MCCI : « Nous sommes à un tournant de notre histoire économique »

– La Chambre réitère son inquiétude face au vieillissement de la population et à la désindustrialisation du pays

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L’économie mauricienne a fait des progrès énormes ces 50 dernières années, enregistrant une croissance moyenne d’environ 5,4% et réussissant à ramener le taux de chômage de plus de 20% à la fin des années 60 à moins de 7% en 2017. Mais le pays se retrouve aujourd’hui à un tournant de son histoire économique où des décisions stratégiques devront être prises pour pouvoir se projeter sur l’avenir, se transformer en une économie à revenus élevés et tirée par l’innovation. C’est ce qui ressort de l’intervention faite ce matin, à l’hôtel Le Labourdonnais, par le président sortant de la Mauritius Chamber of Commerce and Industry (MCCI), Azim Currimjee, lors de la 169e Assemblée générale annuelle de cette organisation du secteur privé. Azim Currimjee a estimé qu’il y a des décisions stratégiques à prendre sur au moins sept piliers tout en réitérant l’inquiétude de la MCCI face au vieillissement de la population, la désindustrialisation du pays et le chômage chez les jeunes.

« Tout en engageant une réflexion sur les progrès réalisés par le pays depuis son accession à l’indépendance, il est nécessaire de visualiser ce que nous réservent les 50 prochaines années et de se focaliser sur les politiques stratégiques à adopter », a déclaré Azim Currimjee. « Nous connaissons aujourd’hui non seulement un changement générationnel, tant globalement que localement, mais également un changement dans l’ordre économique », a soutenu le président sortant de la MCCI.

Azim Currimjee a énuméré sept piliers : la démographie, l’industrialisation, l’ouverture sur le monde, l’environnement et le changement climatique, l’investissement dans l’infrastructure publique, le cadre de facilitation des affaires et la planification économique stratégique ainsi que l’innovation/recherche et développement. Sur la question de la démographie, il a parlé de la baisse graduelle du taux de natalité avec, pour résultat, que le pays se retrouve devant deux problèmes épineux, soit le vieillissement de sa population et la réduction rapide de sa main-d’œuvre. La MCCI avait fait état de cette situation l’année dernière, amenant les autorités à introduire un barème d’exception fiscale séparé pour les familles comptant un 3e enfant. Tout en accueillant cette mesure, la MCCI considère que « more should be done ». Elle préconise qu’un couple ayant un 4e enfant devrait bénéficier d’un « equal equivalence in terms of income tax deductions » et qu’il ne faudrait faire de discrimination à l’égard de ceux ayant plus d’un enfant. La MCCI est d’opinion qu’on devrait, en sus de la déduction fiscale pour les frais de scolarité, accorder aux contribuables une exemption concernant les coûts des manuels scolaires.

Face au vieillissement de la population et de la réduction de la main-d’œuvre, la MCCI prône une politique d’ouverture, plus particulièrement aux talents étrangers. Il récuse des politiques restrictives, arguant qu’il faut assouplir le système d’octroi de permis de travail pour les étrangers tout en attirant des personnes très fortunées ainsi que les retraités étrangers.

La MCCI a dit son inquiétude concernant le taux élevé de chômage chez les jeunes âgés de 16 à 25 ans. Les statistiques indiquent qu’environ 19 500 jeunes sont sans emplois, soit 48% du nombre total de chômeurs. Reconnaissant l’effort du gouvernement avec l’introduction du “Nine-Year Schooling” et l’adoption du Higher Education Bill, Azim Currimjee considère qu’il est du devoir du secteur privé de contribuer à la formation des jeunes pour les rendre employables.

La Chambre propose la mise sur pied d’un comité national secteur public-secteur privé pour se pencher sur la question. « We cannot move to become a high-income economy with a failure rate of 25 percent at the end of the primary school level itself. Such failure rates not only affects our human capital levels but also accentuates the income inequality gap. The reality is that it is the poor who fail and to combat poverty in the country, only education can be the solution », a-t-il souligné.

Il s’est ensuite appesanti sur le problème de désindustrialisation du pays, et ce après tous les efforts consentis dans le passé pour le développement industriel de Maurice, en particulier la mise à exécution d’une stratégie de développement industriel tournée vers l’exportation. Le secteur manufacturier, qui contribuait à Rs 128 millions en 1968, a aujourd’hui un apport de plus de Rs 54 milliards. Or, avec une baisse de croissance, la part de ce secteur au PIB est tombée de 24% au début des années 2000 à moins de 13% en 2017. « 50 years after independence, we cannot be a country of deindustrialisation – Industrials are and should remain the backbone of our economic development », a-t-il fait ressortir.

La Chambre suggère que des mesures soient prises pour transformer le pays en un centre d’approvisionnement de produits manufacturiers destinés aux marchés asiatiques et africains. Elle pense que la réflexion doit être engagée sur l’établissement d’un plus grand nombre de « Comprehensive Economic Partnership Agreements » comme celui en cours de négociation avec l’Inde. La MCCI souhaite également que le pays signe un plus grand nombre d’accords de protection des investissements.

Faisant ensuite état des préoccupations de la Chambre devant les problèmes environnementaux et de changements climatiques, Azim Currimjee a soutenu qu’il est important d’assurer la durabilité des ressources. Faisant quelques propositions, la MCCI se dit en faveur de l’abolition de la vente des véhicules à moteur essence et diesel d’ici 2028 et de politiques de promotion de l’utilisation de l’énergie solaire et éolienne, entre autres.
S’agissant des infrastructures publiques, la MCCI soutient la stratégie de développement portuaire mais fait comprendre que pour devenir un hub stratégique en matière de logistiques, il y a nécessité de renforcer la productivité dans le secteur portuaire et que celui-ci a besoin d’un partenaire stratégique avec l’expertise et le savoir-faire requis. La Chambre se réjouit également des développements au niveau de la connectivité aérienne et recommande des efforts soutenus pour l’ouverture du pays sur d’autres marchés émergents. « We should aim at a minimum of 10 Million passengers annually through our Airport by 2030 », a indiqué Azim Currimjee.

Par ailleurs, tout en disant l’appréciation de la MCCI des progrès accomplis par Maurice dans l’indice “Doing Business”, le président sortant a fait comprendre que le moment « n’est pas à la complaisance » et qu’il y a d’autres problèmes à régler, tels les frais associés au fret, à l’accès à l’électricité et à l’application des contrats commerciaux. La MCCI trouve aussi favorables les initiatives prises pour encourager l’innovation. Elle s’attend à ce que l’Industrial Property Bill, qui sera débattu prochainement à l’Assemblée nationale, soit d’un apport considérable pour la protection des droits de propriété intellectuelle à Maurice.

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