MUSIQUE: Benoît Sauvé, une flûte crédible…

Le jazz, dans l’imaginaire profane, c’est une envolée lyrique d’une trompette en sourdine, d’un piano erratique, d’une voix suave, accompagné souvent d’une basse qui prend sa liberté. Mais c’est sans compter sur Benoît Sauvé qui a bousculé, hier au Ernest Wiehe Jazz Festival, les idées reçues en vue de faire accepter la flûte à bec. Il sera ce soir au Z Club@Banana Beach Club à Grand-Baie.
Flûte à bec. Ce n’est peut-être pas la sensualité d’un saxo, ce n’est pas l’ambiance piano-bar et le type d’instrument à l’esprit jazz, du moins de l’image qu’on s’en fait. Pour ceux qui auront eu la chance d’étudier les rudiments de la musique à l’école, il est l’instrument barbant, souvent imposé, qui finira au fond d’un tiroir… en pièces détachées.
De la flûte à bec, c’est encore acceptable (tolérable ?) dans un Tchaïkovsky… mais pas dans le jazz ! Pas forcément parce que l’instrument souffre d’un déficit en attitude. Mais parce qu’« à l’origine, ce n’est pas une technologie adaptée à cette musique », explique Benoît Sauvé. « Ça rend les choses beaucoup plus compliquées à cause des chromatismes (NdlR : gammes chromatiques, essentielles au jazz). En guitare par exemple, il y a des cases, etc… »
Benoît Sauvé se donne du mal. Déjà, il est gaucher. Ce qui veut dire : jeu de mains inversé et passage obligé chez le facteur à flûtes pour customiser l’instrument… Et puis, côté technique, cela donnera « jonglage permanent », « gymnastique pour les doigts », un savoir-gérer le souffle pour ajuster la hauteur des notes, tout un timing pour « éviter les couacs » ou en ajouter subtilement, pour le « côté dirty ». Pourquoi s’obstiner avec un instrument plutôt ingrat ?
À l’école de jazz qu’il fera sur Paris, on lui conseillera de laisser cet « instrument puéril ». C’était jusqu’à ce qu’il tombe sur un professeur, « vrai papi du jazz » qui lui apprendra que le « quand on arrive à développer un jeu crédible, tout devient possible ».
Rendre possible, est-ce là ce qui pousse Benoît Sauvé à prendre la flûte ? Non, le musicien vient à la flûte par hasard, voire par fatalité. De son village en Picardie, il tombe dessus à l’école… Puis il découvre deux ou trois CD de jazz de son frère. C’est le déclic. Et il ne s’en séparera pas. « De toute façon, on n’avait pas les moyens pour un autre instrument. » Pour l’anecdote, il utilise toujours des flûtes en plastique à l’occasion, à même pas 20 euros.
L’histoire Sauvé, romanesque, est un peu celle d’un instrument qui finit entre les mains d’un enfant « pas plus doué que les autres » que le jazz aura choisi. Et comme pour certains de ses illustres représentants, Benoît Sauvé est autodidacte. « Oh, pas plus de talent que les autres… Moi, c’est du boulot. »
Lors du festival, place à l’improvisation. Pas de l’à-peu-près, mais de cette impro « codifiée » avec cette science de l’harmonie. On n’improvise – au sens profane – l’impro jazz. En duo ou quartet, certains automatismes s’acquièrent, une façon de se comprendre par le jeu, la parole ou « la simplicité » des rapports humains.
Avec Cédric Baud, guitariste français, il y a déjà du chemin sous la godasse. Le défi alors ? Créer ce lien avec Kersley Palmyre, bassiste, et Jim Bachun, batteur, tous deux Mauriciens. Ils ne se connaissaient pas avant. Découverte en règle pendant les répétitions. Et là vraiment, « Jim et Kersley s’adaptent à tout ».
À quoi s’attendre lors du concert ? « Au niveau rythmique, on a bossé la musique des Antilles, de Cuba, du Brésil ». Tout faire pour rester accessible. Le Benoît Sauvé Quartet – composé de Sauvé, Baud, Palmyre et Bachun – était en concert d’ouverture du Ernest Wiehe Jazz Festival hier soir à l’hôtel Le Tamarin. La formation donne également rendez-vous au Z Club@Banana Beach Club de Grand-Baie ce soir.

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