Militarisation d’Agaléga : Citoyens mauriciens et rodriguais, et artistes se mobilisent

  • Appel aux 15 000 Agaléens à Maurice et dans le monde pour qu’ils fassent entendre leur voix
  • Une marche pacifique envisagée

Une cinquantaine de personnes composées en majeure partie de résidents d’Agaléga se sont réunies hier matin à Roche-Bois pour, affirment-elles, « démarrer un combat qu’il faudra impérativement mener contre comme la militarisation de la petite île par l’Inde. »
La réunion se voulait une première prise de contact et a été organisée à l’initiative de l’Agaléga-Mauritius Partnership Association, menée par Vivek Pursun, ancien assistant directeur de l’Outer Islands Development Corporation (OIDC), et l’artiste agaléen Arnaud Poullay. Ce dernier a pu conscientiser un collectif d’artistes locaux comprenant, entre autres, Jean-Jacques Arjoon et Bruno Raya, pour qu’il apporte son soutien. Et d’autres citoyennes, à l’instar de l’ancienne députée-ministre Joceline Minerve et son ex-attachée de presse Doris Félix, ainsi Lydie Roussety, une Rodriguaise, ont pris l’engagement de se joindre au combat. Jean-Yves Chavrimootoo au nom de la General Workers Federation, l’Association des Amis d’Agaléga de Laval Soopramanien et Johnny Latour, animateur du Groupe Zanfan Roche-Bois, ont également promis de faire campagne contre le projet de militarisation.
Malgré les affirmations de presque l’ensemble de la presse indienne à l’effet que l’Inde a déjà obtenu l’île du Nord d’Agaléga pour y implanter une base militaire identique à celle dont elle dispose à l’île Assomption aux Seychelles, le gouvernement mauricien nie toujours que tel est le cas. Effectivement, tout en ayant rassuré l’Inde pas plus tard que cette semaine par la voix du ministre Mentor, sir Anerood Jugnauth, que Maurice coopère à son plan de maintenir la sécurité dans l’océan Indien, le gouvernement continue à affirmer que la nouvelle piste d’atterrissage et le nouveau port dans l’île ne font partie que d’un plan de développement infrastructurel avec l’aide indienne.
« Il ne faut pas être dupe. Le gouvernement indien est en train d’embêter la population mauricienne et le fait que le gouvernement mauricien refuse systématiquement de rendre publics les termes du Memorandum of Understanding signé entre les deux pays est éloquent », a déclaré Vivek Pursun.
« Nous ne voulons pas d’un deuxième épisode Diego Garcia à Agaléga » ; « Les Agaléens doivent être rassurés qu’ils ne seront pas déplacés d’Agaléga par l’Inde » ; « La piste d’atterrissage de Rodrigues n’est que de 1000 mètres pour une population plus conséquente que celle d’Agaléga (350 personnes), pourquoi celle d’Agaléga doit-elle être de plus de 2000 mètres si ce n’est pas à des fins militaires ? « Nous n’avons besoin à Agaléga que d’une piste pour des avions qui doivent évacuer les malades, d’un hôpital pour permettre aux mères d’accoucher et d’une bonne éducation pour nos enfants » étaient les slogans qui étaient affichés hier dans la petite salle prêtée par l’association Les Amis d’Agaléga pour la réunion.
Des garde-côtes logés dans un aéroport ?
Vivek Pursun a également soutenu que l’Inde va construire dans l’aéroport d’Agaléga des quartiers pour la National Coast Guard susceptibles d’héberger plus de 300 personnes à la fois. Il trouve « étrange » que des garde-côtes qui devraient être logés dans un port afin d’être prêts à intervenir en mer en cas de besoin seront casernés à l’aéroport. Vivek Pursun dit soupçonner fortement que ces gardes-côtes qui seront en majorité des Indiens seront en réalité des soldats « déguisés en gardes-côtes ».
De son côté, Bruno Raya a déclaré que, « cette fois, les Mauriciens et les Agaléens ne pourront pas rester les bras croisés et voir une autre partie de leur territoire être transformée en base comme cela a été le cas avec les Chagos ». L’artiste a toutefois « appelé les quelque 15 000 Agaléens qui vivent à Maurice et dans le monde à d’abord se porter à l’avant-garde du combat car celui-ci les concerne en premier lieu, les Mauriciens ne pouvant que les soutenir ». « Si mo koné kot sa 15 000 Agaléens-là resté, mo ti pou al tape zot laport enn par enn pou dir zot lev zot lavoix », a affirmé l’artiste.
Outre la militarisation, beaucoup d’autres enjeux qui inquiètent les Agaléens ont été évoqués lors de la réunion. Parmi, le droit à l’autodétermination des résidents de l’île, le droit d’avoir un député qui les représente à l’Assemblée nationale indépendamment de leur nombre, le droit des mères d’accoucher dans l’île afin que l’identité agaléenne ne soit pas effacée à l’État civil. En effet, depuis un bon bout de temps, sous prétexte qu’il n’y ait pas une section de maternité à Agaléga et que c’est dangereux pour la santé des mères agaléennes, celles-ci sont systématiquement transférées à Maurice. Les enfants ainsi nés sont ensuite obligatoirement déclarés Mauriciens. Les Agaléens craignent qu’à ce rythme plus aucun jeune ne sera reconnu comme natif de son île, et c’est ainsi qu’on raye à jamais l’existence de tout un peuple, si petit soit-il.
Les parties réunies hier à Roche-Bois ont convenu de la tenue d’une deuxième réunion qui aura pour objectif prioritaire l’organisation d’une marche pacifique contre le projet de militarisation.

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