Madagascar : Lettre ouverte aux prétendants du second tour de la présidentielle

JEAN L’HOMME

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(avocat)

Messieurs,

D’origine mauricienne, demeurant à Paris depuis trente ans, j’ai conservé de Madagascar le souvenir de « la Grande Île » voisine, dont nous achetions notamment le riz ; et des Malgaches, que j’ai côtoyés comme étudiant à la Réunion (après que l’Université de Tananarive eut perdu son attrait auprès des étudiants de l’océan Indien…), celui de camarades paisibles et bienveillants. C’est avec respect et amitié que je me permets cette adresse.

Je suis allé récemment, pour la première fois, à Madagascar, dans le cadre d’une conférence à laquelle je participais (sur le développement), et l’image que j’en retiens est principalement celle de cette femme maigre portant son enfant maigre … à qui j’ai donné quelques billets par la vitre du taxi, provoquant un attroupement (de misère …) au milieu des (éternels) embouteillages de « Tana ».

À l’heure où j’écris, avant le second tour des élections, nous ne savons pas encore lequel d’entre vous deux sera le prochain Président de Madagascar. Je vous félicite pour votre succès au premier tour, et je félicite aussi le Président sortant Hery Rajaonarimampianina (que j’ai rencontré) pour son respect des institutions démocratiques malgaches. Je forme le vœu d’une passation digne et apaisée du pouvoir – pas si fréquente dans la région !

Mais ce que je veux surtout vous dire Messieurs, en coupant au plus court (et sans trop mettre les formes – superflues entre amis), est ceci:

Je suis persuadé que vous pensez aussi que l’urgence absolue est de s’attaquer à l’extrême pauvreté – en se rappelant tous les jours qu’à Madagascar sévit la malnutrition – notamment infantile !

Votre pays est riche, on le sait … mais on y constate un « invraisemblable désastre économique » (selon le titre d’un récent article du Monde).

La tâche est immense … dans tous les domaines; mais le temps présent de la globalisation souffle aussi des vents favorables: grand appétit des investisseurs et des entreprises, notamment occidentales, en quête de relais de croissance; mobilisation des États pour le développement (en ces temps de migrations …); innovations et avancées technologiques accélérées …

Ne peut-on dans ces circonstances, à bien des égards exceptionnelles, rêver … que les élites malgaches, à commencer par les élus mais aussi les milieux d’affaires (et les « possédants » – par compassion pour leurs concitoyens ou par intérêt bien compris, ou les deux), que ces élites, au pouvoir et dans l’opposition, avant tout conscientes de leur grave responsabilité, puissent collaborer pour faire progresser efficacement la résolution des problèmes essentiels de Madagascar et des Malgaches : l’économie, les infrastructures, l’énergie, l’environnement et (surtout) les urgences sociales …

Il y a aussi une question, qui semble mais qui n’est pas moins urgente: celle de l’organisation politique et institutionnelle de Madagascar, dont la constitution (pour l’essentiel) imitée de la Vème République Française, et l’orientation jacobine, constituent des freins coûteux au développement – notamment celui des Régions, où les projets « de proximité » sont en pratique, suivant mon expérience des « partenariats public-privé » en France et en Afrique, les plus utiles, les moins chers et les mieux (et plus vite !) réalisés.

Si le débat citoyen, notamment sur la question institutionnelle, doit être engagé (sans arrière-pensées « politiciennes »), la pratique de la démocratie à Madagascar ne doit surtout pas, comme on le voit ailleurs, bloquer les décisions: les Malgaches (et leurs amis) comptent, Messieurs, sur votre volonté inflexible, radicale et incorruptible de prendre à bras-le-corps, sans préjugés, toutes ces questions urgentes, et de poser (avec une perspective à moyen terme) les bases d’un développement … durable sans doute (c’est l’air du temps) mais surtout, pour Madagascar, tant attendu !

Vous avez tous deux fait l’expérience du pouvoir ; et si vous avez souhaité revenir sur le devant de la scène politique c’est (nous croyons parce que nous voulons croire) « pour servir et non pour être servis ».

Courage Messieurs – et bonne chance !

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