OPÉRATION GOLDFINGE—EURO-LOAN SAGA: l’ICAC en présence de quatre pistes

Après huit jours de calme apparent dans le cadre de l’opération Goldfinger avec l’Euro-Loan de 1,1 million d’euros de l’ancien ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo, les limiers de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) se préparent à entamer une étape cruciale de l’enquête à la fin de la semaine. Suite à un échange de correspondances entre l’ICAC et le conseil légal du ministre, Me Maxime Sauzier, Senior Counsel, un programme de travail a été élaboré d’autant plus que selon des indications, l’homme de loi de Vishnu Lutchmeenaraidoo pourrait ne pas être disponible à partir de samedi en raison de ses obligations professionnelles à l’étranger. D’autre part, avec les dernières vérifications complétées en début de semaine auprès de la direction générale de la State Bank of Mauritius Ltd, l’ICAC a déjà balisé son champ de manoeuvres avec quatre pistes pour les interrogatoires avant que le dossier formel ne soit transmis au commissaire de police, Karl Mario Nobin, en vue de l’aval de l’Office of the Director of Public Prosecutions pour toute décision sous les différents textes de loi, dont le Prevention of Corruption Act (PoCA).
Cinq semaines après l’éclatement de l’Euro-Loan Saga, avec le ministre Lutchmeenaraidoo soutenant que le prêt contracté auprès de la State Bank of Mauritius Ltd n’était que de 400 000 euros à des taux d’intérêt de 1,5 % annuellement, un document signé des mains de l’ancien ministre des Finances vient prouver que le prêt était bel et bien pour un montant de 1,1 million d’euros et ni plus ni moins. La preuve se situe dans une correspondance laconique de 13 mots en date du 1er juillet 2015, soit au lendemain du jugement prononcé par les magistrats de la Cour intermédiaire, Niroshni Ramsoondar et Azam Neeroa, condamnant le leader du MSM, Pravind Jugnauth, à un an de prison dans le « scandale du siècle » MedPoint. Cette missive (voir fac-simile plus loin) est adressée au Head of Private Banking de la SBM Ltd et comporte la directive suivante : « I wish to apply for a loan of Euro 1,1 million. Thanking you » et la signature de Hon Seetanah Lutchmeenaraidoo figure au bas.
À partir de ce document bancaire, l’ICAC tentera à partir de demain après-midi d’obtenir la version des faits de Vishnu Lutchmeenaraidoo sur les procédures et démarches entamées à partir de ce 1er juillet 2015 pour arriver à la conclusion des négociations, soit 11 semaines et quatre jours, avec la signature du Loan Agreement du 11 septembre 2015. À la lumière des trois Judge’s Orders levant le secret bancaire, l’ICAC est en déjà en présence d’une chronologie « Foolproof » des tractations et des négociations au sujet des changements intervenus que ce soit au niveau de l’identité des bénéficiaires, soit de SVL Trust à Vishnu Lutchmeenaraidoo.
L’ancien ministre des Finances sera confronté aux éléments déjà versés dans le dossier à charge de l’ICAC en vue de déterminer pour quelles raisons il ne devrait pas être inculpé sous la section 7 du PoCA, en l’occurrence le délit de Public Official Using His Office for Gratification (voir encart plus loin). En cas de condamnation sous cette section de loi, tout accusé risque une peine d’emprisonnement maximale de dix ans de prison.
L’autre volet de l’interrogatoire devra techniquement déboucher sur les Purposes of the Loan en devises étrangères. De ses propres aveux sur sa page Facebook au tout début de l’opération Goldfinger, Vishnu Lutchmeenaraidoo a soutenu que les recettes de cet Euro-Loan devaient alimenter des fonds pour l’acquisition de l’or. Eh tant que ministre du gouvernement de Lalyans Lepep, il ne pouvait prétendre détenir une licence aux termes de la loi pour s’engager dans des transactions de métaux précieux. De ce fait, il pourrait se trouver en infraction avec la loi et tout dépendra des éléments de réponses pour savoir si l’ICAC compte poursuivre sur cette voie avec des charges provisoires recommandées pour des opérations de « Trading in Precious Metals Without Licence » dans le rapport destiné au commissaire de police et au Directeur des Poursuites Publiques.
Le ministre Lutchmeenaraidoo devra faire face encore à ses propres propos pour la troisième piste d’interrogatoire de l’ICAC, à savoir le délit éventuel de Swearing False Affidavit. Il devra s’expliquer sur la teneur du paragraphe 15 (xiv) de l’affidavit juré le 4 avril dernier à l’effet que « to show my good faith, I did not object to the State Bank of Mauritius Ltd sharing all relevant information to the Honourable Prime Minister about the loan, who after having examined and inspected the said information, was satisfied that the loan was in order ».
Avec cette version des faits contestée formellement par le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, par voie de communiqué du Prime Minister’s Office en date du mercredi 6, l’ICAC pourra référer cet aspect de l’enquête sur l’Euro-Loan Saga de 1,1 million d’euros au commissaire de police « to initiate criminal proceedings at the other end », notamment le Central CID, avec sir Anerood Jugnauth en tant que Main Prosecution Witness contre un ministre du gouvernement de Lalyans Lepep dans un procès au criminel pour le délit allégué de Swearing False Affidavit. Plus d’une semaine après, aucune déposition sur cette affaire de faux affidavit n’a été consignée formellement à la police.
Par ailleurs, un épais mystère entoure le quatrième chapitre de cette séance d’interrogatoire, qui risque de se présenter comme un marathon au QG de l’ICAC à moins que l’état de santé de l’ancien ministre des Finances n’en décide autrement. Toutes les tentatives d’obtenir la moindre indication à ce sujet ont été vaines compte tenu que cet aspect de l’enquête revêt le caractère d’une Stand Alone Charge avec pour seul élément une réponse par oui ou par non de Vishnu Lutchmeenaraidoo sans aucun complément de témoignage aux documents d’accusation disponibles.
Vu que la reprise de l’interrogatoire est prévue pour demain après-midi, force est de constater qu’il faudra attendre jusqu’à vendredi pour l’étape des consultations triangulaires entre l’ICAC, la police et le DPP, avec ce dernier ayant la responsabilité de déterminer et de confirmer le dénouement de l’opération Goldfinger Saison I, comme l’a fait comprendre le Premier ministre en conclusion à la Private Notice Question du leader de l’opposition, Paul Bérenger, à l’Assemblée nationale, hier.
Par contre, le programme du ministre des Affaires étrangères, qui a assisté hier soir aux célébrations de la fête nationale du Bangladesh, prévoit une séance de travail avec la participation du Dr Fernando à l’hôtel Sofitel samedi en vue de réorienter la diplomatie mauricienne…

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