NOUVEAU DÉPART CONTRE LA CORRUPTION : Ramgoolam et Bérenger sur la même longueur d’onde

En ouverture de la séance de l’Assemblée nationale de la fin de la matinée, le leader de l’opposition, Paul Bérenger, a porté sa Private Notice Question sur la déclaration des avoirs sous la Prevention of Corruption Act, particulièrement ceux des parlementaires. Trois observations majeures à l’issue de ces échanges : d’abord cette identité de vues entre le leader de l’opposition et le Leader of the House, Navin Ramgoolam, au sujet d’un nouvel élan à être insufflé à la lutte contre la fraude et la corruption « in spite of the good work which is being done » (expression utilisée par Paul Bérenger dans sa dernière interpellation). Ensuite, les parlementaires de l’opposition ont préféré laisser la presse porter le dossier de la Rolls Royce en évitant soigneusement d’en faire état , même si le Premier ministre a donné la garantie que les avoirs possédés à l’étranger devront être déclarés avec l’adoption de la nouvelle législation. Enfin, le ton très sobre et très soigné adopté par les deux protagonistes sur un dossier aussi explosif que celui de la fraude et la corruption.
À la fin de la PNQ, Paul Bérenger n’a néanmoins pas manqué de faire état de son agacement à l’encontre de la parlementaire du MSM Maya Hanoomanjee. D’habitude, l’ultime interpellation supplémentaire de la PNQ est réservée au leader de l’opposition. Ce dernier avait déjà interpellé le Premier ministre au sujet de la nécessité d’un nouveau départ dans la lutte contre la fraude et la corruption. Mais vu qu’il restait encore quelques secondes pour clore les trente minutes de la PNQ, Maya Hanoomanjee en a profité, avec le feu vert du Speaker, Razack Peeroo, pour formuler une autre supplémentaire. Paul Bérenger ne s’est pas privé pour lancer de manière sonore « I thought there was another leader of the opposition ». Cette dernière remarque devait susciter un léger brouhaha dans le camp du MSM avec les parlementaires de la majorité prenant plaisir de cette situation.
En substance, le Premier ministre a réitéré son intention de procéder à un overhauling des institutions avec la création d’une Serious Fraud Agency pour coordonner tout le dossier de la lutte contre la fraude et la corruption. Justifiant cette démarche, il a trouvé que trop souvent des arrestations spectaculaires ne débouchent pas sur des résultats concrets faute de coordination entre les institutions concernées. Il a donné des indications sur la constitution de cet Apex Body, qui comprendra plusieurs divisions, dont l’Independent Commission Against Corruption.
La Serious Fraud Agency à la mauricienne devra bénéficier de l’expertise et de l’expérience du Serious Fraud Office de Grande-Bretagne alors que des contacts sont à prévoir avec les autorités de Hong Kong pour une étroite collaboration, a indiqué le Premier ministre. Cette nouvelle institution sera dirigée par un ressortissant étranger et la possibilité de Tenure of Office a également été abordée. La nouvelle Declaration of Assets Act fera provision pour que tous les avoirs des parlementaires et autres Office Holders, dont ceux détenus et gérés à l’étranger, soient déclarés, y compris ceux qui ont été acquis sous des prête-noms.
Bérenger : Par rapport à la Declaration of Assets Act, le Premier ministre peut-il révéler à la Chambre si des amendements proposés en vue de rendre publiques les déclarations des avoirs des parlementaires soumises au Speaker par le truchement du Clerk comme évoqué le 31 mai 2011 ont déjà été préparés et si une ébauche du Declaration of Assets Bill en remplacement du texte de loi en vigueur et le rapport contenant des propositions en vue de renforcer le cadre anti-corruption préparé par le comité parlementaire de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) seront circulés ?
Anti-Corruption Framework
Ramgoolam : Dans le programme gouvernemental 2012-2015, mention est faite de la nécessité de mettre sur pied des institutions solides en vue de renforcer la lutte contre la fraude et la corruption. C’est notre ferme intention. Depuis le 21 mai de l’année dernière, le comité parlementaire de l’ICAC a proposé des amendements à être introduits dans la loi pour consolider l’Anti-Corruption Framework. De son côté, l’ICAC a également fait des propositions de révision du cadre légal. Parmi se trouve une ébauche de la Declaration of Assets Act. Les suggestions de l’ICAC s’inscrivent dans la perspective des dispositions du cadre légal formulé par les Nations unies dans la lutte contre la corruption.
