MARCHE DES JEUNES SAMEDI DERNIER: Pour un regard à long terme et une vraie mobilisation à la base

D’emblée, je tiens à féliciter les jeunes qui débattent intelligemment des questions sociales, économiques et politiques – citoyens et « Net-oyens » confondus –, et l’ensemble de cette jeunesse sans arrière-pensées qui a défilé dans les rues de Port-Louis samedi dernier. Ce qui démontre encore une fois que la République de Maurice est une belle démocratie où les gens peuvent s’exprimer librement, sans crainte de représailles et/ou de censure.
De même, pour préserver une certaine neutralité et freiner tout excès d’enthousiasme biaisé comme démontré malheureusement par certains médias, accordons-nous à dire que la mobilisation des internautes, qui aura réuni, selon mes observations de la capitale, environ 1500 personnes – jeunes et beaucoup de « moins jeunes » habitués aux ‘marches pacifiques’ – est un pas positif pour une société civile plus constamment active et revendicative. 
Il était impossible d’avoir 15 000 jeunes en si peu de temps et pour des objectifs demeurant à être clarifiés davantage, mais l’important était de faire quelque chose de symbolique et de dire des choses, d’exprimer une lassitude et un désir de redynamisation de la société et du « système ». A partir de là, il est essentiel que le mouvement – qui se structure déjà avec une direction collégiale et des responsabilités partagées – se dote non seulement de moyens logistiques et financiers pour concrétiser ses objectifs, mais aussi d’un programme cohérent allié à beaucoup de patience et de perspicacité pour rallier la masse…
L’erreur serait de permettre une sorte de canonisation et de culte de la personnalité de certains – avec l’aide de quelques « amis » de la presse – au détriment de la grande majorité des jeunes qui font réellement preuve d’une sincérité dans leur démarche, sans penser aux risques de manipulation et de récupération. Qu’on le veuille ou non, la nature humaine veut que ceux et celles qui ont le plus d’ambitions et qui veulent saisir les opportunités procurées par cette soudaine mise en lumière, vont vouloir accaparer des réussites présentes et futures tout en reniflant des chances de “ticket” par-ci par-là… Il n’y a aucun mal à cela, bien au contraire. Mais il est important de ne pas venir se servir outrageusement de certaines plateformes pour des gains personnels à venir…
De simples slogans
Notre société civile a pendant longtemps été assez amorphe, quitte à voir toujours les mêmes personnes, syndicalistes et ONG dans l’actualité ou dans des « prises de position » dans les débats proposés par la presse ‘mainstream’. Mais dans le concret, peu de choses bougent et changent pour le meilleur. S’il y a des revendications sociopolitiques qui peuvent aider à faire débloquer le statu quo et améliorer le « système », il faut aller de l’avant avec du tangible, et non se contenter de simples slogans qu’on peut rédiger à 14 ans, et des ‘événements’ glamour avec beaucoup de formes et de flashes mais sans réel(s) fond(s)…
Par exemple, je suis d’avis qu’on ne peut occulter le fait qu’une réforme électorale, déclinée en plusieurs aspects, doit avoir lieu avant la prochaine décennie. En 2011, notre population a sensiblement augmenté en 30 ans. Mais nous avons toujours le même nombre de représentants au Parlement, sans compter les indécrottables « Best losers ». Un redécoupage électoral adéquat et une réforme du système devront également s’accompagner de changements constitutionnels. Il y a actuellement un fossé générationnel qu’il faut combler. Il faut aussi laisser la place aux autres, permettre aux jeunes de briller, de contribuer au devenir du pays, et non pas se contenter des mêmes patronymes qui ont animé la vie politique, sociale et économique de Maurice depuis notre accession à l’Indépendance.
Il faut faire pression constamment pour ce genre de changements, et il faut aussi voir de quelle(s) manière(s) des modifications de notre sainte Constitution pourront limiter le nombre de mandats des élus, voire pour imposer des limites sur le nombre de mandats premier ministériels et/ou présidentiels… Car il est désolant de voir que des jeunes et moins jeunes n’ont pas leurs chances d’apporter leur pierre à l’édifice car certains sont des élus ad vitam aeternam, tandis que d’autres veulent perpétuer leurs dynasties respectives, le pouvoir des « élites » et celui de l’argent… 
Tout changement radical appelle à une réforme constitutionnelle, électorale, politique et administrative… Il faut du sang neuf, de nouvelles idées, de nouvelles têtes… Pas juste en politique, mais dans tous les secteurs, incluant le syndicalisme et les ONG, où certains règnent sans partage depuis des lustres… Changer aussi la mentalité des décideurs et des exécuteurs de nos institutions, promouvoir plus de transparence, de justice, d’équité… 
Par exemple, le citoyen ordinaire ne se crée pas des ennuis, mais s’il arrive qu’il soit soupçonné d’avoir transgressé ne serait-ce qu’un millième de ces centaines de lois votées à la va-vite, on pourrait l’arrêter manu militari à 5 heures du matin sans avoir sa version des faits… Loin d’eux l’idée de tenir des propos séditieux ou subversifs, pour beaucoup, « y en marre »… Pour cela, il importe aussi de rechercher la volonté politique et le consensus, et savoir faire preuve de fermeté lorsque la situation l’exige.
Gageons que les partis politiques principaux sauront prendre bonne note des mouvements d’humeur de la jeunesse de ce pays…Les Mauriciens sont des gens pacifiques. Ils préfèrent le changement consensuel au bain de sang et à l’anarchie. Mais la Révolution ne veut pas dire seulement « bruit », « cris », « tam-tam », « cailloux », marches de protestation symboliques ou improvisées, bastonnades et fusils… Elle commence surtout dans nos têtes, dans nos dires, dans nos actions et réactions. Il y a également un travail de longue haleine à effectuer en amont avec la base, au niveau « grassroots », loin des salons feutrés et sans Smartphones…
Maurice n’a pas besoin de Facebook et des forces externes pour sa Révolution. Celle-ci a déjà commencé et prendra le temps qu’il faut. Dans la vie – mise à part la mort –, il n’y a qu’une certitude : celle du changement.

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