MAURICE : une réponse adaptée au Covid-19 ?

KHAL TORABULLY

Le 19 avril, Maurice semble atteindre un plateau relativement stable (324 cas et 9 décès), comme annoncé par le Dr Zouberr Joomaye, porte-parole du gouvernement mauricien pour le Covid-19. Sans parler d’une décrue, la prudence restant de mise, je me suis penché sur un des facteurs qui auraient fait la différence dans la doctrine épidémiologique mauricienne, notamment, le traitement qui aurait été mis en oeuvre. Un cas qui pourrait inspirer d’autres pays en temps de pandémie ?

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Médicaments et prises de décision rapides

Un constat : tout comme pour les mises en quarantaine rapides des touristes infectés et la fermeture des frontières dès fin mars, Maurice a utilisé des remèdes à sa disposition sans attendre… Sans entrer dans l’arsenal des mesures préventives et du couvre-feu sanitaire appliqué par les autorités, deux médicaments sont à mettre en évidence dans le dispositif sanitaire : la chloroquine et l’azithromycine. Ils auraient été utilisés pour traiter les 208 patients mauriciens considérés comme guéris. J’ai laissé de côté la chloroquine ou l’hydroxychloroquine, des tests étant en cours en France, (tout comme pour le second médicament, les 2 étant testés séparément). Quittons le climat passionné impliquant le Dr Raoult, que le président Macron a visité la semaine dernière. Rappelons seulement que le savant marseillais utilise aussi une combinaison de ces 2 médicaments dans son traitement. Je me pencherai davantage, dans mon observation, sur l’azithromycine. Je pense que ce médicament utilisé ici devrait inspirer une réflexion à Maurice ET bien au-delà aussi. Faisons connaissance avec l’azithromycine. Pour citer le Dr Denis Gastaldi :  « L'azithromycine a l’avantage d’être un antibiotique, mais d’avoir aussi une action sur les virus et une activité anti-inflammatoire sur le parenchyme pulmonaire, le tissu fonctionnel des poumons »… L’azithromycine est un médicament anti-bactérien (…) souvent prescrit pour certaines infections des voies respiratoires (otite moyenne aiguë, angine bactérienne, surinfection des bronchites…). Il est également prescrit à certains patients qui souffrent de mucoviscidose car la maladie les rend particulièrement sensibles aux infections respiratoires ». Rappelons que le Dr Gastaldi, atteint du Covid-19, s’est auto-prescrit l’azithromycine. Dans l’urgence. Il a fait un choix entre la mort et l’incertitude clinique du médicament et un certain flou méthodologique… Il a opté pour la vie, déclarant : Je n’étais pas bien le vendredi et le lundi, je travaillais. C’est le retour que me font presque tous les patients à qui je l’applique : au bout de 3 jours, ils me disent qu’ils sont bien » (voir les sources en notes). Qu’est-ce qui pourrait, si on se fie aux chiffres officiels, expliquer l’efficacité, parmi les autres pratiques, la possible accalmie du coronavirus à Maurice ? Certainement, comme je l’ai signalé auparavant : les mesures relativement rapides de fermeture de frontières, de quarantaine et de confinement ET la rapidité d’action des services sanitaires. En pandémie chaque heure compte. La même rapidité décisionnelle a mis en place le traitement de la bithérapie, associant, comme je l’ai dit, un antiviral et un antibiotique, n’ayant pas d’autre traitement sous la main, et prenant le pari pragmatique de traiter avec ce qui est disponible et dans l’attente de toutes les données cliniques. Cela, me semble-t-il, aura fait la différence. Comme le dit le docteur Gastaldi lui- même : « Une des clefs, « est de démarrer ce traitement dès les premiers symptômes ». Cette action préventive, il me semble, expliquerait, pour une bonne partie, les résultats à Maurice. Espérons avoir plus de données à ce sujet. Ici, la doctrine aura été : traiter sans attendre, même quand on n’a pas assez de distance et d’analyses pour ces médicaments. Mais, il convient d’ajouter que ce choix ne vient pas ex nihilo. Je citerai le même Dr Gastaldi qui explique qu’il a prescrit cela à plus de 200 patients. En raison de la pandémie, il a pris la décision en interne. C’était, en l’absence d’autres recours, le seul moyen de faire face au coronavirus : « Statistiquement, il aurait dû avoir parmi ceux-ci au moins 2 décès et 40 hospitalisations. Or, explique-t-il, il a « eu seulement 2 cas graves nécessitant une hospitalisation et sortis depuis. » Cela fait écho au cas mauricien, contrariant le graphique prévisionnel de l’OMS, indiquant plus de mille infections dans les semaines passées… L’utilisation de l’azithromycine par le Dr Gastaldi concerne son hôpital. A Maurice, il concernerait tout un pays. Cette fois le médicament est mis en œuvre dans le cadre d’une réponse épidémiologique nationale face au Covid-19. A mon sens, cela pourrait un cas d’école prometteur au moment même où le corona sévit dans le monde, nous indiquant un choix entre la mort et lui, en l’absence d’un vaccin et d’un médicament TOTALEMENT testés.

