MMM: rendez-vous déterminant le 10 février

C’est le 10 février, date de la prochaine réunion du Comité central du MMM, que l’on sera fixé sur les événements qui ont secoué ce parti cette semaine. Suivant le vote d’une motion de blâme contre Steve Obeegadoo qui n’avait pas ménagé ses critiques contre le MMM dans une interview accordée dimanche dernier à notre collègue Jean-Claude Antoine, il y a eu un débat médiatique sur la sanction en forme d’avertissement qui a été administrée au président de la commission éducation du MMM. Si pour la direction les choses s’arrêtent là, rien n’empêchera un membre du Comité central d’évoquer la question et de proposer qu’elle soit débattue. C’est ainsi que la prochaine réunion de cette instance s’annonce comme déterminante.

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Lors de la réunion hebdomadaire du Bureau politique lundi dernier, une motion de blâme contre Steve Obeegadoo a été présentée par Paul Bérenger suite aux propos tenus dans nos colonnes le dimanche 28 janvier. La motion, mise au vote par bulletin secret, a recueilli une écrasante majorité des membres présents, soit 21 pour, 5 contre et 2 abstentions. Pourquoi cette majorité sans équivoque face à ceux qui pensent que la réaction est excessive et qu’il s’agit de la liberté d’expression d’un de ses membres quand bien même dérangeante ? L’explication est que même s’ils sont nombreux à partager l’analyse de Steve Obeegadoo sur l’état du MMM et qu’ils souhaitent une réforme des pratiques qui datent d’une époque révolue, ils sont tout autant à déplorer ce qu’ils appellent « sa posture d’activiste médiatique et sporadique plus que celui du terrain. »

Que le MMM aille mal, qu’il est plus qu’inquiétant que le parti ait enregistré des défaites successives, qu’il paie encore au prix fort son union contre nature avec le Parti travailliste, c’est un constat qui est unanimement partagé. Qu’il ait besoin, 50 ans après l’indépendance, 50 ans après mai 68 et, l’année prochaine, les 50 ans du MMM, de faire le bilan et de repartir sur de nouvelles bases, est considéré comme une urgence.

D’où les propos sur la fin du « business as usual » tenus par Paul Bérenger lui-même lors de la fête de fin d’année organisée le 30 décembre et l’annonce également faite le samedi 27 janvier par le leader du MMM à l’effet qu’il y aura désormais un nouvel item à l’agenda des travaux du Bureau politique sur les initiatives à prendre pour la refondation du MMM. C’était la veille de l’interview de Steve Obeegadoo.

Que le MMM doive changer sa manière de faire de la politique, qu’il y ait une délégation des responsabilités, un rajeunissement plus visible, un retour aux fondamentaux et une meilleure interaction avec les masses populaires, donc avec sa propre base historique, c’est un constat qui est largement majoritaire au sein du parti mauve. Que Paul Bérenger ait fait l’économie de sa maîtrise parlementaire en jouant profil bas dans l’hémicycle depuis qu’il n’est plus le leader de l’opposition est aussi fortement regretté. Même s’ils sont unanimes, au sein de groupe parlementaire, dire qu’ils jouissent de toute la latitude pour opérer. Et qu’ils le font avec une certaine efficacité pour coincer  le Premier ministre et les ministres.

Un modèle copié

Quant à la communication du parti, si des efforts ont été faits pour être plus présents sur les réseaux sociaux, il est difficile, selon ceux au MMM avec qui Week-End a conversé cette semaine, de gommer la conférence de presse hebdomadaire, comme suggéré par notre confrère Nad Sivaramen de l’express.

Leur explication est bien simple. « Pourquoi devrions-nous mettre fin à une pratique que nous avons nous-mêmes inaugurée et qui permet au parti de s’exprimer sur les sujets brûlants de la semaine et qui donne l’occasion aux journalistes de poser toutes les questions qu’ils veulent, alors que ce modèle a été finalement copié par tous les autres partis ? » se demandent-ils

« Le PMSD, en saison parlementaire, tient des points de presse les vendredis, le Mouvement Patriotique autant que Resistanz & Alternativ ne rencontrent-ils pas la presse les samedis ? » arguent-ils, tout en disant souhaiter que ces rencontres avec la presse soient animées plus souvent par des dirigeants différents plutôt que par le seul leader.

