MŒURS POLITIQUES: Après l’indignation, l’oubli, le silence…

Il y eut ces propos du VPM où il était question de djihad, de revolver, de ‘mo touy li’ conditionnel. Avant  cela, une longue liste de scandales, suivi du refus de sanctionner et de la banalisation d’actes pourtant répréhensibles. De quoi enclencher et maintenir de manière continue dans la population des indignations aux tons et degrés variés. Mais à quoi servent ces indignations, sinon à nous donner bonne conscience, à faire croire que nous ne sommes pas indifférents aux malheurs qui frappent notre pays?
Limites de l’indignation
Les écrits dans les médias, les conférences  de presse et les échanges privés sur les excès des puissants ont une utilité certaine. L’information étalée sur les scandales nous fait comprendre le pourrissement du contexte dans lequel se déroule la gestion des affaires publiques. Toutefois, cet étalage, aussi documenté qu’il puisse être, comporte des limites. Car même s’il enclenche notre indignation, celle-ci ne fait bouger personne. Du moins pas des gens qui ne peuvent être le moindrement préoccupés par des propos avancés avec civilité. Eux ne comprennent pas ce langage codé des sociables, ne comprennent pas le langage de la carotte, ni les formules de politesse, les démonstrations maniérées qu’ils interprèteront comme signes de poltronnerie.  Si vous êtes forts, semblent-ils nous dire, vous aurez depuis longtemps frappé fort, et non pas vous réfugier dans des phraséologies d’un bon vouloir de dialoguer. Tout appel à la négociation n’est-il pas perçu comme signe de faiblesse?
C’est pour dire que l’impression d’une indignation généralisée, par exemple suite aux propos tenus par le VPM et relayés par les médias n’ont eu très peu d’effets sur les autorités et individus de qui la population attendait à des réactions plus rassurantes et intelligentes. A la place, on a eu droit à des phrases vides, une banalisation de la faute, un renvoi à des clichés genre les-la-polis-fer-so-travay qui se traduit littéralement en laisser la place au temps, et après on verra. Mais après, ce ne sera plus nécessaire. Tout sera oublié. L’énième indignation provenant d’un récidiviste fauteur sera remplacée à la une des journaux par un autre scandale. Comme un clou qui chasse l’autre.
Inflexibles puissants
C’est pour dire que l’indignation en elle-même ne mène à rien chez ceux contre qui elle est dirigée. A elle seule, l’indignation n’entraîne pas de changement chez ceux qui sont convaincus d’être trop forts, puissants et d’être détenteurs de tous les pouvoirs, incapables de relativiser, incapables de penser un instant que le pouvoir qu’ils possèdent n’est que de nature éphémère.  
Ceux qui pensent qu’une série d’interminables scandales suffirait pour faire plier un gouvernement se trompent énormément dans leurs calculs et projections. La logique mathématique des suites et séries ne mènera pas à un chamboulement dans la manière d’octroyer des privilèges, surtout lorsqu’il s’agit d’enrichir les proches du pouvoir. Ceux-là attendront longtemps qui espèrent voir l’indignation, de quelque ampleur qu’elle soit, se transformer en révolte. On ne brûle pas aussi facilement les étapes dans ces circonstances-là.
Hier, les notaires ont crié leur indignation sur une affaire de contrats. Mais que l’on se rassure, il ne se passera rien. Et ce sera business as usual demain…
L’indignation : une étape
‘Indignez-vous’ écrivait Kessel comme titre de son best-seller. On aurait pu invoquer le même cri chez nous si l’indignation n’était pas perçue comme la fin d’une revendication juste, alors qu’elle n’est qu’une étape. Une étape certes essentielle, mais une étape, et rien qu’une étape, dans une démarche de vrai changement.  
 La route pour  un  changement dans le comportement des puissants et des détenteurs de pouvoir, est longue : la distance à parcourir dépendant de l’influence que l’indignation peut exercer. Le nombre d’indignés compte peu. Encore moins quelque petit groupe de  victimes affectées, ou des mêmes travailleurs sociaux ou des médias libres qui montent chaque fois au créneau, ou les politiciens de l’opposition. Leurs propos génèrent peu de pression auprès des puissants qui croient qu’ils détiennent un pouvoir sans bornes.
Par contre, une indignation peut être entendue. Tout va dépendre de la composition du groupe mécontent, sa circonscription, sa communauté, son potentiel de nuisance, sa capacité de changer d’affinités partisanes, ou de  son influence sur l’économie.  Pour réagir enfin à une indignation, on pense beaucoup.  C’est tout comme avant de proférer des menaces de mort contre son ennemi, il y a calcul : la communauté, le poids politique et la capacité de riposte de sa cible.
Conclusion
La population a pris depuis quelques années l’habitude d’être indignée, sans que soit visible quelque amélioration dans la manière dont elle est traitée. L’indignation a montré ses limites puisqu’elle ne mène pas à une prise de conscience de la nécessité de s’engager pour obtenir plus de respect. Elle  découle essentiellement de l’émotion et oublie le recours à la raison. Elle se complait dans les mots vis-à-vis des puissants que la critique orale arrange. Cette situation perdurera jusqu’au jour où le ras-le-bol poussera le peuple à dire, comme avec les enfants : « Koze pa ase, bizin bate »…

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