Ne nous indignons pas !

Diego, un gamin de cinq ans venu passer chez nous des vacances est mort, écrasé sous un portail. Les bons mots de réconfort du ministre du tourisme, son soutien moral à la famille de l’enfant, la visite du directeur de la MTA sont des gestes tout à fait normaux, et même, nécessaires. La sincérité du ministre n’est nullement mise en doute. Il y a aussi cette promesse de sanctions sévères à l’encontre des resquilleurs qui font fi des réglementations qui va dans le bon sens. Si à la place de Diego, c’était un écolier mauricien qui avait péri sous le portail d’une école, notre ministre de l’éducation aurait abondé dans le même sens, son directeur de zone aurait effectué une visite des lieux et le ministère aurait sans doute promis des sanctions sévères à l’encontre des contracteurs qui ne respecteraient pas les normes. Quand la transgression vient de sa paroisse, il est normal que le curé en chef monte au créneau et qu’il demande à son sacristain de service de tâter le pouls de sa curie. En passant, j’ai récemment vu des « taxi maron » racoler des touristes à l’arrêt de bus du centre commercial de Cascavelle : qui, du ministre du tourisme ou de celui des infrastructures publiques et des transports, endossera la responsabilité en cas d’accident ?
Nous avons perdu depuis belle lurette tout espoir d’entendre notre gouvernement dire d’une seule voix ce qu’il fera pour protéger des vies humaines. Ne nous indignons surtout pas (pardon Stéphane Hessel) et comprenons nos chers dirigeants. Ils en ont plein la calebasse : ils doivent plaire à leurs agents, ils doivent trouver des postes pour leurs protégés, ils doivent penser à leur réélection ou, probablement, à leur après-défaite, à leur pension, à leurs voyages. Il y en a même un qui doit faire le ménage dans « la case diab ». Quel sacerdoce ! Ils seraient donc bien avisés de songer à employer des professionnels qui pourraient penser à leur place. Ce ne sont pas les professionnels-chômeurs qui manquent à Maurice.
Dans un article paru dans la page Forum du Mauricien du 6 avril 2015, intitulé « un deuxième Raj Dayal ? », je suggérais un ministère de la protection de la vie humaine qui « emploierait des ingénieurs, médecins, psychologues et autres professionnels ayant la capacité d’anticiper tous ces dangers qui nous guettent au quotidien ». J’écrivais, entre autres : « Que nos élus nous épargnent leur artificieux cri d’effroi à la prochaine mort d’homme par négligence si, entre-temps, ils ne font rien pour protéger la vie de tous ceux qui vivent ou transitent sur cette minuscule parcelle de terre : bébés, enfants, adultes, riches, pauvres, vieux, touristes, investisseurs, travailleurs chinois, bangladais, malgaches… Nous ne voulons plus de vos grandiloquents discours sans lendemain, mais des actions concrètes. » Bien évidemment, l’écho de ma modeste et ridicule voix n’a jamais atteint la dorure du sommet. Je constate aussi que, mis à part le ministre du tourisme, aucun autre membre du gouvernement, semble-t-il, n’a poussé de cri à la mort de Diego. C’est toujours une hypocrisie de moins.
Messieurs les dirigeants, réveillez-vous ! Les dangers sont partout : dans nos maisons, sur nos routes, dans nos bazars, dans nos églises, dans nos usines… pas besoin d’ouvrir trop grands les yeux pour les voir. Il ne suffit que d’un peu de volonté (surtout pas politique, elle fait peur).
Par Toutatis, ma conscience, cette bonne âme, me reproche ma médisance. Le gouvernement aurait, selon elle, déjà commencé le travail. Charité bien ordonnée commençant toujours par soi-même, l’État n’a pas lésiné sur les moyens pour renforcer la sécurité autour de ses ministres. Même les seconds couteaux bénéficient maintenant de garde rapprochée. Oups !

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