Mauvaise et grossière récupération

Ainsi, un comité organisateur supposé professionnel aura dépensé plus de Rs 94 millions pour remettre un état un stade qui n’a pu accueillir la finale de la compétition de football des JIOI, parce que ce stade n’était justement pas en état. Ainsi, la finale de la compétition de football, l’épreuve phare des Jeux aura été renvoyée à la dernière minute en attendant qu’un stade de remplacement soit trouvé, sommairement aménagé. L’inénarrable ministre des Sports a osé déclarer que c’est à cause de la pluie que le stade rénové n’était pas praticable. Existe-t-il un seul Mauricien qui ignore qu’au mois de juillet, au cœur de l’hiver mauricien, il pleut à Curepipe ? Et que, malgré cela, des centaines de matches internationaux ont été disputées sur ce terrain depuis des décennies ? Aucun des membres du comité organisateur et des cadres du ministère des Sports n’ont-ils jugé bon d’aller inspecter le stade George V après les travaux de rénovation qui, il faut le rappeler, auront coûté Rs 94 millions ? Aucun de ces ministres qui se sont battus pour transporter la flamme des Jeux ou pour remettre des médailles ne s’est inquiété de l’état du stade avant le premier match ? Personne à l’Hôtel du gouvernement ne sait encore que gouverner c’est prévoir. Résultat de cette multiplication de couacs : on ne se souviendra pas des dixièmes jeux pour les victoires des athlètes, mais pour sa mauvaise organisation par le gouvernement mauricien, lequel a, une fois de plus, démontré l’amateurisme qui caractérise la majeure partie de ses actions et ses grossières tentatives de récupération. Ces jeux étaient l’occasion de rassembler les Mauriciens derrière leurs représentants sportifs, mais l’omniprésence des représentants politiques, utilisant des slogans populistes, aura nui au fair-play qui caractérise normalement les grandes manifestations sportives.
Depuis quelques mois, les conseillers du Premier ministre semblent l’avoir convaincu que sa réélection passe par sa participation à de grandes manifestations et des mesures populaires. C’est ainsi qu’ils ont programmé les JIOI, le lancement du métro et les brèves visites du Premier ministre indien et du pape. Selon ces stratèges, Pravind Jugnauth doit utiliser ces événements pour parfaire son image de marque afin de l’emporter aux prochaines élections. Mais ces stratèges semblent ignorer qu’il ne suffit pas de copier un concept pour en tirer profit, il faut également savoir l’adapter au contexte et au personnage à qui il est censé profiter. C’est ainsi que pousser Pravind Jugnauth à faire de la tyrolienne à Rodrigues, avec chaussettes et escarpins, ou à effectuer un tour de piste au stade Maryse Justin, en tenue de sport, a plus fait ricaner qu’autre chose. L’idée d’utiliser les JIOI n’étaient pas mauvaise au départ, mais la récupération outrancière de l’événement par le gouvernement et le MSM s’est révélée contre-productive. Bloquer les billets des grandes rencontres pour les distribuer aux agents politiques n’incitera pas à voter MSM, tout comme l’envahissement des tribunes officielles par les ministres, leurs conjoints, leurs amis et autres copains petits et grands comme on a pu le voir à la télévision. Ces images du roi et de sa cour, évoquant certaines républiques bananières, auront surtout accentué le sentiment que les JIOI, ce sont ceux du gouvernement, pas ceux de l’ensemble des Mauriciens. Tout comme accorder une demi-journée aux fonctionnaires pour la cérémonie d’ouverture, alors que les employés du secteur privé ont été obligés de finir leur journée de travail. Dans son désir de surfer sur la vague des Jeux — et sans doute pour faire oublier les nombreux couacs de l’organisation —, le Premier ministre a décrété que demain sera un jour de congé public pour célébrer la victoire de l’équipe de Maurice. En quoi une journée de congé au lendemain des Jeux rend-elle hommage aux athlètes mauriciens ?
Que retiendra-t-on de ces JIOI ? Que le stade George V, réparé pour Rs 94 millions, prenait l’eau de toutes parts, à tel point que la finale de football a dû être jouée ailleurs. Que les jeux ont surtout été une occasion pour les membres du gouvernement et leurs proches de se pavaner dans les tribunes alors que les vrais amateurs sportifs n’ont pas assisté aux matches et aux épreuves qui les intéressaient. Que la MBC ne sait toujours pas régler les caméras des deux cars de reportage qui ont coûté Rs 100 millions, dont les images, pourtant estampillées HD, sont souvent floues ou hors champ. Bref, qu’à part des privilégiés faisant partie de l’entourage du roi et de sa cour, les Mauriciens ont dû suivre les JIOI à la télévision ? De préférence sur RFO Réunion, où les images étaient plus nettes et faites par des équipes qui savent réaliser une retransmission sportive. Donc, quelque part, à cause de la grossière récupération politique, une bonne partie des Mauriciens sont passés à côté de ces 10es Jeux des îles l’océan Indien.

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Jean-Claude Antoine

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