Nominations – On ne change pas une équipe qui perd

Les candidats battus aux dernières élections Eddy Boissézon, Mahen Jhugroo, Seety Naidoo et Shakilla Jhungeer casés

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Ken Fong a, comme si de rien n’était, repris son fauteuil de maire des villes soeurs en attendant d’être parachuté à la CWA

Les écartés Pradeep Roopun, Showkutally Soodhun, Maya Hanoomanjee et Marie-Claire Monty vite recyclés

Pour « contribution exceptionnelle » à la dernière campagne et déjà récompensés : Sooroojdev Phokeer et Sherry Singh

 

On connaissait l’expression « on ne change pas une équipe qui gagne », mais il semble  qu’avec la nomination de candidats sèchement battus aux dernières élections générales, l’île Maurice est bien partie pour transformer l’adage en version tropicale et que ce soit désormais « on ne change pas une équipe qui perd ». Dans la catégorie de ceux qui ont été « viré mam » par le peuple, Eddy Boissézon, Mahen Jhugroo, Seety Naidoo et Shakilla Jhungeer. De toute la bande à laquelle le peuple dit admirable a indiqué la porte de sortie, c’est sans conteste Eddy Boissézon du Muvman Liberater qui décroche la timbale avec son installation surprise à la vice-présidence de la République. La modeste sixième place obtenue à Curepipe/Midlands, circonscription à laquelle l’ancien ministre des fonctionnaires s’essayait après un retour tumultueux sur le terrain au No 15 où il avait été élu en 2014, ne semble pas avoir posé un problème d’éligibilité à ce poste dont on aurait pu penser qu’il requiert l’observance d’une certaine distanciation de la chose politicienne. Loin de là.

Ivan Collendavelloo, lui-même élu in extremis au No 19, a, en fait, beaucoup insisté pour que son poulain et fidèle lieutenant Eddy Boissézon soit rapidement casé après les dernières élections. Et c’est ainsi qu’il a atterri à la vice-présidence, une des sinécures les plus convoitées de la République, assorti d’un salaire mensuel de près de Rs 255 000 qui est, en plus, non-imposable.

Mahen Jhugroo, un pilier de l’empire Jugnauth, a lui aussi bénéficié d’une nomination rapide à l’ambassade de Maurice à Washington. Une affectation qui a tout pour surprendre ceux qui auraient pu penser que l’absence flagrante de diplomatie de ce personnage, plutôt bourru, à classer dans la même catégorie qu’un Showkutally Soodhun ne le destinait pas à un poste de représentation diplomatique.

Mais puisqu’il s’agit du pays de Donald Trump, c’est peut-être un genre de réciprocité qui, dans ce cas-là, a été considéré. Mahen Jhugroo avait commencé sa carrière de député en 2000 au No 4, Port-Louis Nord/Montagne-Longue. Il avait été réélu en 2005. Il a dû toutefois migrer au No 12, Mahébourg/Plaine-Magnien lorsque le MSM contracte une alliance avec le PTr et le PMSD en 2010.

Il a été élu dans cette circonscription lors des scrutins successifs de 2010 et de 2014 et, cette année, pour ne pas avoir à côtoyer son colistier du parti, Bobby Hureeram, avec qui les relations s’étaient considérablement dégradées, Pravind Jugnauth l’a envoyé au No 15, La Caverne/Phoenix pour faire face à l’électorat.

Hélas, Mahen Jhugroo n’a pas été comme le phoenix qui renaît de ses cendres et c’est au fond de la caverne qu’il s’est retrouvé, lui qui pourtant connaît très bien la circonscription pour avoir été maire de la ville de Vacoas/Phoenix et qui vient d’une famille très connue de la région.

L’élève qui devance le maître

Mahen Jhugroo, qui va représenter la République de Maurice en janvier à Washington, ne s’est classé qu’à la cinquième place au No 15, loin derrière deux candidats de l’Alliance Nationale, Kushal Lobine et Patrick Assirvaden, et même son néophyte de colistier Gilbert Bablee. Un peu comme l’élève qui devance le maître.