Force est de constater que ce sont des questions très complexes et délicates et des consultations sont en cours entre le Prime Minister’s Office et l’Attorney General’s Office. Toutefois, comme je l’ai déjà annoncé, le gouvernement se propose d’aller de l’avant avec une Serious Fraud Agency et le nouveau texte de loi comprendra un nouveau Declaration of Assets Bill de même que des amendements à la Prevention of Corruption Act.
La déclaration des avoirs soulève des questions très complexes. D’ailleurs, tout ce volet a déjà été traité par la Banque mondiale dans un rapport où il est clairement stipulé que there is no one cap fits all en matière de déclaration des avoirs. It may take considerable time. Les questions qui se posent sont comment rendre publique ces déclarations des avoirs ? N’y a-t-il pas de violation de la vie privée de ceux concernés ? What should be declared ? What should be opened to the general public ?
Entre-temps, le gouvernement a pris une série de mesures pour réaffirmer la culture d’intégrité dans le pays et pour lutter contre la fraude et la corruption. Avec le soutien de l’ICAC, un Public Sector Anti-Corruption Framework a été mis en place pour sensibiliser les fonctionnaires et les employés du secteur public. A ce jour, 47 institutions sont pourvues de ce cadre de lutte contre la corruption avec des Senior Public Officers formés pour agir en tant qu’Integrity Officers. Pas moins d’une centaine de fonctionnaires ont déjà été formés à ce sujet.
Des secteurs à hauts risques ont été ciblés. L’ICAC a déjà procédé à des revues de 74 de ces institutions pour revoir les procédures à différents niveaux, dont le recrutement ou l’allocation des contrats. Une Public/Private Platform a été instituée pour une meilleure interaction entre ces deux secteurs. Des Best Practice Guides ont été élaborés avec déjà onze publiés.
Le Serious Fraud Office a été approché pour collaborer pour renforcer la lutte contre la fraude, la corruption, le blanchiment de fonds et les crimes en col blanc. Trop souvent, nous assistons à des arrestations spectaculaires. Mais en fin d’enquête, il y a très peu d’actions concrètes. Il y a un manque de collaboration entre les institutions. Des mesures spécifiques seront introduites pour traquer les fraudeurs. La Serious Fraud Agency sera équipée de plusieurs divisions sous la supervision de directeurs se rapportant au Chief Executive Officer de la Serious Fraud Agency. ICAC will be one of the divisions of the agency. Cette dernière agence devra intégrer l’Assets Recovery Unit et tout le volet de Mutual Assistance avec des pays étrangers.
Les autres attributions du Serious Fraud Office porteront sur des « illicit enrichment » que ce soit dans le privé ou le secteur public, le renforcement du « trust and confidence » du public, avec le mécanisme de la déclaration des avoirs en tant qu’un des leviers pour accroître la culture d’intégrité.
Décision politique
Bérenger : Après avoir entendu les déclarations du Premier ministre, je prends pour acquis qu’il y a une décision politique pour mettre sur pied la Serious Fraud Agency et que ce sera chose faite avec le projet de loi pour amender le cadre légal contre la fraude et la corruption. Est-il de l’intention du gouvernement d’aller de l’avant avec un nouveau texte de loi sur la déclaration des avoirs ?
Ramgoolam : That’s the intention. The leader of the opposition has understood the intention of government. Déjà, nous sommes en présence d’une première ébauche du projet de loi (il montre à la Chambre un document). Le projet est actuellement à l’étude au State Law Office.
Bérenger : Pour le projet de Serious Fraud Agency, nous allons opter pour la meilleure solution, soit les Best Practices et les meilleures provisions existantes avec le Serious Fraud Office de Grande-Bretagne ou encore à Hong Kong ou dans les pays du Commonwealth ?