D’autres témoignages

Pour conforter cette réflexion, je cite aussi le Dr Erbstein, qui a aussi fait ressortir que l’administration de l’azithromycine a eu un effet bénéfique sur sa patientèle :  »…plus d’hospitalisation, ni de décès » à déplorer. Il est à faire ressortir que ce médicament, à la différence de l’hydroxychloroquine , comporte moins d’effets secondaires ». Il affirme que le médicament a une action antivirale alors que ce n’est pas un antiviral. Avec deux autres médecins, utilisant ce médicament, ils s’inscrivent dans une démarche qu’ils qualifient de « très empirique ». Mon observation est que Maurice pourrait offrir un terrain élargi pour « une étude multicentrique et randomisée » de l’utilisation de l’azithromycine avec la chloroquine, mais une étude avancée grandeur nature. Ajoutons aussi que trois médecins, de façon encourageante, ont testé une association d’azithromycine (aussi utilisée par le Dr Raoult, je le rappelle, dans son traitement à Marseille) et de zinc sur des centaines de patients du Covid-19. Selon le Pr Jean-Marc Tréluyer, un des initiateurs de cette approche : « …l’équipe du Pr Pierre-Régis Burgel à Cochin a remarqué que le taux d’infection au Covid-19 était faible au sein d’une grande cohorte de patients atteints de mucoviscidose, alors que beaucoup sont sous azithromycine. Il s’agit d’un constat observationnel, mais cela nous a semblé intéressant ». Les résultats devraient être connus d’ici 70 jours. Si les textes sont concluants, cela pourrait aboutir à une prophylaxie pour tous. Rappelons que la prophylaxie désigne « le processus actif ou passif ayant pour but de prévenir l’apparition, la propagation ou l’aggravation d’une maladie, par opposition à la thérapie curative, qui vise à la guérir ».

Quid des éléments à risques ?

Quant aux éléments à risques de l’utilisation de ces deux médicaments, un fait est à considérer : le dosage est différent en préventif et en curatif. En effet, comme le précise le Dr Tréluyer : « En préventif, les doses nécessaires sont beaucoup plus faibles qu’en curatif. Par exemple, pour l’hydroxychloroquine, la dose est d’un comprimé de 200 mg par jour, alors qu’en curatif, il s’agit généralement de doses de 400 ou 600 mg ».

Ce dosage inférieur aurait pour effet de diminuer les contre-indications, par exemple, pour les personnes ayant des troubles cardiaques. Aussi, pour les diabétiques, Maurice étant le deuxième pays le plus affecté par ce mal dans le monde.
Au vu de ces considérations, je pense qu’un facteur aurait joué en faveur de Maurice : celui de la rapidité d’exécution des responsables de santé, permettant un traitement aux premières phases de l’infection coronavirienne, c-à-d, utilisant ces médicaments quasiment en préventif. Le Pr Raoult dit qu’en stade avancé, la bithérapie n’est pas aussi effective.
Ajoutons que 3 médecins préconisent l’application de ce « traitement précoce avant la survenue de complications respiratoires sévères ». Ils sont l’ancien directeur scientifique de l’Institut national du cancer, Fabien Calvo, l’ancien président de la Haute Autorité de santé, Jean-Luc Harousseau et l’ancien directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Dominique Maraninchi. Ils reconnaissent aussi que l’absence de randomisation des tests pourrait empêcher la généralisation de ce traitement où on parle de l’hydrochloroquine associé à un antibiotique rarement mentionné, l’azithromycine, et qui a fait l’objet d’une pétition ayant recueilli 240,000 signatures en France, dont le Dr Douste-Blazy. Le Pr Raoult, au vu de la nécessité de soigner en l’absence de remède, réclamait « une réflexion sur la morale du choix entre le soin et l’expérimentation ». Ici, ce qui est dans la balance, c’est de faire admettre que les « essais randomisés ne sont pas supérieurs aux essais observationnels ». On pourrait aussi insérer l’effet placebo dans la réflexion. Débat complexe en l’absence des protocoles cliniques avérés et révélés ci et là… Mais je pense que Maurice pourrait, dans son traitement précoce du virus avec cette bithérapie, apporter de l’eau au moulin des praticiens sur le terrain. Elle offrirait des données précieuses d’une approche empirique, pragmatique, qui donne des résultats.

