Où sont passés les bébés ?

 
AMENAH JAHANGEER-CHOJOO
 
On nous annonce le début de la réduction de la population mauricienne pour 2030, soit dans 18 ans. Certains diront que ce n’est pas plus mal, on aura plus de place et moins de bouches à nourrir. Or la réalité est autrement plus complexe. Ces projections s’appuient sur les tendances actuelles de la natalité, la migration et la longévité. En clair, on fait de moins en moins de bébés, plus de monde quitte le pays que le nombre qui rentre et on vit de plus en plus vieux.
La chute du taux de natalité a débuté dans les années 1960 et se poursuit jusqu’à nos jours. Le problème est qu’il ne s’arrête pas. L’on s’attendait que le nombre d’enfants par femme en âge de procréer atteigne et reste autour de 2.1 soit le taux nécessaire pour remplacer la population. Or le nombre d’enfants par femme dans la fourchette d’âge de 16 à 48 ans se situe actuellement à 1.5. Ce nombre est passé de 6.7 en 1952 pour atteindre le taux de remplacement en 1984 mais continue à baisser. Aussi le nombre de bébés qui avaient pris naissance en 2001 était de 19 504 et en 2010 ils n’étaient plus que 15 005 à voir le jour.
La chute de la fertilité résulte des mutations que connaît la société mauricienne depuis les années 1960 : l’industrialisation et la tertiarisation de l’économie qui ouvrent la porte à l’emploi féminin et le changement subséquent dans le rôle et le statut de la femme. L’âge du mariage est progressivement repoussé ainsi que l’âge où les femmes ont leur premier bébé. En même temps les techniques de contraception s’améliorent et se répandent. Les jeunes poursuivent des études tertiaires ou une formation professionnelle plus longue, consacrent plus de temps et d’attention à leur plan de carrière et renvoient la fondation d’une famille pour plus tard. Il en résulte automatiquement le vieillissement de la population. En effet, l’âge médian qui divise la population en deux se situe en 2010 à 34.1 années alors qu’il était de 17.6 années en 1962. Si la tendance actuelle se maintient l’âge médian sera de 40 ans en 2030 et 45.4 ans en 2050. Cela implique que non seulement la population sera plus âgée mais que sa capacité de reproduction ira décroissant. Le nombre de femmes en âge de procréer ira en diminuant.
Quelles sont les implications de cette condition ? Une population vieillissante pense et agit différemment. Elle est moins dynamique, moins innovatrice et prends moins de risques. Elle est surtout moins joyeuse. Que serons-nous sans les jeunes qui nous stimulent, nous font enrager et nous font rire ? Et sans les enfants qui nous inspirent de l’amour ? Plus prosaïquement cela implique qu’il y aura moins de gens pour travailler, et payer des taxes pour subvenir aux besoins de ceux qui ne peuvent plus travailler. En clair, la survie même de la population est remise en question.
Il est encore temps de réagir. Il est important d’étudier les facteurs sociaux, économiques, et comportementaux qui provoquent la baisse de la fécondité et d’essayer d’y remédier à l’aide de mesures appropriées. Plusieurs pays ont instauré des mesures pro-natalistes avec plus ou moins de succès. Il s’agit d’adapter les mesures à la situation locale propre. Il faut surtout que la population prenne conscience de l’ampleur du problème et de ses conséquences. C’est une question de la durabilité de la société dans ce pays.    

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