Mare-la-Chaux : le plus vieux site fossilifère de l’île

  • Découverte d’un marais vieux de 12 000 ans,  soit plus vieux que celui à Mare-aux-Songes

Une découverte de taille. Depuis une semaine, le petit village de Mare-la-Chaux est projeté au-devant de la scène locale et internationale. Un des plus vieux sites fossilifères de l’ouest de l’océan Indien datant de 12 000 ans après ceux de Madagascar et d’Aldabra y a été découvert. Une équipe de paléontologues et palynologues locaux et étrangers, dirigée par Julian Hume, Head au Natural History Museum de Londres et coauteur de l’ouvrage “Lost Land of the Dodo”, est partie sur les traces des premiers habitants de l’île.

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Plus de 600 ossements ainsi que plusieurs graines et plantes très bien conservées ont été découverts sur ce site, qui fut il y a 12 000 ans, un marais où venaient s’abreuver plusieurs espèces d’animaux éteints, dont les tortues et lézards géants, de même que le dodo et le Mauritian Owl.

En effet, les premiers tests au carbone 14 ont permis d’affirmer que Mare-la-Chaux est le plus ancien site fossilifère du pays, plus vieux que celui de Mare-aux-Songes datant, lui, de 4 200 ans. Une extraordinaire découverte qui permettra aux chercheurs de reconstruire cette partie de l’île qui s’est au fil du temps asséchée. Week-End est allé découvrir ce site, mercredi, aux côtés des chercheurs locaux et étrangers. Et si les fouilles paléontologiques ont été depuis comblées le temps pour les chercheurs d’analyser leurs trouvailles, ces derniers comptent bien y retourner plus tard pour d’autres fouilles et découvertes.

Les fouilles commencent après
plusieurs années d’attente

A l’entrée du village de Mare-la-Chaux, des individus s’activent à fouiller la terre, à déterrer de petits ossements, des morceaux de carapaces et autres, pendant que quelques travailleurs de la propriété sucrière Constance la Gaieté, propriétaire de ces terres, les observent, perplexes.

« Nous avons suivi la piste de monsieur Desjardins, propriétaire de ces terres à l’époque, et qui écrivait en 1832 dans le rapport annuel de la Société d’histoire naturelle de l’île Maurice, qu’il existait un marais où l’on n’avait qu’à plonger la main dans l’eau pour y trouver des os d’animaux éteints », explique Owen Griffiths, scientifique de Maurice, et surtout très connu dans le milieu de l’histoire naturelle du pays.

Avec l’aide du National Heritage Fund, une équipe de chercheurs locaux et internationaux décide d’entreprendre les premières fouilles sur le site en 2015. « Quelques chercheurs avaient retrouvé de petits ossements qui étaient remontés à la surface de ce petit marais qui s’est maintenant asséché. Ils ont ensuite décidé de faire la demande pour des fouilles approfondies et après avoir eu toutes les autorisations nécessaires auprès de la NHF et du propriétaire, les premières fouilles ont pu être effectuées », explique la Manager de la Technical Section de la NHF, Jayshree Mungur-Medhi.

Demande faite et équipe réunie, Julia Heinen du Centre for Macroecology evolution and climate in Denmark, Delphine Angst, paléontologue française, Erik De Boer, paléoécologiste du Spanish International Research Council de Barcelone, ainsi que plusieurs autres spécialistes dans le domaine finissent par obtenir carte blanche pour les premiers exercices de fouilles, il y a environ deux semaines.

Ainsi, sur près d’un demi-arpent de champ de cannes, les chercheurs ont commencé à prélever les premiers échantillons d’ossements et de graines qui seront analysés à Maurice, mais aussi dans plusieurs autres universités et centres de recherches internationaux. Pour Clément Rey, de Constance Lagaité, c’est « extrêmement intéressant d’apprendre qu’il y avait sur ces terres une forêt où habitaient toutes ces espèces d’animaux ». Il se dit ravi de cette découverte et affirme que Constance Lagaité est disposé à collaborer pour d’autres travaux de recherches.

« The limestone has made specific
conditions for the good preservation »

En effet, le site regorge d’éléments clés pour reconstruire la faune et la flore de l’île. Une vraie mine d’informations. « Il y a surtout ici des os de tortues géantes, dont différents morceaux de bassin, de jambes, de bras et de carapaces. On identifiera les autres ossements retrouvés plus tard, car ils sont encore pour le moment recouverts de boue », nous explique Delphine Angst, paléontologue française,  assise au fond d’une partie du marais.

En effet, parmi les découvertes, les scientifiques citent le scinque de Telfair, les deux espèces de tortues endémiques de Maurice et désormais éteintes, les Cylindraspis triserrata et le Cylindraspis inepta, de même que quelques ossements du fameux dodo. Par ailleurs, « le champ de cannes est généralement très sec, mais il y a 12000 ans, il y avait à ce même endroit une forêt humide où de nombreux animaux venaient s’abreuver. It is going to be really interesting to see how the climate changed this and how humans impacted ton his. Limestone has made specific conditions for the good preservation of the bones here », soutient pour sa part Julia Heinen.

Des ossements d’animaux éteints, des graines de plantes et des pollens bien conservés. Erik de Boer s’empresse de nous montrer sa trouvaille, soit une carotte qu’il a faite à près de 2 mètres dans le sol boueux, contenant des fossiles.

« C’est comme une petite Time Machine où l’on peut remonter le temps pour comprendre ce qu’il s’est passé il y a 12 000 ans. Mon rôle est d’étudier le développement de ces marécages, de comprendre la dynamique de ces forêts, car nous avons très peu d’informations sur cette partie de l’île. C’est pour cela que cette découverte est très importante, car elle nous permettra désormais de répondre à plusieurs questions sur l’impact du changement climatique sur la faune et la flore à cette époque », explique le chercheur qui a travaillé sur les sites à Mare-aux-Songes et à Trou Kanaka.

Julian Hume, chef d’équipe et scientifique émérite, est lui aussi ravi de cette découverte. « Comme à Mare-aux-Songes, la présence d’un point d’eau a concentré à cet endroit de nombreux animaux, qui venaient s’y désaltérer. Aussi, ceux qui étaient malades ou vieillissants restaient à proximité des lieux et finissaient par y mourir, ce qui explique la densité des ossements », expliquait ce dernier. Une découverte, en tout cas, sans précédent qui permettra de remonter dans le temps et de raconter l’histoire de l’île. Affaire suivre…


Mare-aux-Songes, berceau du premier dodo découvert

Le berceau du premier dodo retrouvé se trouve dans le sud-est de l’île, à Mare-aux-Songes. En effet, comme le rapportait Le Mauricien durant la semaine, depuis 2005 des fouilles y sont effectuées pour tenter d’extraire et d’analyser les ossements vieux de 4 200 ans. Lors de la campagne d’extraction de 2010, près d’un demi-million d’ossements d’animaux ont été retrouvés à un mètre en sous la terre.

Cet assemblage de fossiles est dominé par les deux espèces deux toutes géantes susmentionnées, par le dodo raphus cucullatus et 20 autres espèces de vertébrés. Au total, le site compte les ossements de 500 000 vertébrés morts à la même période autour de 4000 ans, durant la période géologique de l’Holocène.

L’hydrologie de la région suggère que les dodos, comme beaucoup d’autres espèces, ont probablement été attirés à Mare-aux-Songes par la présence d’eau douce pendant les périodes de sécheresse. Cette diminution massive d’espèces serait, d’après les scientifiques, le résultat d’une sécheresse extrême.

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