Ô fourmis, entrez dans vos demeures… (Le Coran 27 :18)

DR KHALIL ELAHEE

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« Si je vous dis qu’une armée vient vous attaquer, ne me croirez-vous pas ? », annonçait le Messager de Dieu (paix soit sur lui) aux gens réunis au pied du mont Safaa. Ils répondirent : « Oui, nous savons que tu ne mens jamais. » Il dit : « Je suis un avertisseur pour vous face à un terrible châtiment. »

Savoir la vérité ne suffit pas. Ce n’est que vingt ans après que ces gens finiront par croire en cet avertissement. Sommes-nous pour autant différents ? Rien n’est moins certain. Il disait aussi : « Notre situation, vous et moi, est comparable à celle d’un homme qui a allumé un feu de nuit. Les insectes se mirent à tomber dans le feu cependant qu’il cherchait à les en écarter, mais ils y tombèrent quand même. C’est ainsi que moi-même je vous retiens par vos ceintures pour vous éviter de tomber dans le feu et je dis : Ecartez-vous du feu ! Ecartez-vous

du feu ! Tandis que vous vous échappez et vous vous y précipitez. »

Les rappels à ne pas sortir de chez soi et à respecter les règles du confinement ne seront pas entendus par tout le monde. Ce n’est nullement parce que certains sont sourds, qu’ils ne comprennent pas, qu’ils n’y croient pas ou qu’ils sont inconscients. La réalité humaine est que les gens n’agissent pas toujours comme ils le doivent. Et pourtant, les motivations profondes du confinement par rapport au Covid-19 ne manquent pas…

Pourquoi rester chez soi ?

Sauver sa vie, sa famille, ses parents, ses grands-parents et ses proches ; éviter la maladie, la quarantaine, l’hospitalisation dans des conditions pénibles ; protéger sa situation, ses acquis, son emploi, son avenir ; se reposer, passer du temps avec ses enfants, se distraire, se faire plaisir ; travailler autrement, rattraper ses retards, réviser, prendre une avance, faire ce qu’on a jamais eu le temps de faire ; découvrir la beauté de la vie, la sérénité, la tranquillité et la paix intérieure ; ne plus souffrir du stress quotidien, de l’embouteillage, de la

pollution et des routines abominables. Malgré cela, il y a toujours des gens qui voudront sortir de chez eux lorsque cela n’est pas nécessaire.

Nombreux parmi les récalcitrants avanceront des raisons pour essayer de justifier l’injustifiable. Nous ne pouvons nier qu’il existe des besoins, mais ce ne sont pas des nécessités par rapport au danger de contamination. La peur, la panique et l’indifférence vis-à-vis d’autrui, relevant d’une rationalité individuelle, sont aussi des faits. Toutefois, collectivement, cela peut provoquer une réaction de groupe irrationnelle. Au risque qu’il y ait une propagation de la pandémie localement avec des milliers de morts s’ajoute le danger d’un breakdown économique et social, voire une anarchie totale.

Ceux qui n’obéissent pas à l’obligation du confinement ont été comparés à des déserteurs dans une narration prophétique : « Celui qui fuit l’épidémie est tout comme un déserteur. Et quiconque patiente aura la récompense d’un martyr. » Rester ainsi à la maison, avec espoir en Dieu, est un acte méritoire qui plaît à Dieu, en obéissance à Son ordre. Quiconque sauve une personne, c’est comme s’il a sauvé l’humanité entière. Et quiconque est responsable de la mort d’une personne, c’est comme s’il a tué l’humanité entière.

L’évidence est que certains changeront leur comportement car ils aspirent à l’agrément divin, la récompense dans ce monde et davantage dans l’au-delà. D’autres, même s’ils ont la foi, n’agiront pas toujours en conséquence. Le désordre est bien là, « apparu sur la terre et dans la mer à cause de ce que les gens ont accompli de leurs propres mains; afin que Dieu leur fasse goûter une partie de ce qu’ils ont œuvré; peut-être reviendront-ils ? » (Le Coran 30:41)

Maîtriser les récalcitrants

Certains ne reviendront pas ou ne le feront pas de sitôt. Ces récalcitrants ne disparaitront pas. Aux autorités d’agir afin que ces derniers soient réduits à un nombre négligeable et que leurs influences soient maîtrisées au plus vite. Il est impératif que les problèmes suivants soient pris en compte adéquatement :

