Musée du Quai Branly, Paris : exposition majeure et inédite sur Madagascar

Le musée du Quai Branly, à Paris, accueille à partir du 18 septembre une exposition sur les arts malgaches, à travers le temps et l’espace, d’une envergure telle qu’aucun événement similaire n’y a été consacré en Europe depuis l’exposition à caractère ethnographique de 1946. Quelque 360 œuvres venues des collections du musée, d’autres musées français et surtout de l’Institut des Civilisations et du Musée d’Art et d’archéologie d’Antananarivo y seront présentées dans un parcours, qui met aussi la création contemporaine en valeur, prouvant la continuité et la fécondité des expressions de la grande île. Madagascar, arts de la grande île se décline en trois grandes parties: le pays en tant que carrefour majeur d’influences depuis des siècles, l’art du monde des vivants et les objets du quotidien, et enfin le rapport aux mondes invisibles et au monde des morts.

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Madagascar a pu faire l’objet de nombreuses publications dans le domaine des arts plastiques, mais rarement sous l’angle de l’histoire de l’art. Or, sans un regard d’ensemble renouvelé sur la richesse et le dynamisme des expressions de la grande île jusqu’à nos jours, on ne pouvait en quelque sorte qu’en rester à une vision morcelée de cette civilisation, ou pire encore aux analyses à caractère le plus souvent ethnographique de l’époque coloniale. En rassemblant des témoignages très anciens, avec des pièces archéologiques, et très actuels avec des œuvres d’artistes vivants, Madagascar. Arts de la grande île rend compte de l’histoire et de l’histoire de l’art de notre principal pays voisin sur près de dix siècles.

« Cette anthologie, nous écrit-on, vise également à sortir d’un discours et d’une perspective coloniale émaillée de jugement et d’apriori. Par le dynamisme des expressions actuelles et la force des œuvres antérieures, les arts de Madagascar n’appartiennent pas au passé. À la croisée des mondes, ils ne peuvent être comparés à ce qui se fait ailleurs, se déploient sans contraintes de style ou de motifs et révèlent ici toute leur singularité. »
L’exposition, qui ouvrira ses portes au public du 18 septembre prochain au 1er janvier 2019, s’articule en trois parties, soit trois temporalités différentes. La première section situe Madagascar à l’échelle de l’histoire dans l’espace et le temps, notamment en retraçant les influences qui l’ont traversé depuis ses origines, qu’elles viennent de régions africaines, arabes, indiennes ou austronésiennes (Asie du sud-est), puis européennes à partir de 1500. De nombreux objets archéologiques évoquent notamment les forces politiques et sacrées anciennes, de nombreuses autres des XIXe et XXe siècles illustrent la constitution du royaume malgache et celle de la colonisation française.

À hauteur d’hommes, la deuxième section se penche sur le monde des vivants et les objets du quotidien. Elle permet ainsi de définir les contours du design malgache en architecture, dans le mobilier, les ustensiles ainsi que les nombreux objets et effets personnels, le tout étant régi par le zodiaque malgache, le vintana. La troisième section explore quant à elle le monde des morts, l’imaginaire et les mondes invisibles, parallèles et intangibles. Partout présents dans les différentes cultures qui forment la mosaïque malgache, les esprits et les ancêtres, les croyances et le sacré se matérialisent à la fois à travers les ustensiles utilisés dans les rituels sacrés, de nombreuses sculptures et amulettes ainsi qu’un art funéraire, qui peut être monumental, aussi grand en tout cas que cette conviction très ancrée que la mort est un autre voyage…

Création contemporaine

Outre la tisserande Madame Zo et le plasticien (peintre et sculpteur) Temandrota, le photographe Pierrot Men illustre la créativité contemporaine malgache à travers 18 clichés, qui valent autant par leurs qualités esthétiques, leur lumière pénétrante et leurs compositions équilibrées, que par leur valeur documentaire sur le quotidien des Malgaches et comme le dit l’auteur lui-même : « les petites choses de la vie qu’on oublie de regarder ». Les images que le commissaire d’exposition a choisies parmi une centaine, apportent des vues venant des 18 régions culturelles, ou tribus malgaches. Dans le sud, à Vatomandry, un pêcheur surgit comme un géant au premier plan grâce à la contre-plongée, récolte des prises peu nombreuses dans un immense filet qui capte la lumière. Les nuages lumineux, le sable et la mer en mouvement donnent beaucoup de texture et de nuances à cette composition qui renvoie à l’imagerie du semeur.

Plaçant toujours l’humain au centre de la démarche, ces photographies montrent par exemple le travailleur ou le marcheur solitaire, sur la route, dans les rizières d’Ambohimahasoa, l’enfant perché sur les fours à brique… Il est également représenté dans une file indienne cheminant pesamment vers l’embouchure dans les mines d’Ilakaka. Outre plusieurs lieux sacrés, tels que le Joro d’Andringitra, ou encore les tombeaux Mahafaly qui racontent la vie du défunt, figure aussi une image symbolique émouvante d’un ancien combattant de la révolution de 1947, un vieil homme aussi droit que la lance, ou lefona, qu’il tient à côté de lui en hommage aux insurgés, lors d’une commémoration du 29 mars 1947 à Fianarantsoa, la capitale du pays betsiléo. Il fait face dans toute sa fierté et la fragilité de son âge à un défilé militaire autrement outillé.

Toute une programmation est prévue parallèlement à l’exposition pendant les quatre mois à venir. Un atelier consacré aux amulettes, un week-end à thème sur métissage et insularité, des projections de films documentaires, une lecture de contes, ainsi que différents concerts et spectacles autour de la chanson (Kristal) ou du kabare malgache Hira Gazy, ainsi enfin qu’un grand colloque annoncé sous le thème « Patrimoine, création et société à Madagascar ».

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