Dans la catégorie des candidats battus qui sont en conversion dans la diplomatie, il y a aussi Françoise Labelle, l’associée de Steven Obeegadoo au sein de la plate-forme militante. Elle n’est sortie que huitième aux dernières élections dans la circonscription qu’elle a longtemps représentée, le No 16, Vacoas/Floréal.

Françoise Labelle est l’ambassadrice désignée de Maurice en Afrique du Sud. Avec cette nomination, la boucle est bouclée pour la bande à Obeegadoo. Tous casés autant qu’ils sont, soit 2 sur 2 !

Un autre candidat battu qui a assez rapidement été réinstallé est Seety Naidoo. L’homme de confiance d’Ivan Collendavelloo ne s’est classé que sixième au No 19, Stanley/Rose-Hill. Cela ne l’a pas empêché de retrouver, un mois après les élections, son poste de président du conseil d’administration du Central Electricity Board. Et, bien entendu, les syndicats « lèche-bottes » comme les décrit Vinod Seegum, n’ont rien eu à redire de ce cirque politique et de ce va-et-vient indécent.

Ken Fong, le maire, qui n’avait même pas démissionné de son poste pour se porter candidat aux élections a, lui, repris, comme si de rien n’était, son fauteuil de maire de Beau-Bassin/Rose-Hill où il trône indéfiniment depuis les municipales de 2015.

Cet autre bras droit du leader du Muvman Liberater s’était présenté au No 20, Beau-Bassin/Petite-Rivière où il a été balayé par les trois candidats du MMM, Rajesh Bhagwan, Karen Foo Kune et Franco Quirin.

Déçu de ne pas avoir obtenu les faveurs des Beaubassinois malgré sa certitude d’avoir accompli un grand travail aux villes soeurs, Ken Fong pourrait se voir parachuter à la direction de la Central Water Authority, organisme que contrôle son leader Ivan Collendavelloo.

La toute dernière candidate battue qui s’est vu offrir un job dans un organisme public n’est autre que Shakila Jhungeer, dont l’histoire politique, pour courte qu’elle soit, n’en a pas été moins intense, voire cocasse. L’avocate est présentée au Sun Trust en mars 2014 comme une nouvelle recrue de choix pour le MSM, mais se voit privée d’investiture aux élections générales de la même année, la direction orange lui préférant l’entreprenante Roubina Jadoo-Jaunboccus. Mais une fois le MSM au pouvoir, Shakilla Jhungeer est nommée comme un des assesseurs de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC). Elle se fait remarquer lorsqu’elle démissionne de manière intempestive de la commission pour protester contre la lenteur du directeur de l’ICAC, Lutchmyparsad Aujayeb, à faire évoluer le dossier du DPP et de l’affaire Sun Tan.

Une histoire de démissions

L’affaire fait grand bruit. Elle est convoquée devant le comité de l’ICAC lors d’une réunion demandée par Shakeel Mohamed, mais elle ne se présente pas. Au contraire, suivant une demande du Premier ministre d’alors, Sir Anerood Jugnauth, elle reprend sa lettre et, quelques mois plus tard, c’est le directeur de l’ICAC lui-même qui s’en va.

Le désir de députation étant intacte, Shakila Jhungeer démissionne de l’ICAC pour de bon cette fois, et cela à quelques jours du dépôt de candidatures pour les élections générales du 7 novembre. Elle se présente au No 2, Port-Louis Sud/Port-Louis Central, mais elle est sévèrement battue et ne se classe qu’à la huitième place.

Une protégée étant une protégée, la candidate battue a été nommée au conseil d’administration d’Air Mauritius dont la première réunion sous la présidence de l’insubmersible Dev Manraj, 70 ans, s’est tenue en début de semaine.