1. La distribution de produits de base aux personnes sur le registre social et aux nécessiteux est une excellente mesure. Elle doit être élargie. Toutefois, elle doit être efficace et ne doit pas mettre en danger la vie de ceux qui y participent. Même constat pour la distribution en

ligne, mais la ruée vers ces sites démontre que la saturation est atteinte rapidement. Tout abus est condamnable, comme certains prix affichés pour le service de livraison de packs qui ne sont pas à la mesure de tout le monde. Il faut trouver une solution à ceux qui travaillent dans le secteur informel et n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins quand les commandes en ligne sont trop onéreuses. Rouvrir les supermarchés est prématuré aussi longtemps que les gens sont indisciplinés.

2. Certains cas de cambriolage, pour ne pas dire de pillage, ont été rapportés. La police doit être intraitable, mais dans le respect des lois. Comme pour la violation du confinement, les sanctions légales doivent être plus lourdes pour ces délits en situation de crise. Si une personne est dans un besoin réel d’un produit, faire main basse n’est pas une solution. Ne peut-il pas y avoir un numéro d’urgence à appeler, un service qui peut être géré par des ONG ? Ces dernières doivent aussi être habilitées à faire la distribution en prenant toutes les précautions requises.

3. Il faut tester le personnel médical, et ensuite tous ceux qui s’activent au sein des services essentiels. Nous ne finissons pas d’apprendre sur le nouveau coronavirus

et il apparait qu’une personne sur deux qui portent de virus n’aura presque aucun symptôme. L’OMS préconise aujourd’hui de tester, tester, tester. Même si auparavant elle n’a pas été à la hauteur en refusant d’appeler à fermer les frontières plus tôt et à reconnaître la pandémie, il convient de dire que personne ne s’est préparé à ce que nous vivons.

4. La Hollande d’un côté et la Chine de l’autre ont des approches différentes vis-à-vis de la pandémie. Entre-temps, il y a les USA et la Grande-Bretagne qui changent de stratégie, sinon laissent planer le flou. L’Italie et l’Espagne souffrent tant du fait qu’un taux élevé de leur population est âgé et qu’il y ait un non-respect du confinement au début de la pandémie. A Maurice, il faut que les autorités soient épaulées par un think-tank de spécialistes locales et internationales qui aura pour mission de les conseiller et de valider les politiques qu’ils préconisent d’une perspective scientifique. Évidemment, cette instance pourra se rencontrer en ligne. Les ministres, hauts-cadres et responsables de la Santé, comme les membres des différents comités qui sont sur le front, n’ont souvent pas suffisamment de distance par rapport à ce qui se passe et peuvent être engloutis dans le crisis-

management quotidien. Ce think-tank ne sera pas une instance de décision, mais saura aider les décideurs de manière objective.

5. Quelles leçons devrons-nous tirer de la pandémie de 1918 ? D’abord, elle épargna l’Australie mais lorsque celle-ci s’empressa de lever les mesures de précaution, elle en souffrit en 1919. D’ailleurs, à Maurice, c’est relativement tard, en hiver en 1919, que la grippe espagnole frappa. Beaucoup de pays connurent une deuxième vague, ce que craint par exemple la Chine aujourd’hui. Au-delà de la situation courante grave, préparons-nous déjà à ce qui pourrait être beaucoup plus grave encore.

Conclusion

To fail to prepare is to prepare to fail… à quoi faudrait-il s’attendre pour l’après COVID-19? Si Dieu nous garde, un retour à la normale, comme auparavant, serait une occasion manquée. L’épreuve n’aurait alors servi à rien. Tant de morts pour rien si nous retournons à nos mauvaises habitudes, à maintenir un système dominant

profondément injuste, à ré-établir un monde qui n’allait pas bien.

Pendant la pandémie, il y a moins de violence, moins de crimes, moins de pollution, moins d’accidents, moins de conflits. Pourquoi ne pas construire un monde nouveau à partir de ces repères, avec plus de sens, plus de solidarité, plus de bonté ?

Découvrons une autre science, un autre progrès et une autre vision du développement qui améliorent la qualité de vie pas seulement de certains mais de tous. Réinventons notre société, notre économie, notre politique, notre vie dans l’humilité et la conscience de Dieu…

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