MŒURS—ENSEIGNANTS-ÉLÈVES: éviter le faux pas

Cette année a été marquée par plusieurs affaires de moeurs impliquant des enseignants. L’affaire MITD, le cas de l’enseignant du collège Hamilton ou encore le récent scandale des SMS envoyés à une élève du CPE sont encore en mémoire. Tant et si bien que la Mauritius Family Planning and Welfare Association (MFPWA) a décidé d’organiser cette semaine un atelier de formation sur les abus sexuels à l’intention des enseignants. Mais dans la pratique, il semble difficile de situer les limites entre respect et familiarité.
Alors que le ministère de l’Éducation prépare encore son programme d’éducation à la sexualité, la MFPWA a voulu prendre les taureaux par les cornes cette semaine en proposant un code de conduite pour les enseignants. Vidya Charan, directrice de l’organisation, avoue avoir fait une telle démarche vu le nombre de cas d’abus en milieu scolaire rapportés récemment.
Elle ajoute que la formation doit désormais prendre en considération ces nouveaux éléments : « Jusqu’ici, nos sessions de formation pour enseignants n’avaient pas abordé l’aspect relationnel. Aujourd’hui c’est devenu un must. C’est pour cela que nous avons fait venir des professionnels dans divers domaines car il y avait la nécessité de se pencher sur ce problème de comportement. »
Le code de conduite de l’enseignant élaboré à cette occasion rappelle, entre autres, à celui-ci les limites qui s’imposent dans sa relation avec ses élèves, de même que son devoir de rapporter tout cas d’abus. Qu’il s’agisse d’un cas entre enseignants et élèves, entre élèves ou en dehors de l’école.
Sunil Jhugroo, président de la General Purpose Teachers’ Union (GPTU), s’appesantit sur ce dernier point. Il souligne qu’il est du devoir de l’école et des autorités de prendre les mesures nécessaires pour protéger les enfants. « Dans le cas de ce prof arrêté pour SMS indécents, le ministère avait été averti de ses antécédents. Il aurait dû avoir un severe warning, mais au contraire, il a eu l’occasion de récidiver. »
Sunil Jhugroo est d’avis que ce n’est pas avec des transferts punitifs qu’on va régler les problèmes de ce genre. « Un enseignant doit être un role model pour la société et à mon avis il faut prendre des actions sévères à l’encontre de toute personne qui commettrait des actes qui ne font pas honneur à la profession. »
Il ajoute que les enseignants « ne doivent pas oublier, en entrant dans la cour de l’école chaque matin, que les parents nous confient la responsabilité de leurs enfants. Ce n’est pas parce que l’enseignant est seul en classe qu’il croit qu’il a l’autorité absolue sur les enfants. Personne n’a le droit d’abuser de leur vulnérabilité. Respectons-les. »
L’éthique revisitée
L’éthique, le comportement, la formation sont autant de choses qui sont aujourd’hui remis en question, alors que ces affaires de moeurs ont éclaté au grand jour. Vinod Seegum, président de la Government Teachers’ Union (GTU) est lui d’avis que l’enseignant doit aujourd’hui faire face à de nombreux défis et que sa formation devrait le préparer à ces situations. « On connaît déjà le problème d’indiscipline, sans compter les parents qui sont de plus en plus agressifs. De même, certains jeunes n’ont aucun respect pour leurs enseignants. La formation devrait prendre tout ceci en considération et s’adapter à la réalité du terrain. Ce qui était enseigné il y a 30 ans n’est plus valable de nos jours. »
Parlant de la proximité entre enseignants et élèves, Vinod Seegum ajoute que par moments, la situation est très compliquée pour l’adulte. « J’ai rencontré l’autre jour une enseignante qui m’a raconté que dès le premier jour, ses élèves ont commencé à la tutoyer. Il ne faut pas banaliser le respect. Bien sûr, c’est à l’enseignant d’imposer les limites, mais l’école doit aussi apprendre aux jeunes à respecter leurs aînés. »
Un enseignant qui se déhancherait aux côtés de ses élèves lors d’une sortie scolaire ne pourrait être toléré, souligne Vinod Seegum. « Un enseignant doit avoir un standing », ajoute-t-il, en citant encore l’exemple de cet enseignant qui a débarqué dans une classe d’Enhancement Programme en short et boucles d’oreille.
