Non seulement un grand botaniste mais aussi un catholique convaincu

Pierre Poivre (1719-1786) est surtout connu comme horticulteur, botaniste et agronome. Il avait toutefois entrepris des études de théologie à Paris chez les Pères des Missions Étrangères de Paris (MEP) qui l’envoient, comme séminariste, en Extrême-Orient en mission d’évangélisation quand il a 21 ans.

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Dès son arrivée à Canton, il est arrêté et doit passer deux ans en prison, ce qui lui a permis d’apprendre la langue chinoise.

Grâce à ses manières aimables, il devient un protégé du vice-roi qui va l’autoriser à visiter l’intérieur du pays. Il prend grand intérêt à comprendre les coutumes et le style de vie des Chinois, ce qui va l’aider considérablement dans sa vie professionnelle future.

Lors d’un voyage en mer, au cours d’une bataille navale avec les Anglais, il est sérieuse- ment blessé et se retrouve finalement amputé du bras droit. Cet handicap sera une des raisons pour lesquelles il ne s’est pas dirigé vers la prêtrise. Toutefois, il conserve une foi dynamique qui va orienter ses prises de position.

Après 2 brefs passages de 4 mois en 1746 et de 2 mois en 1750 dans notre pays alors dénommé Isle de France, le premier séjour de Pierre Poivre dans notre pays dure 3 ans. De 1753-1756: il vient comme botaniste pour essayer d’acclimater la noix de muscade et le giroflier.

En 1764, quand la Compagnie des Indes en faillite cède ses colonies à la couronne, l’Isle de France et de Bourbon deviennent des colonies nationales sous la responsabilité de M. de Praslin, qui confie à Pierre Poivre un poste d’autorité. Il vient comme Intendant avec sa jeune épouse de 18 ans, et doit mettre en place les structures de l’administration royale.

« Dans le plan que je dois suivre pour le rétablissement de cette colonie, il parait que la meilleure route serait par le rétablissement des mœurs et que la religion me serait d’un grand secours pour cela. » De 1767-1772, pendant 5 ans, il agit comme un véritable administrateur avec beaucoup de force de caractère et une grande foi. Il était contre l’esclavage.

A son arrivée à l’Isle de France, Pierre Poivre est contre l’esclavage et va essayer de rendre moins pénibles les conditions de vie des esclaves. Il précise qu’il veut faire régner la jus- tice, protéger les esclaves et assainir les mœurs.

Dès son arrivée à l’Isle de France, Pierre Poivre, est frappé du luxe qui s’y étale et de la licence des mœurs, ainsi que de l’insuffisance des paroisses et du clergé. Dans le discours qu’il prononce le jour de son arrivée, en présence des fonctionnaires et devant les membres du Conseil, iI annonce l’établissement d’un tribunal terrier, ne craint pas d’attaquer ouvertement les problèmes associés au libertinage et la négligence calculée des maîtres de faire instruire leurs esclaves des vérités chrétiennes.

… « Le bonheur de cette colonie et votre bonheur particulier dépendent de vous seuls… Rendez-vous heureux en cultivant vos terres avec plus d’ardeur et intelligence que vous ne l’avez fait jusqu’ici… La nature a tout fait pour l’Isle de France. Les forêts magnifiques qui couvraient le sol… les plaines défrichées par le feu.. les hommes y ont tout détruit… le sort de cette colonie Messieurs est entre vos mains…

Si nous examinons les mœurs particulières, un luxe étonnant se présente sous nos yeux.Si cette colonie est misérable, il faut l’attri- buer à la corruption de mœurs, aux vices d’une partie de ses habitants… Le luxe perd les mœurs et la nation à moins que les lois sages ne pré- viennent un si grand malheur.

Dans le compte-rendu de la reprise de l’île au nom du Roi, il écrit: Donnons à cette colonie, trop longtemps désolée sous l’empire tumultueux des passions, donnons-lui un spectacle nouveau ; celui de tous ses citoyens vertueux, ligués pour faire son bonheur… seule la vertu peut ramener ici le bonheur que le vice a chassé ; les 3 devoirs liés entre eux : fuyons le luxe et la corruption ; aimons nos frères… ; pratiquons notre religion.

