À NOOR ADAM ESSACK : D’UNE PIERRE …

C’est une heureuse coïncidence de lire dans la page Forum l’article de Noor Adam Essack, (plusieurs raisons pour être son ami) et Michel Onfray (aucune raison pour être son ennemi) sur la France de Hollande et la gauche en France. Je voudrais souscrire à leurs critiques en faisant trois autres. Mais sous d’autres angles.
La leçon de Florange
Sous Lionel Jospin, la gauche a vu progresser l’économie française mais ce sont les carnets de commande des entreprises ayant ravivé la société française dans un environnement politique particulier qui ont fait que Jean-Marie Le Pen a devancé Lionel Jospin au premier tour des élections présidentielles de 2002 parce que la gauche l’avait voulu ainsi en présentant plusieurs candidats. Une gauche unie aurait porté Jospin à la présidence de la République française. Ne l’ayant pas voulu, la gauche a été obligée de soutenir Jacques Chirac au deuxième tour.
Aujourd’hui les capitalistes ferment leurs entreprises pour les délocaliser. Raisons : coût bas de la main d’oeuvre AILLEURS ;?régimes de taxation moins contraignants AILLEURS ; possibilité accrue de détournements fiscaux AILLEURS et investissements recherchés à tout prix et ainsi sans contraintes AILLEURS.
La menace qui pèse sur plusieurs pays européens ces temps-ci se rapporte à la déflation (baisse généralisée et continue des prix), comme en 1929. Les causes combinent leur stratégie économique hors production (cause principale de contraction d’activités économiques) et de décroissance de la consommation provoquée par la décroissance de la masse salariale, elle-même causée par le chômage et les bas salaires (baisse de coûts). Ca ne va plus en Europe. La prochaine crise économique en Europe sera sans doute causée par la déflation.
Voulant empêcher les actionnaires de fermer leurs entreprises, Hollande passe une loi, Connue comme la loi Florange. L’objectif : reconquérir l’économie réelle aux seules mains des capitalistes qui font ce qu’ils veulent de leurs propriétés privées bien que sociaux. Cette loi qui voulait « qu’une grande firme qui ne veut pas d’une unité de production et ne veut pas non plus la céder, ait l’obligation de la céder à un repreneur » a été censuré par le Conseil Constitutionnel concernant la sanction proposée qui fut trouvée anticonstitutionnelle « tant du droit de propriété qu’à la liberté d’entreprendre ». Rien ne va plus et Marine Le Pen a fait du FN le deuxième parti politique de France avec un soutien de 22 % des électeurs pour les prochaines élections européennes. Deux premières critiques de ma part :
La première critique – Entre l’Etat?et le gouvernement
La population en général (la gauche aussi malheureusement) commet l’erreur de ne pas faire de différence entre l’État et le gouvernement. L’État, depuis la révolution bourgeoise, s’est transformé en institution, en appareil, voire en édifice de la part de la classe dominante (par la bureaucratie dominante aussi) pour être le gardien de ce qui représente son bien par héritage ou de ce qu’il considère son bien par accaparement.
L’État est ainsi un instrument avec sa constitution (et ses lois organiques), son appareil coercitif (police, armée, judiciaire, service carcéral, service de surveillance avec ses pratiques d’écoute surtout), son appareil idéologique (éducation, médias, communication…) Le reste c’est la soumission de la société au souverain identifié, symboliquement comme institutionnellement, dans l’État bourgeois. Aucune attention n’est portée à ses pratiques d’assimilation et à ses modes et méthodes coercitifs « instruits » et protégés par l’État de Droit. Ce dernier étant LE concept idéologique et le sosie politique de l’État de classe qui détermine les rapports entre dominants et dominés.
J’ajoute, à titre très personnel, que l’État inclut les citoyens (qui sont juridiquement les membres de l’État et comme tels ayant le devoir de se soumettre à l’État de Droit) comme collectif et comme entité dépolitisée, privée de pouvoir et aliénée aux capitalistes pour des raisons existentielles. Pour moi, l’Etat est constitué de tout ce qui constitue l’opposition au changement de sa nature. Ce n’est pas que des textes de loi qui peuvent être brûlés, modifiés, remplacés, mais la coercition imposée par les institutions formelles et informelles et exécutée par les citoyens eux-mêmes, dont un certain nombre sont transformés en fonctionnaires-exécutants, privés de leurs libertés de faire des choix politiques.
