Maurice est à l’abri des tremblements de terre, selon Prem Saddul

Le séisme ressenti à Maurice mardi soir vers 23h25 a été mesuré à une magnitude évaluée entre 4 et 5 sur l’échelle de Richter. De nombreux Mauriciens ont immédiatement partagé leur “drôle de sensation” avec leurs pairs sur les réseaux sociaux. L’épicentre a été situé entre l’île Maurice et La Réunion par les spécialistes réunionnais, plus rompus à ce type de phénomène qui a également été ressenti à l’île sœur. Alors que le service de météo local disait n’avoir rien enregistré de probant, l’observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise a confirmé le tremblement de terre de ce mardi soir, à 23h25, à La Réunion : “Le mardi 27 février 2018, 23:25, un séisme a été ressenti par des habitants de l’île de La Réunion, principalement dans les régions des Plaines et dans le secteur sud-sud-ouest, et dans une moindre mesure jusqu’à Saint-Denis. Ce séisme a été enregistré par les sismomètres de l’Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise avec une première arrivée des ondes sismiques sur la station TTR (secteur externe nord nord-est du massif du Piton de la Fournaise). Les premières analyses de ce séisme ont permis de le localiser, à mi-chemin entre l’île de La Réunion et l’île Maurice. Sa magnitude a été mesurée à 4. Ce type d’événements, ressenti par la population est enregistré plusieurs fois par an. Cet événement est pour l’instant isolé et est d’origine tectonique. A l’heure actuelle, ce séisme n’a pas été suivi de répliques.”
Pour mieux appréhender ce phénomène, Week-End, est allé à la rencontre du géomorphologue mauricien Prem Saddul qui, en plus de sa spécialité du façonnement des paysages de la Terre, a récemment écrit un rapport sur la géo structure submarine de l’océan Indien lorsque Rodrigues a subi des secousses telluriques en décembre 2009. “Les secousses de magnitude 4,0 sur l’échelle de Richter sont fréquentes dans le monde. En surviennent des milliers du genre par an. Et jusqu’ici, il n’y a pas d’idée claire sur l’origine des secousses intra-plaques. Maurice n’a pas à s’inquiéter. Elle est à l’abri des tremblements de terre”, déclare d’emblée Prem Saddul, qui commente les secousses ressenties le 27 février dernier, aux alentours de 23h25 sur la partie ouest et le Plateau central à Maurice.
Le géomorphologue fait ressortir qu’il faut tenir compte qu’à la station météo de Vacoas, il y a des météorologues dont l’expertise est d’étudier le ciel et non la terre. “Il n’y pas de vrais experts de ce qui se passe sous la terre”, dit-il, mais il ajoute néanmoins que le Mauritius Oceanography Institute a pour mission de veiller de près et d’analyser les données sismiques. Cependant, note-t-il, il n’existe qu’un seul sismomètre à Maurice et un autre à Mont-Lubin, Rodrigues. “Le problème est que ce sont des appareils isolés. Alors qu’à La Réunion, l’Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise (OVPF), qui compte parmi ses experts un sismologue, possède des dizaines de sismomètres. C’est pourquoi il serait important, à travers l’accord de la COI, que nous puissions bénéficier d’échanges de données et de savoir entre nos îles, car la météo peut lire, mais ne peut pas interpréter les données”, dit-il. Les échanges de données permettent de savoir où se situe l’épicentre. C’est ainsi que La Réunion a pu localiser l’épicentre des secousses ressenties le mardi 27 février à 79 km de Sainte-Rose.
Selon Prem Saddul, on parle de tremblement de terre lorsque l’on ressent des secousses de magnitude de plus de 6,5 sur l’échelle de Richter. “Et cela n’arrivera jamais à Maurice”, affirme-t-il, nons sans rappeler la secousse ressentie mardi dernier était de faible intensité, soit de magnitude 4,0, “une intensité qui ne fait pas de dégâts, même si certains Mauriciens, des internaute ssurtout, ont fait part de leurs témoignages, somme toute exagérés”.

