Mine Sok : zoom sur le parcours d’un policier qui devient entrepreneur

Les nouilles chinoises, dites « mines frais » à Maurice, sont l’un des aliments incontournables sur la table des Mauriciens. Frites ou bouillies, elles sont très prisées chez tout un chacun. La production des nouilles chinoises, à la manière mauricienne, est un métier d’antan, dont la recette est secrètement protégée par ses fabricants. Ainsi, nous sommes allés à la rencontre du couple Seewooruttun, qui compte une trentaine d’années dans le métier et qui a accepté de nous livrer leur parcours. 

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Ashok et Neena Seewooruttun fabriquent des nouilles chinoises depuis une trentaine d’années. L’aventure a commencé en 1989. Le père d’Ashok gérait un restaurant. Quand il a atteint l’âge de la retraite, il a décidé de confier la responsabilité du commerce à son fils aîné. Toutefois, il n’arrivait pas à jouir de sa retraite car l’oisiveté ne correspondait pas à sa personnalité. Il a alors décidé de produire des mines fraîches.

« Mon père côtoyait des Chinois. Il avait une personnalité impressionnante, ce qui poussait les gens à l’aimer. Ainsi, ses amis chinois avaient partagé avec lui la recette de nouilles chinoises. Puisqu’il était oisif à la maison, il a décidé de mettre en pratique sa connaissance », relate Ashok. Il se souvient comment la préparation des nouilles chinoises dans les années 90 était « compliquée ». Il poursuit : « Mon père ne possédait qu’une machine manuelle. De plus, toutes les étapes de la préparation étaient manuelles. Donc, la préparation exigeait beaucoup de temps. »

À l’époque, Ashok, alors âgé de 19 ans, avait pris de l’emploi dans une usine. Après ses heures de travail, il aidait son père dans la préparation des nouilles chinoises. « Comme je l’ai soutenu, la préparation était très difficile. Quand je rentrais, je constatais l’épuisement de mon père. Il transpirait profondément mais ne songeait jamais à arrêter. En le voyant dans cet état, je ne pouvais aller me reposer. Je le rejoignais et l’aidais à remplir ses commandes. Ainsi, sans le réaliser, je me suis joint au métier. C’est en observant mon père que j’ai appris à préparer des nouilles chinoises. C’est un métier qui exige beaucoup de motivation et de passion », soutient-il.

Des nouilles chinoises disponibles en différents logements

Plus tard, Ashok prend de l’emploi comme constable dans la force policière. Néanmoins, il n’a jamais songé à abandonner son père. Dès qu’il rentrait à la maison après le boulot, il le rejoignait. De plus, c’est lui qui se chargeait de chercher des clients pour son père. Le commerce était ainsi géré par le duo père et fils. Quelques années plus tard, le père d’Ashok décide d’arrêter le métier. Mais, Ashok était prêt à prendre la relève. « Je ne voulais pas arrêter. Donc, j’ai continué à fabriquer des nouilles chinoises à mes heures perdues », dit-il.

Le métier allait prendre une tout autre tournure après son mariage. Faisant face à une situation financière inquiétante, son épouse Neena lui propose de transformer leur connaissance en commerce. Toutefois, en raison de son engagement dans la force policière, Ashok n’avait pas le droit de pratiquer un deuxième métier en parallèle. Donc, il a mis son épouse en avant et l’a aidé à ouvrir une entreprise spécialisée dans la fabrication de nouilles chinoises. « Au début, nous ne produisions qu’entre 10 et 20 livres de nouilles chinoises au quotidien. Ashok allait livrer les nouilles chez nos clients à bicyclette. Petit à petit, les demandes augmentaient et nous avons pu acheter une voiture pour assurer la livraison. Grâce à notre détermination et persévérance, notre compagnie a grandi et nous produisons aujourd’hui jusqu’à 4 000 livres au quotidien », indique Neena.

La compagnie d’Ashok et de Neena est baptisée Tasty Meal, alors que les nouilles chinoises sont commercialisées sous le nom de « Mine Sok », dérivé du prénom d’Ashok. En avril dernier, soit après 26 années de carrière dans la force policière, Ashok démissionne de son poste et rejoint son épouse à plein-temps dans la gestion de leur entreprise.

Des débuts difficiles

« Le parcours n’a pas été facile. Nous avons commencé dans notre maison, plus précisément dans notre cuisine. La situation financière de ma famille était très modeste. Nous vivions dans une maison de trois pièces. J’ai dû prendre des prêts pour faire avancer le commerce, puisque mon épouse était femme au foyer. J’étais le seul à pouvoir obtenir des prêts », explique Ashok. Et d’ajouter qu’au fil du temps, leur cuisine était trop petite pour la production de nouilles, d’autant plus que les demandes continuaient à pleuvoir. Ainsi, le couple décide de louer un bâtiment en 2012, non loin de leur domicile. « Nous avions enfin un plus grand espace pour la production. Nous avions dû employer plus de personnes pour remplir les commandes à temps. Aujourd’hui, nous comptons une vingtaine d’employés, dont cinq expatriés bangladais. Grâce à ce métier, je suis aujourd’hui chef d’entreprise et j’ai construit une maison pour ma famille. Mes enfants ne manquent de rien », dit-il.

Des machines sophistiquées pour faciliter la production

Ashok ajoute par ailleurs que la production de nouilles chinoises est un métier méticuleux et exigeant, car il faut travailler avec beaucoup de précautions et pendant toute la semaine. « Nous n’avons ni congé ni jour férié. Nous travaillons sept sur sept et dans toutes les conditions, sauf quand il y a un avertissement de cyclone de classe IV », fait-il ressortir. Tasty Meal est une entreprise grossiste et livre ses nouilles à la compagnie Surat, à des hôtels ainsi qu’à des boutiques dans la région de Plaine-Wilhems.

Comme projet d’avenir, le couple Seewooruttun aspire à se tourner vers l’exportation. « J’ai eu l’occasion d’exporter mes nouilles en Australie, par le biais d’un entrepreneur mauricien établi au pays des Kangourous. D’ici l’année prochaine, nous exporterons vers d’autres pays », soutient l’entrepreneur. De plus, en mars 2019, le couple Seewooruttun ouvrira une deuxième usine de production à Solférino. Celle-ci sera construite sur une superficie de 500 mètres carrés. « Ce sera une usine moderne et bien équipée, construite et aménagée dans le respect des normes internationales, et ce afin de faciliter les procédures d’exportation. De plus, outre les nouilles, nous projetons de produire des boulettes également. À noter que nos produits sont certifiés halal », précise-t-il.

Ashok est le premier fabricant à Maurice à produire des nouilles de blé. « Dans le passé, j’ai produit des nouilles de blé que je livrais dans une clinique et dans un supermarché. J’utilisais l’huile d’olive pour la préparation. Ces nouilles étaient idéales pour les malades, surtout pour ceux atteints du diabète. Malheureusement, j’ai dû stopper la production en raison de manque de temps. Toutefois, je prévois de relancer la production des nouilles de blé dans ma nouvelle usine », indique l’entrepreneur.

Grâce au succès acquis, Ashok peut aujourd’hui bénéficier des facilités et des plans d’aide de SME Mauritius, notamment des prêts bancaires pour l’agrandissement de son entreprise. Il a aussi droit à l’installation de panneaux solaires photovoltaïques sur le toit de son usine afin de produire sa propre électricité. Il est aussi éligible au SME Employment Scheme, qui permet de recruter des diplômés pour professionnaliser son entreprise.

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