La réflexion était donc à peine engagée sur toutes ces questions autour de la refondation du MMM que Steve Obeegadoo, revenu de l’étranger, a décidé de faire cavalier seul. Ceux qui sont exaspérés par son attitude opinent qu’il a préparé son coup dans la mesure où, après une absence de plus d’un mois du pays, il y a eu des annonces faites ici et là, dans les milieux farouchement anti-MMM que, dès son retour, il « allait casser la baraque. » Et qu’il a voulu se présenter comme étant le seul à vouloir réformer le parti.

C’est ainsi que les militants ont très peu apprécié que quelqu’un qui a brillé par son absence au lendemain de l’élection partielle et qui n’a pas participé aux délibérations post-électorales débarque comme si, selon ce qu’on a pu entendre dans certains milieux mauves, « Zorro est arrivé » et qu’il allait « casser un grand paquet. »

D’où les interventions pleines d’exaspération de certains membres du Bureau politique, normalement bien plus discrets, à la réunion de lundi dernier. Et qui avaient, eux, jeté tout leur poids dans la bataille pour faire élire Nita Juddoo. Pour plusieurs membres du MMM que Week-End a rencontrés, les propos de Steve Obeegadoo, pertinents sur certains sujets, sont tout à fait injustes sur d’autres.

Chaud partisan  de l’alliance PTr-MMM

Ils se souviennent ainsi que le “puriste” qu’il prétend être, contrairement à un Ivan Collendavelloo, pour ne citer que lui, était un des plus chauds partisans de l’alliance avec le PTr en 2014 et qu’il avait même été un des rares dirigeants du MMM à plaider pour une candidature de Michael Sik Yuen au N°17, ce ministre transfuge, passé du PMSD au PTr, qui avait dû présenter des excuses à l’Equal Opportunities Commission pour avoir, lors des municipales de décembre 2012, invité l’électorat urbain à voter pour l’alliance PTr-PMSD, faute de quoi il serait privé de l’aide de l’État.

D’autres, qui n’ont pas la mémoire courte et qui ne veulent pas laisser au président de la commission éducation le privilège de revendiquer le crédit de la vertu et de l’exemplarité, se rappellent aussi les gesticulations autour des affiches mauves qui étaient en préparation, début 2013, pour dénoncer le deal scandaleux entre Gooljaury et la SICOM autour de l’acquisition en VEFA d’un bâtiment à Ébène et qui ont dû être décommandées sur intervention d’un dirigeant du MMM et en l’absence de Paul Bérenger, qui était en traitement à Paris pour son cancer.

C’est dire que, si suite il doit y avoir à la fronde Obeegadoo, comme cela pourrait être le cas au prochain comité central, elle devrait s’annoncer assez âpre. D’un côté, le “soldat” Obeegadoo dontl’express lui-même disait hier dans sa version papier que « même s’il bénéficie de quelques soutiens timides parmi la direction du parti, il est de plus en plus isolé. »

Dans le camp de ses soutiens affichés, on retrouve, entre autres, Pradeep Jeeha qui, pour des raisons qui restent à être établies, semble avoir pris ses distances de son leader, avec qui il était pourtant en parfaite symbiose et Aadil Ameer Meea qui, lui, fatigué dans l’opposition, n’envisage son avenir qu’en ministre et qui serait prêt à accepter n’importe quelle offre digne et sincère, et quelques autres pour qui Paul Bérenger, avec son profil, représente un obstacle à leur rêve de maroquins.

Quant à ceux, la majorité,  qui y croient encore, ils ne sont pas loin de partager l’analyse livrée par un fin observateur de la politique mauricienne, Firoz Ghanty qui, analysant les résultats de la partielle, écrivait, dans le Mauricien du 12 janvier dernier, que ceux qui au Mouvement Premier Mai, à Resistanz & Alternativ et au Mouvement Patriotique qui ont pris des voix du MMM n’ont fait que conforter ceux qui règnent depuis 50 ans tout en étant parfaitement conscients qu’ils sont incapables d’assurer la moindre représentation parlementaire.

Firoz Ghanty observait aussi que « le MMM au gouvernement, c’est moins de désordre, moins de corruption, moins de favoritisme. Un point, c’est tout ! C’est le moins pire envisageable. Aucune autre solution n’existe. » C’est probablement à cela que ceux au MMM pour qui « la lutte continue » n’est pas un simple slogan, s’accrochent. Ça a l’air mince vu comme ça, mais en même temps, ce n’est pas rien.

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