MARTIN LUTHER KING : He had a dream

Ce pasteur d’Atlanta rêvait de fraternité et d’égalité. Il est l’un des plus grands orateurs américains, et a mené le combat des Noirs contre les lois de ségrégation dans le sud des États-Unis. Mais le rêve évoqué en 1963 n’est pas réalisé. La condition des Afro-Américains s’est transformée, mais la société ouverte que King entrevoyait au bout du chemin n’est pas advenue. À l’affiche dès cette semaine à Maurice, le film Selma revient sur son parcours.
 
Ce discours procure des frissons et n’a pas perdu en intensité ni en émotion. Le 28 août 1963, devant le Lincoln Memorial, à Washington, Martin Luther King s’adresse à une impressionnante foule en prononçant à plusieurs reprises I have a dream. Son allocution électrise des centaines de milliers d’anonymes venus de tous les États-Unis. D’une voix vibrante, le pasteur dénonce la ségrégation, les autres formes de racisme qui touchent les Noirs américains et lance un message de paix : “Je fais le rêve qu’un jour, sur les collines de terre rouge de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.”
Cette allocution qui a contribué à lutter pour les droits civiques est, à l’époque, un événement médiatique : c’était la première fois que le discours d’un leader noir avait été retransmis en direct sur les principales chaînes américaines. Lors de cette retransmission, on pouvait voir des hommes et des femmes écoutant religieusement Martin Luther King ; des Noirs et des Blancs, main dans la main, dénonçant la ségrégation raciale ; des affrontements entre policiers et manifestants ; des images de lieux réservés aux White et d’autres uniquement aux Colored.
Les États-Unis ont aussi leur Gandhi en la personne de Martin Luther King, qui a conduit les Noirs américains dans une suite de manifestations et de marches pacifiques visant à mettre fin à la ségrégation dans les écoles et les lieux publics du sud des États-Unis, et à assurer qu’ils puissent exercer le droit de vote garanti par la Constitution. Un des temps forts reste la marche légendaire partie de Selma pour arriver au capitole de l’Alabama, à Montgomery, en vue de réclamer le droit de vote pour les Afro-Américains habitant les états du Sud.
La police avait repoussé les Noirs qui voulaient se faire inscrire sur les listes électorales à Selma. Nombre d’entre eux avaient été arrêtés et emprisonnés pour avoir tenté d’exercer un droit constitutionnel. Luther King entreprit de faire connaître cette injustice en organisant à travers l’Alabama une marche de 80 kilomètres faisant écho à la Marche du sel de Gandhi au Gujarat. Beaucoup tournaient en dérision cette méthode pacifique visant à obtenir que les vingt millions de Noirs américains puissent jouir du droit civique. Mais Martin Luther King en avait trop vu en matière de violences : attentats à la bombe contre des centaines de maisons de Noirs perpétrés par le Ku Klux Klan, brutalités exercées par la police du Sud, dynamitage de l’église noire de Montgomery…
Il y eut trois marches de Selma à Montgomery. La première, le 7 mars 1965, ne parvint jamais jusqu’aux marches du capitole de la ville. Un escadron de policiers munis de masques à gaz et brandissant matraques les attendait. Des bombes lacrymogènes explosèrent devant eux et la police chargea. Cette journée reçut le nom de Bloody Sunday. Deux jours après, Martin Luther King reconduisait ses troupes. Confrontés au barrage de la police, les marcheurs s’agenouillèrent pour prier. Le 21 mars enfin, 3 200 personnes partirent de Selma pour entamer le troisième acte de cette dramaturgie. Le temps que le cortège arrive à Montgomery, il avait rassemblé 25 000 personnes. Le président Lyndon Johnson mobilisa la garde nationale de l’Alabama et donna l’ordre de protéger les manifestants contre les violences de la police. Des soldats armés patrouillaient la route reliant Selma à Montgomery…
Quatre mois après, le Congrès et Lyndon Johnson validaient le Voting Rights Act, qui précisa que des inspecteurs fédéraux seraient envoyés dans les États du Sud pour inscrire les électeurs afro-américains au cas où les autorités de ces États continueraient à opérer une discrimination. Les centaines de milliers puis les millions de Noirs qui allaient s’inscrire sur les listes pour pouvoir voter changèrent la face de l’Amérique. Le racisme et la discrimination ne disparurent pas mais les politiciens du Sud n’eurent d’autre choix que d’accéder aux revendications de justice des citoyens noirs qui pouvaient enfin exercer leur droit de vote.
Martin Luther King devient le plus jeune lauréat du Prix Nobel de la paix en 1964 pour sa lutte non-violente contre la ségrégation raciale et pour la paix. Il commence alors une campagne contre la guerre du Viêt Nam et la pauvreté. Il se déplacera à Memphis pour soutenir les éboueurs noirs locaux, en grève depuis le 12 mars 1968 afin d’obtenir un meilleur salaire et un meilleur traitement. Les Afro-Américains étaient payés 1,70 dollar de l’heure et n’étaient pas payés quand ils ne pouvaient pas travailler pour raison climatique, contrairement aux travailleurs blancs…
Martin Luther King fait par la suite un discours prophétique, I’ve Been to the Mountain top, devant une foule euphorique : “Ce n’est pas vraiment important ce qui arrive maintenant. Certains ont commencé à parler des menaces qui se profilaient. Qu’est-ce qui pourrait m’arriver de la part d’un de nos frères blancs malades ? Comme tout le monde, j’aimerais vivre une longue vie. La longévité est importante mais je ne suis pas concerné par ça maintenant. Je veux juste accomplir la volonté de Dieu. Et Il m’a autorisé à grimper sur la montagne ! Et j’ai regardé autour de moi, et j’ai vu la terre promise. Je n’irai peut-être pas là-bas avec vous. Mais je veux que vous sachiez ce soir, que nous, comme peuple, atteindrons la terre promise. Et je suis si heureux ce soir. Je n’ai aucune crainte. Je n’ai peur d’aucun homme”.
Le 4 avril 1968, Martin Luther King est assassiné par un ségrégationniste sur le balcon du Lorraine Motel. Ses dernières paroles sont au musicien Ben Branch qui devait se produire, ce soir-là, lors d’une réunion publique à laquelle assistait Martin Luther King : “Ben, prévois de jouer Precious Lord, Take My Hand à la réunion de ce soir. Joue-le de la plus belle manière”. Cet assassinat est officiellement attribué à James Earl Ray, dont la culpabilité et la participation à un complot sont toujours débattues.
Jusqu’à la fin de sa vie, Martin Luther King est resté opposé à la radicalisation et à la violence. Il souligne que les émeutes ne règlent rien et considère ce moyen comme inefficace, et opposé à sa doctrine de non-violence.

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