Le gouvernement en République, en revanche, est l’émanation du pouvoir des citoyens individualisés -rétablis dans la liberté de la personne placée au-dessus de l’État et ainsi supra-constitutionnelle, en quête de sécurité (l’emploi inclus), de justice, de liberté, de protection et aussi d’égalité – à qui on a transmis la responsabilité de gérer les affaires du pays et non d’agir en institution soumise à un monarque ou à la classe dominante.
Un gouvernement « de gauche » ainsi élu peut ne rien proposer comme changements constitutionnels dans le but de changer la nature et le pouvoir de l’État, s’il émane de la sociale démocratie conciliatrice ou – plus le dire que le faire – transformer constitutionnellement l’État capitaliste si elle se réclame de la sociale démocratie réformatrice. On peut aussi avoir un gouvernement de gauche qui ne soit pas au service de l’État capitaliste mais qui par l’adoption d’une nouvelle constitution impose le capitalisme d’État. C’est ce que nous avons constaté dans les pays dits communistes avec la construction de différentes formes de bureaucratie d’État. Entre la sociale démocratie et la bureaucratie d’État il y a une panoplie de possibilités pour des citoyens et leurs directions politiques de gauche d’agir à condition qu’ils aient un savoir approprié de la nature de l’État et une conscience du pouvoir d’un gouvernement.
La deuxième critique – la gauche c’est d’abord une force visant à démanteler l’État bourgeois
Quand on s’attaque au pouvoir du capitalisme il faut passer par le changement constitutionnel d’abord pour que les lois ne soient pas considérées comme anticonstitutionnelles (à comprendre anticapitalistes). Dans le cas de la France donc (on en parle depuis plus de six ans) il faut passer à la sixième république. Pour Maurice à la deuxième.
Dans les propositions du Mouvement Premier Mai (Nouvelle Constitution et Deuxième République) il est proposé : « Social private property – Social private property is property belonging to individuals or group of individuals – used for economic activities or to provide social services involving other individuals as consumers, users or employees. The State shall regulate the activities of any social property, fix their contributions to public expenditure and may through decision of the National Assembly or the Judicature exercise control on such properties as public utilities. »
A mon point de vue un politicien de gauche c’est celui qui VEUT d’abord et avant tout changer la nature de l’État en aliénant, réduisant ou éliminant le pouvoir de la propriété privée sociale. Cette dernière est considérée à la fois en propriétaire (sujet) possédant les pouvoirs d’un citoyen tout en n’ayant en tant que propriété (chose) aucune responsabilité par rapport à ses actes puisque n’étant qu’un objet. Comme j’ai l’habitude de dire, elle se nourrit comme il peut de (aussi dans) l’anarchie la plus totale et se tue ou est tuée quand cet environnement anarchique entre en crise. Ainsi, pour moi, Valls n’est pas un homme de gauche puisqu’il fait l’apologie de l’État dans son absolu, se dit serviteur de l’État de droit et de ses appareils coercitifs. Excessivement d’ailleurs. Je l’ai écouté l’autre jour et je suis certain que de par sa position il n’apportera pas de changements constitutionnels. Il sera même opposé à l’institution de la VIe République.
Ce qui est intéressant avec la page Forum, c’est qu’elle permet aux intellectuels de gauche comme de droite de s’exprimer. La gauche n’apprendra rien si elle ne lit ce que disent les tenants du capitalisme, de l’impérialisme, du néocolonialisme…. Je trouve que ceux de la droite ont au moins la perspicacité de faire la différence implicitement dans leurs écrits, entre l’État et le gouvernement. La gauche hésite à le faire explicitement.
(A suivre la réaction de Jack Bizlall au texte de Michel Onfray intitulé “Gauche d’en haut, Gauche d’en bas” publié dans la page Forum la semaine dernière)

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -