MEURTRE DE GRIS-GRIS : Le mot d’ordre, « Bizin eliminn Mina »

La communauté des ouvriers et ouvrières venant du Bangladesh, disséminés à travers le pays, est encore en état de choc et tente de réconcilier ce qui a pu se passer dimanche dernier entre les protagonistes du meurtre d’une de leurs compatriotes, Mina, à La-Roche-Qui-Pleure, Gris-Gris. A ce jour, trois suspects, tous des ressortissants du Bangladesh, en l’occurrence Moussa Molla, âgé de 29 ans, le meurtrier présumé, et ses deux complices allégués, Jamal Uddin, 29 ans, et Suman Rari, 24 ans, ont été inculpés provisoirement du meurtre de Mina et placés en détention provisoire. La Major Crime Investigation Team (MCIT), menée par le chef-inspecteur Luciano Dieudonné Gérard, ne s’apprête à consigner de manière formelle les confessions de Moussa Molla, que dans la journée de lundi. Jusqu’ici, les enquêteurs ne sont en présence que de la teneur d’une Preliminary Interview conduite en présence d’un interprète peu après son arrestation, mercredi après-midi. Entre-temps, les deux co-accusés, qui rejettent les accusations de complicité portées contre eux, pourraient être rattrapés par les tests ADN si les résultats des analyses s’avèrent concluants.
En moins de 72 heures et sur la base d’un travail de fourmi initié à partir de la SIM Card oblitérée et endommagée ramassée sur les lieux du crime dans la matinée de dimanche, la MCIT, travaillant en collaboration avec le CID de la Southern Division, est parvenue à retracer l’identité du meurtrier potentiel au moins. En effet, le répertoire des téléphones cellulaires de la victime et celui de Moussa Molla devait confirmer l’existence des relations extraconjugales entre les deux même si l’épouse du meurtrier présumé, une ressortissante du Bangladesh, est également employée sous contrat dans une autre usine et occupe un dortoir séparé à Grand-Bois.
Un examen des relevés des appels téléphoniques attestent du fait que Mina et Moussa Molla entretenaient des relations extra-conjugales depuis au moins une année. Sauf pendant la journée en semaine, où les deux tourtereaux-machinistes étaient occupés avec leur travail à l’usine, ils ne manquaient pas de s’appeler chaque matin et surtout dans la soirée après 21 heures. Moussa Molla, qui occupait un dortoir dans la région de Camp-Diable, pouvait s’adonner à ces activités doubles car son épouse loge à Grand-Bois.
D’ailleurs, les liens entre les deux étaient connus car même l’épouse du meurtrier présumé était au parfum de cette affaire. D’ailleurs, lors de son audition par les enquêteurs après l’arrestation de Moussa Molla, elle devait ajouter qu’elle était intervenue auprès de Mina en vue de lui demander de mettre un terme à ces relations illégitimes pour maintenir la sérénité de son couple. Mais ce fut en vain. Elle devait également catégoriquement nié toute connaissance de la transaction financière entre le suspect et la victime.
En attendant l’interrogatoire formel Under Warning et enregistré sous caméras vidéo dans le QG de la MCIT aux Casernes centrales, lundi, deux mobiles plausibles sont avancés pour ce meurtre atroce commis à l’ombre des buissons de La-Roche-Qui-Pleure, soit cette histoire d’argent appartenant à Mina soit l’insistance de celle-ci pour officialiser ses relations avec Moussa Molla à travers un mariage en répudiant la première épouse.
Toutefois, la séquence des événements entre les dimanches 6 et 13 juillet tend à confirmer qu’il faudra opter pour un mélange de ces deux facteurs pour expliquer ce crime commis avec préméditation. Comme d’habitude, chaque dimanche, le 6 juillet dernier, Moossa Molla, qui habite Camp-Diable, est allé rejoindre Mina à Curepipe. Celle-ci avait en sa possession une importante somme d’argent. La police soupçonne que le montant était de l’ordre de Rs 75 000. Mais le suspect maintient qu’il était de Rs 52 000.
Avant de partir se balader aux bras de son amant, Mina voulait effectuer un transfert de cette somme dans un des bureaux de Western Union en faveur de ses proches au Bangladesh. Comme il y avait une queue extrêmement longue au guichet pour le transfert de fonds, elle devait décider de reporter cette démarche avant de confier la somme à Moosa Molla pour le nécessaire au cours de la semaine.
Pour des raisons à être précisées lors de l’interrogatoire, le suspect n’a pas mis à exécution ce transfert. Pendant toute la semaine entre les 6 et 13 juillet, Mina devait revenir à la charge par rapport à son argent car ses proches n’avaient pas encore été informés au Bangladesh. En même temps, Mina, qui travaillait à la Compagnie Mauricienne de Textile de Phoenix, voulait que son amant quitte sa femme pour l’épouser. Les demandes devenant de plus en plus pressantes constituaient un lourd embarras pour l’homme.
Dans sa première version des faits à être confirmée, lundi, Moosa Molla a souligné que pendant cette semaine fatidique alors qu’il subissait des pressions intenables, il avait évoqué son dilemme avec ses deux complices, Jamal Uddin et Suman Rari. Après avoir longuement discuté de la question et pesé toutes les options, ils devaient parvenir à la conclusion que « bizin eliminn Mina ».
Un complot fut ourdi pour attirer la victime, dans un piège lors de la subséquente sortie, dimanche dernier. Le vendredi précédent, Moosa Molla s’était rendu dans une boutique de Camp-Diable pour acheter un couteau de cuisine, qui allait devenir l’arme du crime. Le boutiquier en question a déjà été entendu à ce sujet.
Puis vint la matinée du dimanche 13, Moosa Molla était parti à la rencontre de Mina à la gare de Curepipe comme convenu et sans se soucier de rien, la victime devait accompagner son bourreau dans un bus en direction de Souillac. Pour atténuer toute appréhension de Mina, il devait soutenir que l’argent allait lui être remis une fois arrivée à La-Roche-Qui-Pleure.
Lors de ce premier entretien avec les hommes du chef-inspecteur Gérard, mercredi après-midi, Moosa Molla devait faire comprendre qu’il s’était arrangé au préalable avec ses deux complices pour le rendez-vous de La-Roche-Qui-Pleure en emportant avec eux le couteau de cuisine. Il devait préciser que c’était lui, qui avait porté le coup fatal au cou de la victime et non les deux accompagnateurs.
En toit cas, Mina fut prise de court par la présence de deux autres compatriotes et quand elle avait saisi leur intention, il était déjà trop tard elle et n’avait aucune chance de s’échapper de cet endroit encore très peu fréquentée en cette matinée dominicale d’hiver. Après l’interrogatoire de lundi prochain, le Main Suspect devra participer à une reconstitution des faits sur les lieux du crime au cours de la semaine.
De leur côté, Jamal Uddin et Suman Rari clament leur innocence dans cette agression meurtrière en affirmant qu’à aucun moment, ils ne s’étaient rendus dans la région de Souillac dimanche matin. Néanmoins, l’heure de vérité sonnera pour ces deux suspects quand seront soumis les résultats de Cross-Matching d’ADN de ces derniers avec des prélèvements sur la dépouille de la victime, l’arme du crime récupérée sur les lieux du crime  ou autres objets versés dans le dossier à charge.
La semaine prochaine s’annonce riche en rebondissements dans cette enquête avec le CI Gérard et ses hommes confiants d’être parvenus à élucider les circonstances de ce meurtre…

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