les familles des longères sont relogées sans suivi social, entraînant les conséquences que cela implique, les autorités ne pourront se targuer d’avoir atteint leur but. C’est-à-dire combattre la précarité à travers le logement. D’autre part, avec l’intégration sociale qui se retrouve désormais sous le même toit que les services de la sécurité sociale, aucun ministère ne pourra se renvoyer la balle quand il s’agira de savoir qui a la prérogative d’une intervention. Le cas de Baie-du-Tombeau donne une belle occasion aux ministères des Terres et du Logement et de l’Intégration sociale, de la Sécurité sociale et de la Solidarité nationale de se pencher sur une collaboration synergique. Et ce, avec la National Empowerment Foundation et une ONG spécialisée en accompagnement social, laquelle serait l’intermédiaire entre les autorités et les familles. Des actions conjuguées s’avèrent plus efficaces que des solutions et approches piecemeal.

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