Les nominations ne s’arrêtent pas aux candidats battus, il y a aussi ceux qui ont été écartés de la course électorale elle-même. Pradeep Roopun, Maya Hanoomanjee et l’ancienne PPS, Marie-Claire Monty, passée du PMSD au MSM, ont été vite recasés.

Pradeep Roopun a raflé le « top job », soit cinq ans de sinécure à la State House. Maya Hanoomanjee a, elle, non pas été « ordered out » sans ménagement, mais elle est partie pour embrasser une nouvelle carrière dans la diplomatie, puisqu’elle dirigera prochainement la mission mauricienne à New Delhi. Quant à Marie-Claire Monty, elle aussi, fera ses valises bientôt pour Canberra où elle prendra le relais de la protégée du Premier ministre adjoint, Christelle Sohun, qui se verrait éventuellement mutée dans une capitale européenne comme Berlin.

Le tremplin de Sherry Singh

Au chapitre des nominations, il y a la troisième catégorie, celle des récompensés pour leur « contribution exceptionnelle » à la dernière campagne électorale. Sooroojdev Phokeer qui s’est démené comme un beau diable dans les circonscriptions d’abord de son chef Pravind Jugnauth, ensuite de celle du leader du PTr Navin Ramgoolam a, pour tout controversé qu’il soit, été installé à la tête de l’Assemblée nationale.

Sherry Singh, déterminant dans la stratégie de la dernière campagne électorale, au même titre que les Kobita Jugnauth, Prakash Maunthrooa, Ken Arian, aurait exprimé des envies d’ailleurs, son rôle à la direction de Mauritius Telecom ayant été un sujet de vives critiques et de dénonciations lors du dernier scrutin.

Sa nomination récente au conseil d’administration d’Air Mauritius ne serait, en fait, qu’un premier pas, une sorte de tremplin, une version revisitée du loup dans la bergerie qui lui permettrait, à terme, de prendre la place de Somas Appavou qui n’est plus du tout dans les bons papiers du Bâtiment du Trésor au vu de la performance en deçà des attentes enregistrées par la compagnie nationale d’aviation.

Quant à Dick Ng Sui Ha, qui a démissionné de l’Independent Police Complaints Commission durant la campagne électorale pour prêter main-forte à Lalians Morisien, sa nomination comme président de l’Information and Communication Technology Authority serait en suspens, l’explication officielle étant que le dossier tarde parce qu’il y a le projet de fusion entre l’ICTA et l’IBA. D’autres sources indiquent que la nomination de Dick Ng Sui Ha, qui a été actif surtout au No 17, Curepipe/Midlands, pour mater Michael Sik Yuen, comme en 2014, lorsqu’il était un membre en vue du PMSD, et qui était à la fête de Lalians Morisien à Curepipe samedi dernier aux côtés de la famille Obeegadoo, du député Kenny Dhunnoo et de Vasant Bunwaree, se serait heurté aux objections les plus formelles de l’ensemble de l’opposition.

L’ancien bras droit d’Ashok Jug-nauth qui avait été privé d’un poste d’ambassadeur à Paris en janvier 2015, malgré les pressions du PMSD, et qui avait dû, finalement, abandonner parce que des problèmes se posaient avec le pays d’accueil, avait en fin de compte atterri à la Mauritius Film Development Corporation.

Un mandat qui a été souvent ridiculisé au Parlement par Rajesh Bhagwan qui le désignait comme « Danny Dengzonpa », ce qui ne manquait pas d’amuser jusqu’à ses propres amis politiques. Dick Ng Sui Ha est donc en attente d’une nomination qui devrait se concrétiser début 2020 et peut-être à un poste similaire à celui de la MFDC ou un retour à l’IPCC.

Si le gouvernement a dû faire dans l’urgence, sous pression et qu’il y a une certaine pause observée en cette fin d’année, qu’on se le dise, l’exercice de nominations des petits copains politiques ne fait que commencer et il devrait connaître un gros coup d’accélérateur dès début janvier.

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