Deux foyers de secousses telluriques

S’il est difficile d’expliquer ce qui s’est réellement passé mardi dernier, le géomorphologue indique que dans notre région, il existe deux foyers où l’on peut ressentir des secousses : “Le premier, sous le Piton de la Fournaise de La Réunion, où il y a un point chaud qui déclenche les activités volcaniques. Dans la région de La Fournaise, c’est normal de ressentir des secousses enclenchées par la montée magmatique sous le volcan. Cela n’a rien d’alarmant. Au contraire, ce sont des indicateurs importants que l’OVPF peut utiliser afin de prévoir quand il y aura une activité volcanique”, estime-t-il.
Le 2e foyer se trouve tout au long de la bordure de la triple jonction où les plaques tectoniques africaine, indo-australiennes et antarctiques se séparent les unes des autres. “Ce sont des plaques divergentes et Rodrigues se trouve à 300km à l’ouest de cette bordure que l’on surnomme le Mid Indian Ocean Ridge”, explique-t-il. Et de par son positionnement, Rodrigues peut ainsi ressentir 10 à 14 secousses par an allant de 3,5 à 5 sur l’échelle de Richter.

Pas de lien géophysique

Par contre Maurice, se trouve à un millier de kilomètres de cette bordure et se situe presque au milieu de la plaque somalienne qui bouge vers l’ouest à une vitesse de 4 à 4,5 cm par an. “Ce qu’on a ressenti le 27 est un phénomène rare et pas inquiétant. Il le serait si les secousses se répétaient dans les semaines qui suivent ou survenaient une fois chaque deux semaines, ou deux fois par mois. Dans ce cas, il faudrait faire une investigation géophysique du fond de mer entre Maurice et la Réunion”, dit Prem Saddul.
Pour expliquer les événements de mardi dernier, le géomorphologue avance néanmoins une hypothèse qui reste à être vérifiée : “Est-ce qu’à un certain moment, la plaque somalienne est restée immobile par friction avec le manteau terrestre et serait subitement repartie déclenchant un séisme de faible intensité ?”
Doit-on craindre à Maurice, une entrée en activité du Piton de la Fournaise? A cela, le géomorphologue rappelle que lorsque le Piton de la Fournaise entre en activité, le volcan crache de la vapeur et des gaz (oxyde de soufre). “Si à ce moment-là, il y a un vent de l’Ouest soufflant sur Maurice, cela peut transporter ce gaz sulfurique qui, mélangé à de la pluie, peut former des pluies acides qui peuvent affecter la côte ouest”, pense-t-il.
En second lieu, il souligne que le volcan du Piton de la Fournaise est un volcan de type hawaïen, c’est-à-dire fluide mais pas explosif. “Je suis d’accord avec le directeur de l’OVPF lorsqu’il avance qu’un effondrement de la paroi de ce volcan qui se trouve très proche de la mer est peu probable. Mais il se peut qu’avec une coulée conséquente de lave, qui se refroidie ensuite avec une plongée abrupte vers la mer, cela génère de fortes vagues qui pourraient affecter nos côtes déjà hypersensibles”, dit-il.
Prem Saddul réfute toute pensée qu’il existerait un tunnel entre la Réunion et Maurice. “Ce sont des histoires de grand-mère”, et Maurice, La Réunion et Rodrigues se trouvent sur leur piédestal séparés, isolés et il n’y a aucun lien géophysique entre ces trois îles, explique-t-il.
Selon le géomorphologue, contrairement à une activité volcanique qu’on peut prédire en fonction des signes avant-coureurs, on ne peut prévoir de tremblement de terre. Cependant, il y a une étude japonaise en cours pour prévoir l’éminence d’un tremblement de terre par l’observation de la réaction des insectes, très sensibles aux vibrations, et par la baisse de la pression atmosphérique.
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