PASSE-PORTES : Ahmed Soumette prix Passe-Portes et Bernard Giraudeau à l’unanimité

Le festival francophone de théâtre et de musique Passe-Portes s’est conclu hier soir au son chaleureux de la voix de Zulu à 23 h 30. Avant que l’artiste de Mahebourg ne capte toute l’attention du public, l’heure était à la reconnaissance des talents théâtraux émergeants qui a doublement couronné, à l’unanimité du jury, le comédien et metteur en scène Comorien Ahmed Soumette pour Je n’ai pas de nom, d’après le poète marseillais Christophe Tarkos. « Je suis très fier et honoré qu’on ait entendu parler des Comores à ce festival et j’espère, inch Allah, qu’on verra bientôt des compagnies mauriciennes chez nous ! », a immédiatement dit l’artiste qui a aussi fortement impressionné le public.
La comédienne Charlotte de Turckheim, la présidente du jury qui a délibéré sur les prix Passe-Portes et Bernard Giraudeau, a témoigné de la difficulté à départager les jurés sur les différentes pièces. Les propositions des six spectacles en compétition étaient de haut niveau, offrant un éventail varié de registres et de styles, mettant aussi l’emphase sur les îles de l’océan Indien grâce aux participations malgache, comorienne, réunionnaise et mauricienne. Même contrainte à 45 minutes de durée, chaque performance a impressionné par la qualité du travail mis en oeuvre, ne pouvant que convaincre les jurés de la pertinence de leur rôle à venir encourager la créativité des auteurs, comédiens et metteurs en scène de l’océan Indien aux côtés bien sûr de ceux qui sont venus cette année de France et de Belgique.
Si la présidente du jury a mentionné cette petite flamme qu’il faut absolument entretenir et encourager, Nicole Croisille a quant à elle tenu à préciser qu’elle reste « émue et touchée par le sérieux, la conviction et le travail dont tous ont fait preuve. Je veux assurer toutes les compagnies que nous avons apprécié leur travail et que nous garderons les yeux sur eux… » Mais il fallait faire un choix, et cette année à nouveau le talent émergeant mauricien à suscité le désir de décerner un “coup de coeur” au projet de l’auteure Poonamraag Seetohul et du metteur en scène Ashish Beesoondial pour la pièce Effluves du passé, qui traite avec finesse et intelligence du délicat thème de l’inceste et des réactions étonnantes que ce genre de drame familial peut engendrer dans l’entourage.
Pour Passe-Portes la troupe d’Ashish Beesoondial a entièrement repris la pièce qui avait été présentée l’an dernier à l’IFM. Si ces enseignants de formation ont l’habitude de rester proches du texte dans leurs interprétations théâtrales, le metteur en scène les a poussés cette fois-ci à aller plus loin dans la présence physique et le symbolisme. Les gestes, les mouvements et l’appropriation de l’espace ont ici bien souvent remplacé les mots et permis aux artistes de franchir une étape dans ce projet que le jury entend soutenir et dont la poursuite sera désormais suivie par l’équipe de Passe-Portes.
« Je suis ému et content », nous a dit Ahmed Soumette juste après la remise de prix, « de voir mon travail ainsi reconnu par des professionnels et des institutions. Pour moi c’est un grand pas qui s’affirme ! » Il a composé et adapté sa pièce Je n’ai pas de nom en choisissant dans l’oeuvre de Christophe Tarkos sept extraits qu’il a associés et pour lesquels il a écrit des transitions. Le résultat nous fait vivre en une heure tous les registres de la comédie, de clowneries poétiques absolument réjouissantes aux interactions avec le public qu’il fait danser sur Stromae, en passant par des moments surprenant sur la condition humaine et d’autres profondément poignants sur le mal dont on assaille l’autre qui est différent et qui n’a pas de nom, mais sait vivre et existe tout à fait sans cela…
Ahmed Soumette a dédié le prix Passe-Portes qu’il a reçu en premier lieu à un auteur comorien, Salim Hatubou, qui a disparu le 31 mars dernier. C’est que « le pitre de Moroni », qui se présente en ces termes lorsqu’il évoque le succès qu’il a auprès des familles et des enfants dans son île, est un personnage emblématique de la vie culturelle aux Comores, où il a su créer un centre culturel à partir de rien et attirer en un même lieu tous les artistes de l’archipel à la rencontre du public. Le comédien a reçu son prix d’interprétation Bernard Giraudeau des mains de l’ambassadeur de France, distinction qu’il a également obtenue à l’unanimité du jury.

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