Oh, que c’était mignon !

Oui, le contraste était saisissant. Entre ceux que nous devons subir, et nous l’espérons pour pas trop longtemps encore, et ces jeunes parlementaires qui ont investi l’hémicycle pendant deux jours, une belle bouffée d’air frais. Rassurante. Et salutaire aussi en ces temps de précampagne électorale avec déjà son lot d’attaques personnelles, mesquines et « trash ».

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Oh, que c’était mignon ! Les deux jours de débats pour ceux qui se sont mis dans la peau du Speaker, du Premier ministre et du leader de l’opposition étaient très agréables à suivre et cela a donné une bien belle image de cette jeunesse que l’on décrit peut-être un peu trop souvent comme étant décérébrée, opportuniste et happée par les réseaux sociaux et les palabres qui les caractérisent.

S’ils ne sont pas passés par une élection, ils ont néanmoins eu à franchir le cap d’une sélection, ce qui laisse penser qu’ils ont été choisis parce qu’ils le méritaient et qu’ils présentaient le plus d’aplomb. Et ils s’en sont tirés plus qu’honorablement. Eux, au moins, ont porté haut la notion de Honourable Member qui fait défaut à tant d’élus de la présente mandature.

Bonne diction, belle assurance, une consultation des notes plutôt qu’une lecture prolongée et monocorde de texte, comme le font encore des députés qui, pourtant, n’en sont pas à leur premier mandat, nos jeunes parlementaires nous ont offert une belle prestation. La Première ministre semblait taillée pour la fonction, le leader de l’opposition était tout à fait dans le ton.

Même celui qui faisait office de Speaker pourrait avoir quelques conseils à dispenser à l’actuelle titulaire, tant il a fait montre de tact et d’impartialité. Et dire que c’est juste après la séance de jeudi avec les jeunes que Maya Hanoomanjee a choisi pour se lancer dans une polémique avec Aadil Almeer Meea sur ses voyages !

En matière de leçon d’élégance, la Speaker aurait pu avoir demandé au Premier ministre adjoint de retirer son « Ferme ta gueule ! » adressé à Reza Uteem le mardi précédent. Elle ne l’a pas fait. Il est probablement plus facile d’expulser Mayen Jhugroo pour quelques murmures que d’appliquer les règlements à Ivan Collendavelloo, celui qui est venu faire la leçon aux jeunes jeudi.

Enfin, avec les élus du ML, c’est le jeu permanent de la posture. Ivan Collendavelloo a eu le culot de dire, devant ces jeunes, qu’il y a un problème de sous-représentation des femmes à Maurice et que, lorsqu’il y a des textes à voter, les partis se débinent. Non, c’est de la malhonnêteté intellectuelle. Lorsque le gouvernement travailliste avait introduit le quota d’un tiers de candidats femmes dans chaque arrondissement municipal, en 2011, ce qui est une excellente mesure, pour un début en attendant peut-être la parité un jour, le leader de l’opposition d’alors Paul Bérenger avait demandé que cette mesure soit inscrite dans la Constitution pour qu’elle devienne inaltérable et qu’elle soit étendue aux élections générales. La requête n’avait pas été entretenue.

A la fin de l’année dernière, lorsqu’il y a eu des débats sur la réforme électorale et que le projet faisait provision pour qu’il y ait un tiers de femmes candidates, le gouvernement d’Ivan Collendavelloo a fait presque du chantage en disant que c’est un tout et que c’est à prendre ou à laisser. Alors que c’est d’une même voix que l’opposition réclamait que la question de la représentation des femmes soit votée séparément.

C’est dire avec quel degré d’hypocrisie certains beaux parleurs peuvent berner leur auditoire. Ce n’était pas la seule fausse note de ce Youth Parliament. Quelle manifestation de mauvais goût que de faire Raj Dayal remettre une attestation aux jeunes parlementaires vendredi !

L’ironie a, d’ailleurs, voulu que ce soit en ce même vendredi 9 août où il délivrait fièrement un award à certains de ces jeunes que les magistrats de la Cour intermédiaire, Darshana Gayan et Sacheen Boodhoo, décidaient que les bandes sonores recueillies auprès des médias en 2016 étaient recevables ans le cadre du procès “Bal Kuler”. Il ne manquait à ce Youth Parliament que son avocat, Ravi Rutnah, celui qui vient d’obtenir un bénéfice du doute devant le tribunal de Rose-Hill pour propos abusifs envers un agent de l’ordre.

Le Youth Parliament a été extrêmement rafraîchissant. Mais il ne faut pas non plus s’emballer et crier à la révolution. Une hirondelle, c’est connu, ne fait pas le printemps. Il y a la jeunesse qui pense, qui est avant-gardiste et qui entend incarner l’avenir. Il y ceux qui se sont trompés d’époque. Parmi les lauréats reçus par la ministre de l’Education lundi dernier, il s’en est trouvé pour s’opposer aux académies mixtes qui vont commencer à opérer à partir de 2020. Et ça se dit jeune et c’est lauréat en plus !

Comment vont-ils faire ceux qui prônent la ségrégation ? Ne pas aller à l’école primaire, parce que les garçons sont en classe avec les filles, ne pas aller à l’université parce que, sur le campus, les deux sexes se croisent et échangent comme tous les jeunes de leur âge, et, demain, ne pas travailler parce que l’on risque de côtoyer l’autre sexe ?

Allons donc, que vient faire ce genre de considérations dans l’école de la République. Que savent-ils ceux qui combattent la mixité, des riches et stimulantes expériences de ces nombreuses écoles où garçons et filles cheminent ensemble du préprimaire jusqu’à l’université ?

La ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun a eu parfaitement raison de maintenir sa décision malgré les objections de quelques obscurantistes qui croient qu’ils vivent au siècle dernier. Ce sont ceux qui veulent profiter des avantages de la modernité tout en essayant d’imposer leurs pensées et leurs méthodes anachroniques à d’autres. The noes don’t have it !

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