MUSIQUES—TIKEN JAH FAKOLY: « L’Afrique est en marche ! »

Il en est à son troisième passage chez nous. Après l’éclatant concert dans le cadre du festival Reggae Donn Sa en 2009, Tiken Jah Fakoly, le nouveau prophète africain de la planète reggae, sera à nouveau sur scène ce soir sur le terrain de foot de GRNO. Hier, il a rencontré la presse et officié à l’inauguration d’une école de musique à Petite Rivière-Noire. Extraits d’une rencontre riche en enseignements avec un artiste hors pair, engagé jusqu’à l’os, car convaincu que le continent africain, « tout jeune du haut de sa cinquantaine d’années d’indépendance, comparé aux 100 ans des pays d’Europe par exemple, est en marche ! »
Relax, mais les traits encore un peu tirés très probablement par le voyage, Tiken Jah Fakoly, fidèle à son humilité et sa modestie légendaires, se prête jovialement et franchement au jeu des questions-réponses et des poses pour les appareils photo, malgré une maigre présence médiatique, les médias étant probablement davantage retenus par l’événement à caractère historique de ce vendredi 5 juin, soit l’accession à la présidence de la République de la première Mauricienne, en l’occurrence Ameenah Gurib-Fakim. « Voilà justement un trait d’évolution positive en ligne avec la philosophie que nous prônons et à laquelle nous aspirons pour tout le continent africain ! » décline d’ailleurs Tiken Jah Fakoly, sollicité sur la question. L’auteur-interprète de Dernier Appel, son plus récent opus, exprime sa « grande joie » et sa « satisfaction » lorsqu’il a appris, « dès que je suis descendu de l’avion hier (Ndlr : le jeudi 4) que Maurice allait avoir une femme comme chef d’état ». Et l’artiste de poursuivre : « C’est une marque de confiance à l’intelligence du coeur qu’ont davantage les femmes contre les hommes qui, eux, pensent d’abord à faire la guerre… C’est navrant. Car ils font passer le droit à l’éducation, par exemple, en seconde position, dans ces cas de figure. Et on oublie alors que le continent africain a besoin d’éducation pour grandir, apprendre à marcher et concurrencer les autres continents. Ici, à Maurice, vous avez réalisé cela. Et c’est dans cette optique que nous inscrivons notre combat pour réveiller l’Afrique. » La femme, dans la vie et la carrière de Tiken Jah Fakoly, « tient une place primordiale ». Il explique : « D’abord, pour nous Africains, la femme est synonyme de la mère, la vie qui nous est donnée. Pour moi, la femme occupe une place de choix. D’ailleurs, mon premier régisseur était une femme… »
L’Afrique, on le devine au ton passionné de Tiken Jah Fakoly, est au centre de ses inquiétudes. « L’Afrique est un tout jeune continent, explique-t-il. Avec notre moyenne de 52 ou 53 ans d’indépendance, puisque la plupart de nos pays y ont eu accès dans les années 60’, nous sommes encore tout jeunes comparés aux pays d’Europe, par exemple, qui comptent 100 ans d’indépendance. C’est compréhensible qu’eux représentent les puissances du monde et que l’Afrique apprend encore à se mettre debout ! » Toutefois, nuance-t-il, « il ne faut pas sous-estimer notre potentiel ». Et c’est là que s’inscrivent justement le combat et l’engagement de Tiken Jah Fakoly : « L’Afrique se réveille. Elle est en marche ! Et c’est en éduquant nos jeunes que nous allons réussir à faire de l’Afrique la prochaine puissance mondiale. » Les précédentes générations, rappelle l’interprète de Ouvrez les frontières, « n’ont pas eu la chance d’être éduqués, raison pour laquelle nos pays n’ont pas avancé… » !
Dans le même ordre d’idées, estime celui qui chante avec toute sa conviction Plus rien ne m’étonne, un des titres phares de son répertoire, poursuit : « Nous, Africains, avons connu l’esclavage. Il y a ainsi plusieurs “habitudes” qui collent à la peau, notamment la perception dans la tête de certains qui occupent des postes clés, comme des chefs d’État par exemple, qu’ils sont là pour durer éternellement. Ainsi, ils cumulent les mandats – deux, trois, cinq – à la tête d’un pays qu’ils appauvrissent totalement… Cela ne peut plus durer. C’est pour cela que nous, dans notre politique, on prône le changement. L’alternance est primordiale. »
Tiken Jah Fakoly concède de fait que « le changement arrive ». Celui qui chante On a tout compris admet que « graduellement, on y arrive ». Ce soir, sur scène, Tiken Jah Fakoly puisera une fois encore de toute son âme pour son tour de chant sur la scène du terrain de foot de GRNO. Son public, car il a durant ses deux premières prestations désormais acquis cela auprès des Mauriciens, saura lui rendre hommage, souhaitons-le.

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