Ramgoolam : Yes, that is the case. Au tout début, des manquements avaient été relevés avec le SFO britannique. Des amendements ont été subséquemment apportés. Nous allons établir des contacts avec Hong Kong pour une collaboration.
Bérenger : Je crois comprendre que le Premier ministre a une préférence pour un étranger à la tête de la Serious Fraud Agency ?
Ramgoolam : That’s the intention. Très souvent, nous constatons un manque de coopération entre les agences. Nous en avons discuté et nous avons également abordé la question avec des hommes de loi. I do no want to go into details now.
Bérenger : Il est également un fait que selon les provisions de la Constitution, nous ne pouvions créer des délits criminels avec effet rétroactif. C’est la Constitution. Cette nouvelle agence de lutte contre la fraude et la corruption sera-t-elle habilitée à enquêter sur des délits commis dans le passé sous la PoCA, comme le trafic d’influence ou encore les cas de conflits d’intérêts ?
Ramgoolam : Nous ne voulons mettre un terme à aucune enquête. Nous avons appris la leçon avec l’Assets Recovery Act. Initialement, nos avions opté pour ne pas avoir recours à des clauses de rétroactivité mais dans la pratique, nous avons constaté des faits et nous avons apporté des amendements à la loi. Nous avions commis une erreur et nous l’avons corrigée.
Bérenger : Il y a des cas où des avoirs sont placés sous des prête-noms ; la nouvelle loi tiendra-elle en ligne de compte cette astuce pour contourner tout contrôle ?
Ramgoolam : That’s the case. This is one of the problem. C’est trop facile de trouver un prête-nom et nous allons apporter les changements nécessaires.
Bérenger : Un autre problème touche aux avoirs qui ne sont nullement en proportion avec les revenus de ceux concernés. C’est ce qu’on désigne comme des signes extérieurs de richesse…
Ramgoolam : La loi apportera les mesures concernées même si nous ne sommes pas contre que des gens deviennent riches. Mais ils doivent fournir des explications.
Ganoo : Ceux qui seront appelés à travailler au sein de la Serious Fraud Agency bénéficieront-ils de la protection sous la Constitution comme la Security of tenure ?
Ramgoolam : That will be a good idea…
À ce stade, le député Reza Uteem intervient avec une interpellation supplémentaire sur la définition des avoirs. Les députés Jugnauth et Bodha prennent ensuite le relais. Le Premier ministre fait comprendre à ce dernier que « my belief is that there has been scrutiny » des déclarations des avoirs des parlementaires.
À une autre interpellation du député Éric Guimbeau, le Premier ministre confirmera qu’avec la nouvelle loi à venir, les avoirs des parlementaires à l’étranger devront être déclarés. Les députés Bodha et Uteem reviennent à la charge sur l’accès des informations contenues dans les déclarations des avoirs et le Premier ministre fait comprendre que « we will look at it carefully ». Le député Kee Chong Lee Kwong Wing s’intéresse à la protection des whistleblowers. Le député Roopun voulait savoir si les bijoux, dont des montres, devront faire partie de la déclaration des avoirs des parlementaires.
Bérenger : J’ai écouté attentivement le Premier ministre et je constate ce qui a été fait dans la lutte contre la fraude et la corruption. Can I ask a general question ? Even if a lot of good things have been done, l’attente dans le public est qu’un nouvel élan doit être insufflé dans la lutte contre la fraude et la corruption. Il nous faut un nouveau départ. Partage-t-il ce point de vue ?
Ramgoolam : I tend to agree. C’est la perception dans le public. Comme je l’ai dit, il y a des arrestations spectaculaires mais les conclusions des enquêtes ne sont pas à la mesure de ces actions. Nous voulons changer cela…
Contrairement à la tradition, Maya Hanoomanjee, avec le feu vert de la présidence, formule une ultime interpellation supplémentaire sur les pouvoirs du Serious Fraude Office de rouvrir des enquêtes où des Fact Finding Committees ont déjà enquêté. Ce à quoi, le Premier ministre répondra que tel sera le cas « if there are new and compelling evidence ».
Le leader de l’opposition laisse échapper un « I thought there was another leader of opposition » à l’encontre de Maya Hanoomanjee, suscitant des réactions au sein du MSM…

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