À l’Assemblée nationale, en juin dernier, dans le cadre de l’affaire de l’enseignant du collège Hamilton, le député mauve Reza Uteem avait suggéré un « screening des futurs enseignants pour s’assurer qu’ils n’ont pas d’antécédents de délits sexuels. » Le leader de l’opposition Alan Ganoo avait suggéré des amendements à la loi dans ce sens, tandis que Le Premier ministre Navin Ramgoolam avait affirmé qu’il étudierait la question.
Comportement imprévisible
Mais pour ceux qui sont impliqués dans ce processus, il n’est pas toujours évident de prévoir le comportement d’une personne à l’avance. Alain Doolub, responsable des écoles primaires RCA, précise : « On fait beaucoup d’attention dans le recrutement et on prend le background des postulants en considération. On prend soin de faire des vérifications avant de faire un choix final. Malgré toutes les précautions qu’on peut prendre, c’est difficile de connaître le fond d’une personne. Il se pourrait qu’une personne qui se présente bien au départ et qui a toutes les qualités pour travailler avec des enfants après quelques années change de comportement avec ses collègues ou avec les élèves. »
C’est pour cela dit-il, que la Roman Catholic Education Authority (RCEA) met l’accent sur la formation continue : « La prévention est capitale et cela doit être un on-going process. C’est le cas dans notre secteur tant pour le personnel enseignant que pour les enfants. »
Alain Doolub précise qu’il n’y a pas de jour spécifique pour ce travail de prévention. « Celle-ci est introduite à chaque fois que nous rencontrons le personnel et dans toutes nos sessions de formation pédagogique. Nous demandons à nos enseignants d’être toujours vigilants et qu’ils ne doivent se permettre de se retrouver dans des situations compromettantes qui peuvent prêter le flanc à la critique. On leur conseille par exemple de ne jamais rester seul en classe avec un élève. »
Cette prévention se fait aussi à l’intérieur des écoles d’une manière régulière et subtile. Les Head Teachers doivent veiller à ce que chaque employé dans l’établissement, quelque soit sa fonction, agisse dans les paramètres. « À l’intention des élèves nous abordons certaines questions touchant le développement et la transformation du corps dans l’éducation générale et nous nous assurons à ce que le prof de la classe ait bénéficié d’un cours spécialisé pour en parler », ajoute Alain Doolub, qui précise que la formation humaine a malheureusement été négligée dans notre système éducatif.
À ce sujet, justement, le ministère de l’Éducation a décidé d’introduire, à partir de l’année prochaine, l’éducation à la sexualité dès l’école primaire. Une démarche tant attendue, mais qui suscite déjà des commentaires.
Vidya Charan dit accueillir cette démarche favorablement. Elle précise toutefois : « La formation qui sera dispensée aux enseignants à cet effet doit aborder l’éthique, afin que d’une part, l’enseignant se sente à l’aise, et d’autre part, il n’y a pas de dérapage. »
Vinod Seegum préfère, lui, que ce soient des resource persons qualifiées qui dispensent cette formation. « Ce serait assez gênant pour un enseignant du mainstream qui côtoie ses élèves toute la journée d’intervenir sur un tel sujet. En même temps, il n’aura pas suffisamment de temps pour aller se documenter sur la question. Je préfère que ce soient des personnes qualifiées en la matière qui animent ces classes. »
Le président de la GTU reconnaît toutefois qu’avec le développement précoce, les enfants doivent avoir une éducation à la sexualité. Quant aux enseignants, cela relève de leur responsabilité d’imposer les limites à ne pas franchir.

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