MESSE DE LA SAINT-LOUIS  : « Vivre ensemble heureux dans la diversité des religions, un défi majeur » selon le père Labour

Dans l’homélie qu’il a prononcée ce matin lors de la messe solennelle à l’occasion de la fête Saint-Louis, le père Jean Maurice Labour, vicaire général, a proposé une réflexion sur l’interreligieux et l’interculturel qui, selon son analyse, sont « le défi majeur » auquel le monde est confronté aujourd’hui. Mais le père Labour a bousculé ce matin la manière dont le Mauricien conçoit l’interreligieux, une pratique qui, d’après lui, se limite à de « simples prières interreligieuses dans l’espace d’événements ponctuels ». Il a dénoncé un communalisme sous-jacent. « Au niveau de notre pays, souvent flatté pour sa coexistence pacifique, nous savons bien cacher un communalisme religieux et culturel bien présent et bien agissant », a dit le vicaire général, avant de souhaiter un véritable dialogue interreligieux tendant davantage vers une connaissance de la religion de l’autre, et ce dans le respect de l’identité de chacun.
Cette messe traditionnelle pour fêter Saint Louis en la Cathédrale qui porte son nom était présidée ce matin par Mgr Piat, évêque de Port-Louis, qui était entouré par l’ensemble du clergé catholique ainsi que de Mgr Ian Ernest, l’archevêque de la province de l’Église anglicane de l’océan Indien et du pasteur France Cangy de l’Église presbytérienne. Selon la coutume depuis 1768, le Diocèse de Port-Louis invite les officiels du pays à y participer. Étaient présents ce matin : le Président de la République, le Premier ministre, le leader de l’opposition, la Lord-maire, les membres du corps diplomatique et plusieurs ministres et députés.
Au début de la messe, Mgr Piat — qui semble encore fatigué depuis sa récente intervention chirurgicale — a rappelé la signification de cette célébration. « Nous célébrons la fête de la Cité de Port-Louis et aussi celle du Diocèse de Port Louis. Nous célébrons aussi un saint qui a été un homme d’État et un grand croyant. C’est l’occasion de demander à Dieu la sagesse afin que les représentants de l’Église et ceux de l’État dans le respect des compétences de chacun sachent se rencontrer et collaborer pour le développement intégral de tous les Mauriciens que nous aimons tant ».
Dans la première partie de son homélie, le vicaire général a mis lui aussi en exergue les qualités ainsi que la vie religieuse de celui qui a été roi de France pendant trente-cinq ans en le qualifiant de « modèle pour le politicien et pour le chrétien ». Au coeur de l’exercice de ses responsabilités familiales et politiques, Saint Louis a trouvé les moyens, a dit le père Labour, « de nourrir une spiritualité chrétienne » qui l’a inspiré dans ses actions. « Il avait un attachement indéfectible à son église dont il se fit le serviteur dévoué, une attention et un service des plus pauvres de son royaume, un ensemble de qualités qui font de lui un modèle du politicien et du chrétien », dit le vicaire général.
Mais ce sont surtout les propos du père Labour sur deux sujets, d’une part le vivre-ensemble mauricien dans le contexte multiculturel et multireligieux et de l’autre, l’éternel débat État séculier/religion qui ont retenu l’attention de l’assistance. Le vicaire général dit qu’il s’est demandé quelle aurait été l’orientation de l’engagement de Louis IX s’il était dans le monde d’aujourd’hui. Il aurait oeuvré pour l’interculturel et l’interreligieux, estime-t-il, en soulignant l’actualité internationale quotidienne concernant les atrocités commises par les fanatiques religieux dans plusieurs parties du monde. « Dans le siècle où nous sommes, le défi majeur auquel le monde entier a à faire face c’est le vivre ensemble heureux dans la diversité des religions et des cultures. Ce n’est certes pas l’actualité mondiale secouée par les atrocités en Irak et en Terre Sainte, dans certains pays d’Afrique qui me démentira », dit le père Labour. Ce dernier a fait remarquer que les quatorze premières années du troisième millénaire se sont ouvertes sur des menaces d’intolérances politico-religieuses débouchant sur des conflits souvent sanglants, devenues incontrôlables au niveau international.
S’agissant de la situation au niveau local, cette harmonie interculturelle et interreligieuse serait encore, de l’avis du père Labour, superficielle. « Au niveau de notre pays souvent flatté pour sa coexistence pacifique, nous savons bien cacher un communalisme religieux et culturel bien présent et bien agissant », constate le prêtre. Il soutient que « le dialogue constructif d’une société de paix devrait dépasser les simples prières interreligieuses et l’espace d’événements ponctuels ». Il prend à témoin le père Goupille, président du Conseil des religions, qui a fait état récemment dans un article de presse des « difficultés d’un véritable dialogue interreligieux à l’île Maurice ».
Le père Labour est convaincu que c’est l’école qui relèvera ce défi de vivre ensemble interreligieux et interculturel à Maurice et qui a pour nom, souligne-t-il, « le mauricianisme ». Il affirme que l’école catholique entend participer pleinement dans la construction de ce mauricianisme et a donné des indications sur la manière dont l’Église prépare ses écoles. « C’est sur les bancs de l’école que se construit la connaissance juste de l’autre dans sa différence, condition pour un dialogue fructueux et constructif de solutions. Devant cet énorme défi, l’Église catholique à Maurice s’est lancée dans un travail de révision de sa mission dans les paroisses, les familles et les écoles. Comment faire de nos 63 institutions scolaires des laboratoires de dialogue interreligieux et culturels ? C’est là où l’Église travaille le plus en direct avec nos compatriotes de religions et de cultures différentes », a souligné le vicaire général.
Le père Labour a fait tenu à apporter l’éclairage de l’Église au sujet de la notion de l’État séculier et de la laïcité. « Dans cette construction nationale d’un mauricianisme, la mentalité de ceux et celles qui défendent l’État séculier voudrait éliminer les religieux en les renvoyant à leurs sacristies, mosquées et temples ». Par ailleurs il reconnaît « une instrumentalisation mutuelle de la politique et de la religion ». « L’une se servant de l’autre en empiétant sur les plates-bandes de l’autre à des fins électoralistes pour les uns et roderboutistes pour les autres ! Si on dénonce avec raison l’ingérence des religieux dans la politique de parti, il faudrait tout aussi bien dénoncer l’ingérence des politiques dans la religion… avec la complicité de certains religieux il est vrai ! » a dit à ce sujet le vicaire général.

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