Rappelons, cependant, pour respecter des précautions nécessaires, que le débat éthique contre pratique, au vu de certains résultats contradictoires, est loin d’être tranché. Même si le Pr Raoult, qui a effectué 50,000 tests, détecté 2,400 cas infectés (9 fois plus qu’à Maurice) fait observer que plus le virus est traité rapidement, moins il évolue. Voilà ce qu’il dit sur sa chaîne YouTube : « Nous avons maintenant du recul sur un millier de personnes qui ont reçu le traitement à base d’hydroxychloroquine, associée à un antibiotique, l’azithromycine. On continue d’avoir des données qui montrent que quand on soigne les gens au début de la maladie, on évite d’avoir une évolution défavorable. »
Ceci, combiné aux autres facteurs de prévention mis en œuvre, expliquerait-il les éléments encourageants à Maurice, la relative accalmie annoncée dimanche par le Dr Joomaye ?
En attendant confirmation de ce plateau, qui, je l’espère, serait descendant dans les jours à venir, et sans crier victoire trop tôt, une deuxième vague étant possible, le cas mauricien pourrait offrir une base clinique in situ pour la mise en pratique d’un protocole pour d’autres pays, permettant l’étude non plus in vitro des effets de ces deux médicaments précités, mais en situation réelle de pandémie.
Cela pourrait être adapté à l’échelle d’autres pays, suivant leurs propres contextes épidémiologiques.
Rappelons que le président Macron a salué les recherches sur la bithérapie que nous avons évoquée ici, en disant que le professeur Raoult “nous invite à être humbles…parce que lui-même dit que les choses peuvent varier selon les saisons et les géographies, et qu’un virus réagit à un écosystème”. Le programme Discovery à Lyon étudie l’hydrochloroquine en ce moment. Des résultats seraient connus dans les jours à venir. Donc, il ne s’agit pas, dans mes propos, de dire que nous avons découvert le remède miracle contre le Covid-19 et favoriser l’auto-médication. Mais que nous avons ici un réel champ d’investigation porteur.
Aussi, le cas mauricien, s’il est confirmé, j’en suis convaincu, pourrait bien inspirer des pays tels que la France, les USA ou le Brésil, pris dans l’œil du cyclone viral. Et qui semblent parfois hésiter entre la nécessaire précaution des scientifiques et le tsunami viral qui continue à tuer… Choix cornélien, auquel se greffe une guerre économique de l’industrie pharmaceutique mondiale.

L’île Maurice, pays du dodo, oiseau emblématique et endémique de l’île, deviendrait-elle un cas d’école mondial pour inspirer des peuples en temps de pandémie ? Le temps le dira, puisque l’espoir est permis sous les tropiques… Déjà, au pays du dronte, on parle d’un déconfinement progressif le 4 mai prochain…

Espérons que les autorités médicales du pays pourront nous éclairer davantage sur le protocole mis en place, afin que la population soit mise au courant de ces mesures qui la protègent. Et de communiquer sur sa doctrine en temps de pandémie. En ce moment, le graphique de l’OMS est contredit. Un bon signe. Un dicton affirme, dans l’état des connaissances actuelles, que « l’on ne change pas de cheval au milieu du gué »…

21/4/20

Notes

https://www.topsante.com/medecine/maladies-infectieuses/zoonoses/azithromycine-un-antibiotique-qui-pourrait-soigner-le-coronavirus-636321

https://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/coronavirus-3-nouveaux-cas-confirmes-et-208-patients-gueris-a-l-ile-maurice-824680.html

https://www.rtl.fr/actu/bien-etre/coronavirus-un-nouveau-medicament-l-azithromycine-guerirait-du-covid-19-7800395708

https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/medicament/covid-19-trois-medecins-reputes-plaident-pour-le-traitement-base-dhydroxychloroquine-du-pr-raoult

https://www.europe1.fr/sante/coronavirus-il-faut-soigner-les-gens-au-debut-de-la-maladie-preconise-le-professeur-raoult-3959597

https://www.vosgesmatin.fr/sante/2020/04/06/chloroquine-le-bilan-tres-positif-d-un-praticien-lorrain

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