NEUVIÈME ART : De la bande dessinée à la découverte du lieu

Quand le 9ème art investit les lieux du patrimoine, l’histoire, le lecteur est embarqué dans un album qui traduit par le biais du dessin, l’humour, l’évasion pour un voyage à Tamarin Matin. C’est le titre de la dernière publication en date de Jan Maingard, connu également pour ses petites histoires grivoises et autres poèmes en créole. Jan Maingard se met en scène lui-même dans ses planches et fait visiter le village qu’il habite sur la côte-ouest de Maurice à deux visiteurs. Tamarin, côté mer et côté salines et four, a donné lieu à une BD plutôt documentaire et pédagogique. Un lieu suscite une oeuvre d’un genre nouveau, support d’une exceptionnelle créativité. Jan Maingard peut se définir comme dessinateur-auteur. Après, on peut rentrer plus loin dans les détails, puisqu’on peut dire même plasticien, etc. Mais en fait, dessinateur-auteur, c’est ce qui correspond le plus à l’homme d’affaires mauricien. C’est-à-dire de travailler par le biais de l’image, du dessin, sur les rapports entre l’écrit et l’image, et ça, ça peut s’adapter à son village natal. Jan est plus dans une sorte d’observation des choses qu’il traduit minutieusement. Aussi bien du monde végétal, historique, géologique qui est au centre de son livre. Mais c’est vraiment une approche d’observation, un peu comme une sorte de reportage journalistique, ou alors comme un scientifique qui fait des études, et qui regarde une matière donnée : “Tamarin enn ti vilaz lor la kot wes Moris, kosté avec labé Tamarin. Lépok li ti nek enn vilaz péser, azordi zouur linn vinn enn landrwa touristik é bann surfer lokal é deor gagn so bann spot mari bonn… Lontan lao montagn Tourell ti ena enn stasion pou donn sinialman bato. Zwazo payenké touzour apé fer nik dan falez lao. Anba montagn-la éna lasalinn mé so four-a-so inn arett marsé depi lontan…” Chaque étape de la visite se construit petit à petit et l’on découvre Wolmar, Tamarin, Vilaz, Lasalinn. Côté graphique les choses se construisent en fonction de la technique, d’encre, de peinture qui vont servir à dessiner les thématiques autour de Tamarin. Les images sont mises les unes à côté des autres pour tenir un discours sur le patrimoine local. Jan Maingard raconte une journée à Tamarin sous forme d’images. La bande dessinée traduit par le dessin le mouvement, le portrait des gens, la représentation des moeurs du village. Le temps vient s’ajouter à tout cela pour donner une dimension supplémentaire à la succession des dessins, la juxtaposition, le mélange du texte et de l’image. Le style du livre permet aisément la lecture. Jan Maingard sait susciter l’envie et la curiosité d’entrer dans l’univers de la BD. Si cette bande dessinée d’abord peut donner l’impression de ne pas créer de grande surprise à ceux qui connaissent déjà Tamarin, il faut lire l’album jusqu’à la fin pour trouver cette mine d’informations que recèle le livre sur l’endroit. Il y a le village où l’on pêche, où l’on surfe, il y a les salines en dalles de basalte et c’est là la partie la plus intéressante et informative du livre. On apprend beaucoup sur le “rékoltaz” du sel, travail contraignant pour les femmes. Les visiteurs font connaissance avec le magasin et la préparation de la fleur de sel. On trouve aussi des informations sur les produits dérivés : “kapav gagn bann prodwi natirel seconder an ti kantité, kouma silfat, karbonatt, kalsiom, potasiom, é bromid magnéziom. Ena osi klorir kalsiom, potasiom e magnéziom…” Tamarin Matin se révèle très instructif pour ceux qui partent en excursion dans l’ouest et qui trouvent dans un album coloré un véritable guide concernant Lasalinn (Les Salines) et les techniques traditionnelles qui permettent d’extraire le sel de la mer. “Asizé nou pozé nou rakonté. Ala nou’n fek swivré sémin alimanter depi bord la mer. Alimanter mem dimun ki pli importan dan lasalinn. Promié dabor li pou verifié lamaré anvan li larg laponp. Apré, li pou réglé tou ti bouson…” Et ainsi de suite poursuit Jan Maingard dans une langue savoureuse et propre à lui.