L’union règnera dans toutes les familles et entre tous les citoyens. L’esclave dédommagé, suivant l’esprit de la loi, de la perte de sa liberté par la connaissance de sa religion servira son maître avec joie et fidélité il se croira libre et heureux même dans l’esclavage…

La patrie sera servie avec amour et fidélité ré- gnera au-dedans ; alors ce petit morceau de terre habité par des hommes vertueux deviendra un objet digne des regards et des bienfaits du ciel…

« Il n’y a pas assez de prêtres dans l’île. L’instruction manque. Il faut une paroisse aux Plaines de Wilhems, une au Flacq. Il en faudra, sous peu, une autre au sud de l’île où il reste beaucoup de concessions à faire… Cette île divisée en 8 quartiers principaux n’a encore que trois paroisses qui sont établies. Une dans chacun des deux ports, dont les deux églises tombent en ruine. La troisième au quartier des Pamplemousses, dont l’église n’est pas finie. Tout le reste de l’île est sans paroisse, et par conséquent sans culte public. Beaucoup d’habi- tants n’entendent la messe qu’une fois l’année; quelques-uns passent plusieurs années sans aucun exercice de religion.

Dans le plan que je dois suivre pour le rétablissement de cette colonie, il parait que la meilleure route serait de commencer par le rétablissement des mœurs et que la religion me serait d’un grand secours pour cela… dans l’état où est cette malheureuse colonie, comment exiger des colons qu’ils bâtissent, à leurs frais, des églises et des presbytères, tandis qu’ils n’ont pas de quoi se procurer les besoins les plus in- dispensables de leur vie….

Je crois, Monseigneur, que ce serait un grand avantage pour cette île, le Roi vint au secours des pauvres colons et leur fit les avances nécessaires pour la construction d’une église et d’un presby- tère, dans chaque quartier….

LETTRE DE P. POIVRE AU MINISTRE 30 NOVEMBRE 1767

“Il est un autre objet sur lequel vous m’avez donné ordre de travailler, qui pré- sente de plus grandes difficultés, c’est le rétablissement de la religion et des mœurs. Cet objet est bien essentiel puisque sans lui on bâtirait sur le sable. Rétablir l’ordre dans un pays où règne depuis longtemps le plus grand désordre, c’est ce que je n’ose attendre de mes efforts, mais bien de ma confiance en Dieu seul. Je vais néanmoins, y travailler avec courage ; mais si j’y réussis, ce sera l’ouvrage

de celui qui voit la pureté de vos intentions et qui seul peut couronner par le succès les désirs d’un Ministre vertueux.

“sans religion, il n’y a point de vertu, et sans vertu, point de bonheur”

… Je serais heureux si, en suivant l’inspiration, je pouvais établir en ces îles l’empire de la vertu, et par elle, l’ordre et le bonheur.

Là le principal vœu que j’emporte dans mon cœur. Je vais travailler à le remplir. Je vais tourner toute l’action de l’administration que vous m’avez confiée vers ce but principal. Il y a longtemps que j’ai pour principe que sans religion, il n’y a point de vertu, et sans vertu, point de bonheur.

Pierre Poivre passe à l’action. Il organise l’agencement de la rade qui doit devenir une base importante pour le soutien des forces françaises dans l’Inde.

En 1768, il aide à la mise sur pied d’une imprimerie. Il a voulu créer, à l’instigation de son ami Commerson une petite académie des sciences afin d’y attirer savants, philosophes et gens de lettres.Une des plus belles réalisations de Pierre Poivre est la création du jardin sur les terres de sa propriété de Montplaisir au quartier de Pamplemousses où il résidait. Plus de 600 espèces rares importées des quatre continents sont assemblées dans une harmonieuse féerie tropicale.Pierre Poivre quitte l’Isle de France en 1772 et meurt en France à l’âge de 66 ans en 1786.

MÉMOIRES D’UN BOTANISTE ET EXPLORATEUR PRÉFACE DE PATRICK POIVRE D’ARVOR, LA DÉCOUVRANCE EDITIONS 2006

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